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L'athlétisme est le défi de tous les Marocains et pas seulement de la Fédération

Interview : Abdessalam AhizouN, président de la Fédération royale marocaine d'athlétisme

L'athlétisme est le défi de tous les Marocains et pas seulement de la Fédération
«90 minutes POUR CONVAINCRE »
A. Ahizoun explique les modalités de sa politique pour remettre à flot
l'athlétisme marocain.

Quel bilan peut-on faire aujourd'hui du travail mené depuis votre arrivée à la tête la Fédération royale marocaine d'athlétisme?

M. Abdeslam Ahizoun :
Franchement, je ne m'attendais pas à trouver un chantier aussi immense. Mais je dois dire que j'ai trouvé beaucoup de bonnes volontés et surtout une jeunesse très motivée. J'ai eu la confirmation de ce que je savais déjà en tant que spectateur passionné, que l'athlétisme offrait un spectacle merveilleux

J'ai également découvert que le Maroc était un réservoir naturel d'athlètes et que le nombre de jeunes en âge de pratiquer l'athlétisme de haut niveau dépassait 50% de la population marocaine. Les Marocains, à n'en pas douter aiment l'athlétisme et nos athlètes cherchent toujours à se perfectionner. En revanche, j'ai découvert qu'il y avait énormément de failles au niveau de l'organisation et sur le plan de l'encadrement technique, médical et psychologique. Dés le départ, on a été obligés de s'attaquer à ces problèmes pour rendre à la fédération sa crédibilité, parce qu'il s'agit d'une fédération prestigieuse.

Les bons résultats atteints par certains de nos athlètes ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt. Il faut que nous ayons une organisation solide, crédible qui soit à leur service. C'est vrai qu'on a eu Hicham El Guerrouj, véritable phénomène de l'athlétisme mondial, Saïd Aouita, Nawal El Moutawakil, qui ont marqué de leur empreinte cette discipline, mais ces noms ne doivent pas cacher une organisation défaillante. Nous avons, depuis mon élection et celle des membres du bureau, revu totalement la restructuration de l'organisation.

Nous avons commencé, d'abord, par porter notre attention sur l'encadrement. En effet, nous avons découvert que certains entraîneurs encadraient à la fois les disciplines techniques (sprint, lancers, saut) et en même temps le demi-fond. Cette manière de faire est absolument inadmissible aujourd'hui. On avait également des entraîneurs qui encadraient à la fois des équipes juniors et seniors.
A ceci s'ajoute le manque d'encadrement permanent des athlètes de haut niveau, qui exige un suivi particulier toute la journée.

Face à tous ces disfonctionnements, on s'est demandé s'il fallait d'emblée corriger cette situation ou attendre le retour de nos athlètes du championnat du monde d'Osaka ? Après mûres réflexions, nous avons décidé de retarder la restructuration de l'encadrement jusqu'au retour du championnat du monde car si on l'avait fait avant les championnats mondiaux, on nous aurait attribué la responsabilité des mauvais résultats. Cependant, dés le retour d'Osaka, nous avons fait passer le nombre d'entraîneurs de 16 à 20, après en avoir remercié huit. En fait, nous avons recruté 12 nouveaux entraîneurs. Nous avons également créé une équipe chargée du suivi des athlètes de haut niveau en plus bien évidemment du directeur technique national, Mustapha Ouchar.

Nous avons également restructuré la direction de l'organisation et de la formation. Mais avant d'arriver à cela, nous nous sommes attaqués à l'Institut national lui-même. On ne peut pas former des athlètes de haut niveau sans rigueur sur le plan de leur gestion. Nous avons donc mis en place une charte de l'athlète, qui fixe les droits et devoirs de chacun. Cela a mis fin à l'indiscipline qui régnait au centre. L'exemple de cette indiscipline apparaît dans le fait que les athlètes eux-mêmes choisissaient leurs entraîneurs et ces derniers devaient se conformer aux exigences des athlètes, sinon ils étaient licenciés. C'était cela la réalité de l'athlétisme marocain. Ce n'est pas tout, les athlètes exigeaient également des primes et des salaires, même s'ils n'avaient pas obtenu de bons résultats.
"Vous me payez tout de suite, pour les résultats, on verra plus tard". Il fallait remettre les choses en place, en clarifiant le rôle de chacun.

