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Yasmine Chami : «‘‘Oussar wa houloul'', c'est un miroir qu'on tend vers la famille»

L'enthousiasme de Yasmine Chami est contagieux. Quand on l'entend parler de «Oussar wa houloul», (Familles et solutions), on se surprend à attendre avec impatience la première de cette émission qui sera diffusée à partir du 7 octobre, tous les vendredis s

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Le Matin Comment est née l'idée de " Oussar wa houloul ", une émission qui invite à découvrir les différentes facettes de la famille marocaine connue plutôt pour être réservée ?
Yasmine Chami :
C'est une émission que j'ai en tête depuis trois ou quatre ans. Comme j'ai vécu à l'étranger pendant un certain nombre d'années pour mes études, il m'a été donné d'observer avec du recul les changements qui s'opéraient sur les modes de vie, que ce soit dans ma famille ou dans la société en général.

Etant anthropologue de formation, je fais beaucoup de terrain et c'est ainsi que j'ai constaté des mutations très profondes dans les comportements privés, dans les rapports à la maternité, à l'enfant, à la femme, au couple, à la famille, à la famille élargie. Ces comportements n'étaient pas enregistrés socialement, c'est- à -dire que les gens les vivent sur un plan intime, mais il n'y a pas de discours sur quoi que ce soit. Il n'y a pas beaucoup de travaux de sociologues ou d'anthropologues sur la famille nucléaire, sur le divorce, sur la fratrie et par conséquent tous ces mouvements sociaux n'ont pas été étudiés.

A ce regard d'anthropologue est venu s'ajouter un regard privé. J'ai constaté que des personnes, des femmes surtout, vivaient de grandes souffrances en privé, des souffrances qui cachent de grandes angoisses et de grandes interrogations et c'est cette incompréhension qui génère les conflits. Tout cela m'a interpellée et c'est un peu comme ça qu'est né "Oussar wa houloul ". Il y a eu une première tentative en 2000, lorsqu'une chaîne privée du nom de Moufida devait être montée. Le projet n'ayant pas été réalisé pour des tas de raisons, j'ai gardé en tête mon émission qui s'appelait alors " Aâilat " (Familles).

On pourrait penser pourtant que vous avez abandonné cette idée lorsque vous avez dirigé la Villa des arts. C'est un tout autre projet qui aurait pu vous éloigner de votre projet ?

Bien au contraire, car lors de mon passage à la Villa des arts, j'ai gardé la même ouverture sur notre société, parce que je crois très fort à la nécessité d'une culture de masse. Cette ouverture sur la société m'a permis de m'ouvrir sur la famille, pilier de base de la vie sociale. J'ai pu m'ouvrir sur les familles telles qu'elles sont dans leurs douceurs, dans leurs contradictions, dans la violence qui en sort, dans l'amour qui en sort, dans leurs angoisses. Et là j'ai pu remarquer tous les changements qui ont touché la famille. En 50 ans, entre ma grand-mère et moi, il y a des différences importantes, entre son mode de vie et le mien, il n'y a plus rien à voir.

Ce qu'il faut retenir, c'est que ces changements sont survenus très rapidement et que c'est cette accélération de l'histoire qu'il faut gérer dans l'empathie. C'est modestement ce que nous proposons dans "Oussar wa houloul ". Nous ne voulons pas faire de discours moralisateur, du genre à donner des leçons, "Oussar wa houloul", c'est un miroir qu'on tend, en précisant que ce n'est pas pour juger, mais pour accompagner, le tout dans l'empathie. Je me répète, mais c'est important car c'est dans l'empathie que la vérité sort.

C'est pour cette raison, que sur le plateau, il y a Amina Boucetta, une thérapeute familiale avec des racines profondes dans la société marocaine. Ce n'est pas la spécialiste qui arrive avec un discours psychanalytique et qu'elle assène comme La vérité. C'est une dame qui a toujours fait du terrain et c'est à partir de là qu'elle ramène des vérités fondamentales qui sont universelles, des vérités qui peuvent être entendues et écoutées parce qu'elles ont été générées par le terrain.

Si nous ne nous positionnons pas dans cette logique d'écoute et d'accompagnement très profond du terrain familial, nous ne pouvons pas trouver de solutions. Sachez qu'on ne peut pas imposer à des familles des modes d'évolution et de développement. En écoutant et en laissant les vérités intimes émerger, on rentre dans une vérité privée qui est à la source de l'édification d'une société qui, elle, est publique.

C'est ce dont nous avons besoin. Et le tout dans la douceur, car je ne crois pas du tout à la brutalité, même intellectuelle. "La science sans conscience n'est que ruine de l'âme ", dit-on, n'est ce pas ? Et bien c'est vrai dans le sens où il faut avoir du cœur pour traiter des sujets qui ont trait à la famille.

Vous le dites bien, nous sommes dans le domaine du privé. Ce que ressentent les familles, leurs soucis, leurs préoccupations, leurs problèmes relèvent de l'espace intime. N'avez-vous pas eu des difficultés à faire émerger certaines vérités ou simplement à faire parler les familles ?

C'est le travail de l'animatrice sur le plateau. Fatema Loukili a pour rôle justement de faire sortir des émotions. Mais c'est vrai que quelquefois, il y a des frustrations, parce qu'on aimerait que les gens disent plus.

