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Un début de polémique entoure la sortie d'un film sur la fin de Hitler : débats et passions autour de «La chute»

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Un début de polémique a entouré la sortie en France mercredi de «La chute», un film sur les derniers jours de Hitler, interprété selon certains de manière trop humaine par l'acteur suisse Bruno Ganz.

Ce portrait du dictateur assiégé à l'intérieur de son bunker montre Hitler dans des scènes de la vie quotidienne, courtois avec ses secrétaires, ou échangeant un baiser passionné avec Eva Braun, même si les spectateurs le voient aussi signer l'arrêt de mort de centaines de milliers de civils en refusant de capituler. «Quand on voit Hitler dans ce film, on veut l'approcher, on veut le comprendre (mais) il ne faut pas s'amuser à comprendre ces gens-là. Les crimes commis par cet homme excèdent toutes les raisons qu'on peut en donner», s'est insurgé mercredi Claude Lanzmann, le réalisateur de «Shoah», sur la chaîne publique France 2.

«Quand un film sur un sujet politique est dans un seul point de vue, c'est ennuyeux, parce qu'il peut y avoir une forme d'empathie par rapport aux personnes qu'on voit», met en garde l'historien Christian Delage, interrogé par l'AFP. «Tous ceux qui estiment qu'on n'en a jamais fait assez sur ce sujet, compte tenu de la spécificité mortifère du nazisme, vont rester sur leur faim et dénoncer, sinon les lacunes du film, du moins la démarche du cinéaste», estime pour sa part l'historien Jean-Pierre Azéma, dans Le Parisien.

«Dans sa tentative de décrire ce huis clos, (le cinéaste) répond à la question +comment+ : comment s'est déroulée le dernière douzaine de jours de Hitler, sans se poser la question du +pourquoi+», regrette-t-il. Quant à Serge Klarsfeld, président de l'Association des fils et filles de déportés de France, il ne croit pas «qu'il y ait de raison de créer une polémique autour de ce film». «C'est un lieu commun de dire que l'homme privé ne ressemble pas à l'homme public.

Tel grand démocrate peut avoir été grossier avec sa secrétaire et tel dictateur courtois avec la sienne. C'est du blabla», a-t-il déclaré à l'AFP. «Si on avait fait un film sur Hitler et son chien, il est évident que les amis des chiens l'auraient trouvé sympathique. Ca dépend de l'endroit où on place la lorgnette», a-t-il expliqué.

L'écrivain Eric-Emmanuel Schmitt partage cet avis. Dans «La chute», «on ne montre pas un diable avec des cornes et c'est bien», estime l'auteur de «La part de l'autre» (2001), une réflexion sur Adolf Hitler et sur la part d'ombre propre à chaque être humain. «La polémique qui consiste à se demander si on a le droit de présenter Hitler comme un être humain, c'est de la sottise. C'est bien d'un être humain qu'est née cette histoire-là! Ce n'est pas Dieu qui a inventé Auschwitz!», a déclaré Eric-Emmanuel Schmitt dans Le Parisien. En Allemagne, la polémique sur le film, Der Untergang, sorti en septembre 2004, a fait long feu, provoquant des commentaires divergents soixante ans après la fin de la guerre. «Avons-nous le droit de faire le portrait d'un homme responsable de la mort de 40 millions de personnes ?», s'était demandé le quotidien berlinois Tagesspiegel. Pour le réalisateur Oliver Hirschbiegel, il y a un plus grand danger à conserver d'Hitler l'image irréelle d'un monstre qu'à le restituer dans ses traits d'homme.

Un sondage paru dans le magazine Stern semble lui donner raison : 69% des Allemands y approuvent le fait que le film montre Hitler sous un jour aussi humain, contre 26% qui désapprouvent. L'ancien chancelier allemand Helmut Kohl a lui-même estimé que «ce film devait être tourné. Et j'espère qu'il sera vu par le plus grand nombre possible de gens».

Les interprétations du Führer au cinéma


Avant Bruno Ganz, qui joue le rôle d'Adolf Hitler dans le film «La chute», d'autres acteurs, dont Charlie Chaplin et Alec Guiness, avaient déjà interprété le dictateur au cinéma.

En 1940, dans «Le Dictateur», Charlie Chaplin interprète Hynkel, un personnage de fiction calqué sur le Fùhrer (ainsi qu'un barbier juif qui est son sosie).

Chaplin se sert de la comédie pour dénoncer le régime nazi, comme lorsqu'il montre Hynkel éructer un discours incompréhensible (et d'autant plus effrayant) ou encore jongler avec un globe-terrestre dans une scène très poétique.

Dix ans après la Seconde guerre mondiale, Oskar Werner avait également joué le rôle d'Hitler dans le film «La fin de Hitler», de l'Autrichien G. W. Pabst (1955).

Alec Guiness («Les dix derniers jours d'Hitler» d'Ennio de Concini, 1973) et Anthony Hopkins («Le Bunker» de George Schaefer, 1981) ont également prêté leurs traits au personnage (de même que Derek Jacobi dans le téléfilm «Witness Against Hitler» de Betsan Morris Evans, 1996).

Plus récemment, le Russe Alexandre Sokourov a mis en scène le Fùhrer dans «Moloch» (Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes en 1999). Dans ce film, qui se déroule à Berchtesgaden au printemps 1942, Sokourov s'intéresse à la relation entre Hitler (joué par Leonid Mosgovoi) et Eva Braun.

Comme à son habitude, le Russe adopte un parti pris très esthétisant (Berchtesgaden est dépeint comme une forteresse médiévale) qui fait ressortir le côté mortifère du régime nazi. Noah Taylor a également interprété Hitler jeune dans «Max» de Menno Meyjes (2002), qui abordait la relation entre le futur Fùhrer, alors peintre, et un galeriste juif.

Enfin, Robert Carlyle (un des acteurs de «Trainspotting») avait lui aussi tenu ce rô le dans un téléfilm britannique, «Hitler: la naissance du mal», de Christian Duguay (2003).
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