Concernant le fonctionnement de l'institut, nous avons externalisé la cuisine, puisque notre rôle n'est pas de nourrir, mais de former les athlètes. Nous avons aussi sur le plan médical recruté trois médecins supplémentaires.
Ce recrutement peut paraître énorme vu le nombre limité d'athlètes au centre, mais un athlète exige un suivi sur le plan médical tous les jours et 24h sur 24. Nous avons aussi recruté un nutritionniste, parce qu'un athlète doit manger équilibré. On a également recruté un accompagnateur psychologique et un médecin spécialisé dans la lutte antidopage. Bref, nous avons mis en place une fédération moderne, solide et capable d'accompagner les athlètes. Nous avons également recruté un nouveau directeur technique national (DTN).

Dans votre préambule, vous avez mis l'accent sur le règne de la culture du laisser-aller au sein de la fédération. Est-ce que c'est un reproche que vous faites à vos prédécesseurs ?

Je ne reproche rien à mes prédécesseurs. Celui que je connais le plus d'entre eux, c'est Mohamed Aouzal. Et cela n'a pas été facile pour lui. Je ne voudrais en aucun cas faire de reproche à quiconque. Je regarde vers l'avenir. Je vous ai exposé les résultats de notre diagnostic. C'est contre productif de revenir en arrière.
Il faut vraiment aller de l'avant. C'est ce qu'attendent le public et les athlètes qui sont entièrement au service de l'athlétisme marocain.


En matière de formation, quelle est la capacité actuelle d'encadrement de la DTN ?

L'année dernière, nous avions terminé avec 70 athlètes. Nous sommes aujourd'hui à la tête d'un effectif de 115 athlètes. Nous avons presque doublé le nombre en une année.

La politique de l'athlétisme d'élite, telle qu'elle avait été suivie par l'ancien DTN, peut-elle toujours donner des résultats ?

Notre stratégie n'est pas de former une élite isolée de la masse. Une politique pareille est vouée à l'échec. Nous pensons que l'athlétisme commence à l'école. Si on ne s'occupe pas des 10 -15 ans au primaire et au collège et des 15-20 ans au lycée, on ne pourra pas faire aboutir un athlétisme d'élite, qui doit nécessairement s'appuyer sur un athlétisme de masse. L'objectif est de faire en sorte que l'athlétisme puisse être l'activité privilégiée de la jeunesse marocaine. Le but de la fédération est d'assurer la promotion de l'athlétisme de masse, dans l'intérêt de la santé de tout un chacun. Mon vœu est que chaque Marocain et Marocaine pratique cette activité durant toute sa vie.

Les championnats du monde cadets qui se sont déroulés à Marrakech ont montré que l'avenir de l'athlétisme marocain était compromis, puisque sur 70 athlètes aucun n'a gagné de médaille. Comment allez-vous gérer ce problème ?

Vous savez bien qu'on ne peut pas former les athlètes de haut niveau en une année. Nous sommes allés à Osaka pour revenir avec le nombre de médailles décrochées. Nous ne sommes pas partis avec des athlètes d'exception. C'est vrai que concernant Marrakech, nous avions 70 athlètes et aucune médaille. Tout dernièrement l'IAF nous a accordé une médaille de bronze, parce qu'un de nos athlètes avait menti sur son âge. Cette année au championnat du monde cadet d'Ostrava, nous avons envoyé 7 athlètes et nous avons obtenu 3 médailles. Vous voyez bien que nous sommes sur une courbe ascendante. Nous croyons tous au bureau fédéral que les bons résultats ne vont pas tarder.

Le Centre national sert à préparer les athlètes et non pas à les former, parce que la formation est la prérogative des clubs et ligues... ?


Nous ne pourrons pas assurer la pérennité de l'athlétisme si on ne puise pas dans le scolaire. J'ai dit que nous avions trouvé un chantier énorme. Il ne faut pas oublier qu'entre temps, nous avons étudié, négocié et signé avec le gouvernement un contrat programme de mise à niveau de l'athlétisme. Et dans le cadre de ce contrat programme, nous nous sommes engagés à promouvoir, soutenir et restructurer les ligues et les clubs. Nous avons commencé à apporter un soutien financier aux ligues et aux clubs, nous avons incité les ligues à se conformer aux règlements.