Ceci dit, je pense que c'est dans le fait qu'ils ne disent pas qu'il y a des choses à tirer. C'est là où ils bloquent qu'on va à retravailler jusqu'à ce que ça se dénoue. Et là, dès qu'on arrive à l'énonciation, on est proche de la résolution. Je dirais donc, que l'intérêt de "Oussar wa houloul ", c'est aussi les non-dits qui nous informent, qui nous montrent où sont les points de clivage, de résistance et de fermeture. Mais en gros, nous avons eu beaucoup de vérités, beaucoup plus ce qu'on aurait pu penser. Sur le thème de la rencontre amoureuse, nous avons eu un plateau incroyable.

Que veut dire aimer ? La question a révélé des vérités profondes qu'on est loin de soupçonner. J'ajouterais pour répondre à votre question, que la cellule familiale, c'est une cellule privée certes, mais c'est aussi la première cellule sociale. Nous sommes alors à la jonction du privé et du social et c'est à ce point de jonction que tout s'élabore. J'ajouterais pour rester dans le sens de votre question que nous avons eu beaucoup plus de facilités à faire parler les femmes que les hommes qui, eux, ont à gérer une image sociale.

Quels sont les thèmes qui vont être abordés dans cette émission ?
Ce sont des émissions très conventionnelles qui concernent tout le monde : l'éducation, la belle-famille et comme l'émission démarre pendant le mois de ramadan, nous avons fait une partie sur la nutrition et les besoins de la famille en cette période. Nous avons prévu également des émissions sur la rivalité entre frères et sœurs, sur le couple, sur la maternité, sur l'adolescence du point de vue des enfants et des parents, les enfants du divorce, un thème abordé non pas du point de vue des adultes, mais de celui des enfants, car ce sont eux qui sont les plus vulnérables, qui souffrent le plus d'une vie brisée.

Nous en avons tourné une aussi sur l'échec scolaire, un problème qui a une signification sociale importante. Tous ces thèmes seront abordés selon une approche propre à "Oussar wa houloul" qui consiste à écouter l'autre, à le comprendre et à l'aimer. Il nous reste à espérer que les téléspectateurs attendent ce moment avec impatience et que Amina Boucetta viendra avec des solutions, c'est à dire une ou des lectures du problème, ou au moins des éléments de réponse.

L'émission se positionne d'emblée comme une émission de proximité. Cela laisse entendre une certaine interactivité où le public et le téléspectateur sont partie prenante…

Tout à fait. L'interaction du public se fait d'abord avec Fatema Loukili. Notre souci, c'est que sur le plateau il y ait de l'émotion et de la chaleur. A cela il faut bien sûr ajouter de la rigueur, car ce n'est pas rien de recevoir les propos des gens, il faut beaucoup de maturité et de générosité. Nous voulons dire à ceux qui se confient à nous : cela a été bien entendu, bien reçu et que ce sera bien conservé. Amina Boucetta accompagne Fatema Loukili dans ce processus d'interactivité. Le concept n'est pas du tout celui de la télé réalité, les gens ne viennent pas pour parler dans le vide. Il y a une écoute.

Vous intervenez dans un terrain très vierge où les familles sont un peu livrées à elles-mêmes. Ne craignez-vous pas de ne pas trouver les relais nécessaires?

Les relais ou appelons-les structures d'accueil et d'accompagnement existent. Il y a des thérapeutes pour enfants -on en voit de plus en plus dans les écoles- il y a aussi des psychologues, des psychiatres, mais dans les grandes villes seulement. Le but de l'émission, c'est aussi faire en sorte que ce soit plus généralisé, en faisant émerger la demande. Vous allez le voir dans l'émission sur l'échec scolaire, il y a à Casablanca une association de médecins bénévoles qui propose un accompagnement pour les familles au prix de 20 dhs la consultation.

Nous espérons qu'après la diffusion de l'émission, l'initiative s'étende à d'autres villes, car je suis de ceux qui croient à l'interaction entre le pouvoir social et le pouvoir psychique. La capacité à se comprendre individuellement est un bénéfice social, car une personne positive, elle rend positif son environnement.

Vous qui avez beaucoup travaillé sur le terrain en préparant cette émission, pouvez-vous nous dire s'il y a une famille marocaine ou des familles marocaines?

Il y a une très grande diversité. D'une région à l'autre, d'un quartier à l'autre, c'est une multitude de facettes de la famille marocaine, mais on retrouve des problématiques communes. Bien sûr on s'organise différemment en fonction du contexte socio-économique. En conclusion, il n'y a pas une famille marocaine, il y a une multitude de familles marocaines avec des problématiques récurrentes. Sur le plateau, c'est impressionnant, vous allez voir.

Le choix de la TVM est-il fortuit ?
Pas du tout. Au départ, nous voulions la TVM parce que nous voulions cette émission comme une émission d'utilité publique et la première chaîne s'y prête volontiers.

Puis il y a eu la rencontre avec Fayçal Laraïchi, le directeur général, qui a été très emballé par l'idée et qui nous a assurés de son total soutien. Nous sommes donc de véritables partenaires dans cette aventure.

«Oussar wa houloul», émission hebdomadaire de 52 minutes, produite par Gaia Productions, tous les vendredis en prime time. A 21h30 pendant le mois de ramadan. Animée par Fatema Loukili.
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