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Zaouïa Naciria à Tamegroute : Un patrimoine national à l'abandon

Le rayonnement culturel de la Zaouïa Naciria à Tamegroute s'est estompé et la bibliothèque a été délestée de ses meilleurs ouvrages. Dans cette localité située à une vingtaine de kilomètres au sud de Zagora, sur la route de M'hamid Al Ghizlane, on sent la

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La poterie de Tamegroute est devenue prestigieuse car c'est la seule poterie rurale du Maroc à arborer l'émail vert et se distingue également des autres poteries par ses formes, on en retrouve plus de 50 différentes.

Les ateliers à Tamegroute produisent principalement des tuiles de décoration (Karmoud), des bols (Zlafa) et des lampes à l'huile (Kandil), alors que la Zaouïa ne produit plus de savants.

Elle est devenue une sorte d'asile pour les sans-abri. Les chambres de la Zaouïa Naciria, qui accueillaient autrefois les gens du savoir, sont aujourd'hui le refuge d'une population d'indigents et d'aliénés. Les rares visiteurs qui s'y aventurent sont choqués par la dégradation, dans le sens le plus large du terme, de ces lieux, autrefois, source de lumière.

La bibliothèque pour sa part a connu un autre sort. Un bâtiment a été construit, il y a plusieurs dizaines d'années, par le ministère des Habous et des Affaires islamiques à proximité de la Zaouïa.

C'est dans cet endroit où sont conservés les manuscrits, ou du moins ce qui en reste, car plusieurs milliers d'ouvrages ont disparu de la bibliothèque.

«Ici, ce sont les tombeaux des savants», c'est en ces termes que le conservateur du mausolée de la Zaouia Naciria à Tamegrout désigne les sépultures qui s'y trouvent. La précision est importante. On ne fait pas référence systématiquement, dans ce lieu, à la religion, mais au savoir.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la Zaouia Naciria, plus qu'une confrérie religieuse était à la fois un centre d'études théologiques, une bibliothèque immémoriale et surtout un espace de diffusion de la connaissance aussi bien au Maroc que dans les pays africains limitrophes.

Tamegroute est située à une vingtaine de kilomètres au sud de Zagora, sur la route de M'hamid Al Ghizlane, dans un espace qui a offert au Maroc des dynasties, des savants, des poètes, des lettrés et des théologiens qui ont disséminé dans tout le pays et au-delà. Tamegroute est une cité légendaire, c'est là où se trouve justement l'un des hauts lieux du savoir de l'ancien empire chérifien qui s'étendait du fleuve Sénégal à l'Andalousie et de l'Atlantique à la Libye.

Fondée par Ahmed Naciri au XVIIe siècle, la bibliothèque recueille de précieux ouvrages séculaires de théologie, d'histoire et de médecine. Plusieurs milliers de manuscrits y sont conservés, dont des Corans enluminés, écrits sur peau de gazelle, et des ouvrages de mathématiques, d'astrologie, d'astronomie et de pharmacopée dont certains remontent au XIIIème siècle.

On y trouve un ouvrage de Pythagore en arabe, 500 ans d'âge, un exemplaire tricentenaire du Coran en provenance d'Orient, ou encore des manuscrits d'Ibn Sina, d'Ibn Rochd et d'Al Khaouarizmy. Les ouvrages étaient ainsi recueillis, classés et protégés au fil des siècles. Par tous les temps, le lettré a trouvé là le havre de paix à même d'étancher sa soif de connaissance.

Tamegroute a constitué en quelque sorte le centre culturel de la vallée du Drâa, avec pour mémoire cette bibliothèque où est conservé le plus ancien manuscrit daté du 13e siècle et son centre religieux, oeuvres de la confrérie Naciria.
Aujourd'hui, le rayonnement de la Zaouia s'est estompé et la bibliothèque a été délestée de ses meilleurs ouvrages. A Tamegroute, on sent la désolation. La localité est maintenant beaucoup plus célèbre pour sa poterie que pour son rayonnement culturel.

En effet, les fondateurs de la Zaouia Naciria avaient rassemblé dans le village des commerçants et des artisans venus de Fès et d'ailleurs et exerçant différents métiers, notamment la poterie, ne se doutaient pas que le travail de l'argile allait détrôner le travail intellectuel.

La poterie de Tamegroute est devenue prestigieuse car c'est la seule poterie rurale du Maroc à arborer l'émail vert et se distingue également des autres poteries par ses formes, on en retrouve plus de 50 différentes. Les ateliers à Tamegroute produisent principalement des tuiles de décoration (Karmoud), des bols (Zlafa) et des lampes à l'huile (Kandil), alors que la Zaouia ne produit plus de savants. Elle est devenue une sorte d'asile pour les sans-abris. Les chambres de la Zaouia Naciria, qui accueillaient autrefois les gens du savoir, sont aujourd'hui le refuge d'une population d'indigents et d'aliénés.

Les rares visiteurs qui s'y aventurent sont choqués par la dégradation, dans le sens le plus large du terme, de ces lieux, autrefois, source de lumière. La bibliothèque pour sa part a connu un autre sort. Un bâtiment a été construit, il y a plusieurs dizaines d'années, par le ministère des Habous et des Affaires islamiques à proximité de la Zaouia.

C'est dans cet endroit où sont conservés les manuscrits, ou du moins ce qui en reste. Car plusieurs milliers d'ouvrages ont disparu de la bibliothèque. En 1962, près de deux mille ouvrages auraient été transférés à la bibliothèque générale à Rabat pour être restaurés. Ils n'ont jamais été restitués. Ce qui est étonnant, c'est que la bibliothèque de la Zaouia Naciria, qui est en fait un trésor national puisque chaque manuscrit est unique, n'est gardée que par un agent sans statut.

Il fait, en même temps office de surveillant des lieux, de guide et de conservateur. Ce n'est pas sérieux. Aucune attention n'est accordée à ce patrimoine qui pourrait un jour disparaître et on n'aurait en guise de compensation que la liste, établie depuis des siècles, des ouvrages qu'elle contenait.

On gagnerait à s'intéresser à d'autres pans de notre histoire et à préserver ce que nous avons de plus cher : le savoir de nos ancêtres.
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