Ce qu'il faut savoir aujourd'hui, c'est que la plupart des ligues et des clubs ne sont pas en mesure d'assurer un échange avec la fédération. On écrit à une ligue pour lui dire qu'on a un projet de statut de la fédération, pour savoir ce qu'elle en pense. Mais on n'a pas eu de réponse. Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas, mais parce qu'ils n'ont pas les moyens de répondre. On leur dit, on va vous envoyer un chèque. Ils ne répondent pas non plus, parce qu'ils ne veulent pas indiquer la procédure de dépense de cet argent.

Y a -t-il eu un changement dans les méthodes de formation par rapport à ce qui se faisait auparavant ?

Nous nous sommes attelés à professionnaliser cette formation avec des moyens pédagogiques, des manuels de formation, une bibliothèque pour les athlètes et un centre multimédia pour accéder aux méthodes de formation les plus récentes.

Cela fait longtemps qu'on entend parler d'un programme de formation de l'athlétisme marocain à l'instar du football, mais ce contrat-programme semble tarder à venir. ?

Premièrement, ce contrat-programme a été signé avec le gouvernement au mois de mars 2007. Et depuis, nous avons lancé une grande opération de recherche de terrains pour la construction de pistes. Nous sommes aujourd'hui sur un programme qui comprend à peu près une vingtaine de pistes et 5 centres de formation dans une vingtaine de villes.

Ces chiffres n'englobent pas les pistes en cours de construction par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Aujourd'hui, les athlètes ne font que des courses de routes. Notre objectif est de mettre à leur disposition des pistes. Je suis d'accord quand on dit que les épreuves techniques nous manquent cruellement, surtout qu'elles sont à notre portée. Je ne crois pas ceux qui disent que notre vocation est de faire uniquement le demi-fond. Je pense que nous pouvons maîtriser des épreuves plus techniques. Nous avons des athlètes qui montent en puissance dans ces disciplines. Les pistes, c'est extrêmement important et nous allons en réaliser au total une vingtaine. Les membres du bureau fédéral partent chaque jour à la rencontre des walis et gouverneurs pour chercher des terrains dans les différentes villes du Royaume.

Nous avons déjà retenu un architecte qui est en train de travailler sur ces projets. Nous avons aussi un projet de construction d'un centre international de formation des athlètes de haut niveau à Ifrane. Il y a déjà un centre qui existe et nous allons en construire un autre sur une superficie de 4 hectares, en plus de la rénovation en cours du centre de Rabat.

Avec quels moyens financiers comptez-vous réaliser tous ces projets ?

Sur le plan des investissements, il existe un engagement entre les collectivités locales, l'Etat et la Fédération. Lorsque la collectivité investit un dirham, l'Etat et la fédération en investissent autant. Vous allez me demander où la Fédération trouve de l'argent. Nous avons trouvé des sponsors et il n'y a pas que Maroc Télécom, fort heureusement. En faisant le tour des entreprises marocaines, ces dernières ont répondu présent. Nous avons dépassé largement notre objectif financier pour cette année. La seule condition que ces entreprises posent est l'organisation d'événements. Nous avons deux objectifs à travers l'organisation des événements. Le premier est de donner à nos athlètes qui n'ont pas atteint le haut niveau l'occasion de se mesurer avec des athlètes internationaux au Maroc, le deuxième est de donner la possibilité aux sponsors de pouvoir afficher leurs marques.

Quelle est la part de Maroc Telecom dans le sponsoring de l'athlétisme marocain ?

Jusqu'à la dernière assemblée générale, Maroc Telecom était quasiment l'unique sponsor. Il y avait à côté de lui des sponsors comme Sidi Ali, l'OCP et l'équipementier Puma. Aujourd'hui, sur la liste, nous avons aussi Attijari Wafa Bank, la RAM, l'ONCF, le groupe AQWA, la SNRT à qui nous avons vendu les droits d'image. Nous allons d'abord organiser

Quels sont les événements que vous comptez organiser ?

