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Une pièce de théâtre pour humaniser les prisonniers

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Dans la nuit du 21 décembre, une troupe de 12 mutins s'est évadée de la prison de Oukacha à Casablanca.
Cette évasion s'est déroulée suivant un scénario minutieusement préparé par le cerveau de la troupe.

La mise en scène et les multiples répétitions ont nécessité plusieurs année de travail et ont abouti à un professionnalisme de leurs auteurs.
Par ailleurs, la complicité du directeur de l'établissement pénitencier, du responsable des activités culturelles, ainsi que d'autres employés serait bien avérée dans ce forfait.

Certains parlent même de complicité au sommet de l'état.
Les prévenus ont réussi à quitter la ville de Casablanca pour se diriger vers Rabat où ils ont perturbé la paisible existence de centaines de personnes que le destin leur a fait rencontrées sur le chemin.

Si la réalité correspondait à l'interprétation malheureuse de ces faits, l'événement aurait fait le titre de la totalité des journaux de la place.
Dans ce cas-là, la réalité est bien plus heureuse mais le problème est que les relais ne fonctionnent pas toujours pour diffuser la bonne nouvelle, alors que l'information relative à un désastre, et surtout les méfaits de cette information, sont parfois plus désastreux que le désastre lui-même.

La réalité de cette évasion est une heureuse escapade d'un groupe de détenus, comme vous et moi, comme n'importe quel citoyen de ce merveilleux pays, mais qui un jour, ont fauté. Un groupe de détenus, qui avouent leur faute, la regrettent, mais refusent de sombrer dans le désespoir, dans la spirale du grand banditisme produit par une moins grande délinquance.

Des détenus qui refusent de se placer en marge d'une société, qui certes les a punis, mais qui les aide à préparer leur réinsertion en son sein.
Des détenus dont le corps est contraints, mais l'esprit libre; dont le sort immédiat est scellé mais les projets futurs prometteurs; dont la morale, non seulement dénote avec leurs actes passés, mais rend terne et insipide celle prônée par bon nombre d'individus se croyant en liberté.

La réalité de cette mutinerie est celle d'un groupe de détenus contre les préjugés gratuits, tendant à considérer un prisonnier comme un pestiféré, un intouchable à perpétuité.

Des détenus qui ont profité de leur isolement pour disséquer leur société, sans rancune ni rancœur; sans concession ni peur; sans prétention mais avec beaucoup de hauteur.
La réalité est une pièce de théâtre, "Dialogue des bougies" écrite et jouée par une troupe de théâtre issue du pénitencier de Oukacha.
Une pièce de théâtre qui met à nu la société marocaine et plus globalement la société mondiale, qui met en exergue la perte de valeurs simples et essentielles dans une environnement dominé par le capital.

Un monde où l'amour a été oublié, la foi perdue, la paix assassinée.
Une pièce pleine de constats acerbes et de morale, sans qu'elle soit ni ennuyante ni dénigrante.

Cette même pièce de théâtre, jouée par une troupe ordinaire, provoquerait beaucoup d'émotion et pousserait tout spectateur à se poser bon nombre de questions sur son être.

Lorsqu'on se rappelle, pendant le spectacle, que la pièce a été produite et préparée à l'intérieur d'une prison, qu'elle est jouée par des personnes qui actuellement sont en train de purger leur peine, alors à ce moment-là, l'émotion devient infinie, le questionnement total, la "paisible existence" perturbée.
L'auteur de ses lignes, ayant eu la chance d'assister à cette représentations ne pouvait s'empêcher de témoigner et surtout de remercier.

Merci à vous chers frères détenus, de nous avoir émerveillés par votre spectacle, de nous avoir permis de nous extraire à nous-mêmes l'espace d'un instant pour partager votre vue panoramique de ce que nous sommes.

Merci à l'administration du pénitencier Oukacha d'avoir encouragé ces jeunes à jouir et développer la liberté de leur esprit en attendant celle de leur corps.
Merci à notre société, qui malgré ses multiples tares et lacunes, est en train de permettre l'émergence d'îlots d'exception. Des domaines où elle n'attend pas de voir ce qu'ont fait les autres pour les imiter, mais des domaines où son esprit se libère du joug du mimétisme pour réaliser des œuvres dont le modèle peut être proposé au monde.

Là réside la flamme de notre quatrième bougie …
* Membre de la société civile

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