Un grand meeting international au Maroc. Ça sera pour le 14 juin prochain à Rabat. Nous veillerons à ce que ce soit une réussite dès la première année. Pour lui garantir le succès nécessaire, nous avons été choisir le meilleur meeting au monde. On nous a dit qu'il y en avait deux : Bruxelles et Zurich, et nous avons demandé à Bruxelles un jumelage avec Rabat pour l'organiser avec nous.
Ils ont accepté. Le directeur du meeting de Bruxelles est venu il y a quelques semaines pour travailler avec nous sur le projet. Il va revenir cette semaine avec toute son équipe pour préparer l'événement que nous souhaitons être un grand événement sportif de l'année 2008. Nous avons aussi parlé avec Mustapha Machichi, président de la Ligue de Casablanca pour organiser aussi un grand marathon à Casablanca en collaboration avec la Ligue, la Ville et la Fédération, parce que les grandes villes du monde sont dotées d'un marathon, il est tout à fait normal et naturel que Casablanca ait le sien.

La métropole a déjà son marathon et un certain nombre d'autres courses organisées chaque année. La Fédération veut-elle rompre avec le passé ?

Ce n'est pas la Fédération qui organise l'événement. Ce marathon doit être organisé avec les Casablancais et non pas avec la Fédération. Les événements qui ont eu lieu n'ont pas été suivis dans le temps. Il n'y a pas de continuité. Ce que nous pensons aujourd'hui faire avec tous ceux qui sont concernés, notamment la Ville et la Ligue, est un marathon régulier, professionnalisé, qui constituerait un repère dans le monde des marathons mondiaux, au même titre que ceux de New York, de Chicago, de Londres et de Tokyo.

Troisièmement, l'événement auquel nous pensons, et nous sommes près du but, c'est d'inviter la grande finale de l'IAF, qui se tient sur 2 jours, qui constitue un grand événement sportif. Nous sommes actuellement en discussion avec ses responsables qui nous ont demandé d'organiser cette finale en 2008, parce que la ville de Stuttgart s'est désistée. Or, nous ne pouvons pas l'accueillir en 2008, parce que la date fixée coïncide avec le mois sacré de Ramadan. Aussi, avons-nous déposé notre candidature pour l'organisation de cette finale pour trois années de suite, 2010, 2011 et 2012. Nous avons prévu d'organiser également un autre événement, en l'occurrence le championnat Ouest-méditerranéen junior d'athlétisme qui regroupe la France, l'Espagne, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc.

Notre pays n'a jamais participé à cette compétition organisée à tour de rôle. Pour notre première participation, nous sommes candidats pour abriter la compétition et je puis vous dire que nous avons de très fortes chances d'aboutir. L'événement se tient du 3 au 4 août. Nous avons, avec nos sponsors, mis en avant quelques événements dans le cadre du programme national d'athlétisme. L'OCP a demandé un circuit OCP et on va l'organiser.

Tout ceci pour dire qu'il y a une forte demande d'organisation d'événements qui peuvent devenir un repère annuel de l'athlétisme national.

Avez-vous recours à l'encadrement étranger ?

Nous n'avons pas eu recours à l'encadrement étranger. Cela a été écrit ici et là mais ce n'est pas vrai. Nous croyons dans l'encadrement marocain, parce que nos encadreurs ont cette fibre de l'athlétisme national. Je pense que s'appuyer sur l'encadrement national constitue un atout pour nous, y compris pour les disciplines techniques.

Maintenant, un formateur ou un encadreur marocain n'a pas au départ toutes les connaissances dans tous les domaines. Les connaissances, il faut les acquérir et c'est là où le rôle de la fédération devient important. Il s'agit d'apporter ce complément de connaissance et surtout une formation continue à nos entraîneurs, d'où l'accord que nous avons signé avec la fédération française pour le partage des connaissances et des expériences.

Elle nous a ouvert la possibilité de nous offrir ce qui nous manque dans l'encadrement technique . Ce n'est pas qu'avec la France que nous faisons cela. Nous sommes en discussion avec d'autres fédérations pour élargir notre possibilité d'échange.

Brahim Boulami vient à peine de terminer sa carrière, Sahir Abdelaziz a quitté le staff des entraîneurs et Saïd Aouita reste un monument de l'athlétisme marocain. Ils attendent toujours votre réponse ?

C'est vrai que nous avons ouvert avec eux un débat, mais aucun n'attend de réponse. Les entraîneurs en place ont été évalués, ceux qui conviennent ont été retenus et ceux qui ne conviennent pas ne l'on pas été. Je salue le courage de Mustapha Ouchar et de son équipe. Ils ont fait leur travail, je respecte le savoir et les compétences de chacun.

Le Maroc est une grande nation d'athlétisme. Comment pouvez-vous nous expliquer que nous avons des champions en salle et que nous n'avons pas de salle d'athlétisme ?

Vous semblez mettre l'accent sur ce qui manque, mais à côté de cela je viens de vous parler d'un programme national d'une vingtaine de sites qui nous font défaut. Imaginez une région entière où il n'y a pas une piste. Ce n'est pas la fédération qui construit mais c'est l'Etat. Je viens de vous dire ce que nous faisons ensemble. Moi je suis content de ce programme. Mon souhait est de le réaliser dans les délais. C'est un vrai challenge.

Personne n'attend. Comme je vous l'ai dit, les entraîneurs en place ont été évalués. Ceux qui ont convaincu ont été retenus et les autres ne l'ont pas été. Je salue le courage de Mustapha Aouchar et de son équipe, Ils ont effectué leur travail. Je ne suis pas technicien et je n'ai pas à leur imposer X ou Y. Je respecte le savoir ou les compétences de chacun. Maintenant, si vous me demandez si j'ai eu au téléphone ou si j'ai rencontré d'anciennes gloires, je vous répondrais par l'affirmative. A ceux avec lesquels j'ai eu l'occasion de parler, j'ai demandé des conseils, on a discuté des perspectives d'avenir, mais c'en est resté là. Mais pour la suite, c'est au sélectionneur et au directeur technique de former l'équipe. Ce n'est pas mon rôle de le faire.

Y a-t-il des actions concrètes qui sont faites par la fédération pour lutter contre le dopage dans le milieu scolaire qui reste l'un des plus importants pourvoyeurs de sport de masse ?

C'est la première fois que j'entends parler de dopage dans le milieu scolaire. Si c'est un problème uniquement de drogue, je pense que ce n'est pas une préoccupation directe de la fédération, mais de l'Etat. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que le scolaire est tellement important pour nous que nous avons demandé à Monsieur Oubahamou, le directeur des sports scolaires de rejoindre la fédération et je le remercie pour son soutien. Il travaille sur un projet de détection de jeunes. Sur le dopage nous, fédération et bureau fédéral, avons déclaré, en son temps la tolérance zéro. Nous avons fait deux choses : d'abord nous avons recruté un médecin spécialiste de la lutte antidopage.

Ensuite, nous avons décidé que tout médicament destiné à l'Institut n'est acheté que s'il a fait l'objet d'une ordonnance de médecins de la fédération et ce sont ces derniers qui gardent ces médicaments et qui les donnent en quantités et en doses qu'ils jugent nécessaires.

Sur le plan médical, c'est parfaitement contrôlé. Cela dit, la lutte antidopage va au delà. Aujourd'hui, les athlètes marocains sont très contrôlés par l'IAAF. De notre côté, il y a quelques jours, nous avons contrôlé 17 athlètes, sachant que la fédération internationale ne contrôle que les athlètes de haut niveau. Nous avons été contrôlés avant et pendant Osaka.
Tout cela est bien, mais nous souhaitons avoir notre propre laboratoire national agréé. Je pense que la nouvelle ministre de la Jeunesse et des Sports, Nawal Moutawakil, est parfaitement sensibilisée et va en faire une de ses priorités.

Ne pensez-vous pas qu'avant de faire des contrôles inopinés, il vaut mieux lancer une campagne de sensibilisation en faveur des jeunes athlètes ?


La sensibilisation est notre priorité dans la lutte antidopage. C'est ce que nous maîtrisons et c'est le rôle du médecin que nous avons recruté pour cela. A savoir d'expliquer, chaque fois qu'il en a la possibilité et d'une manière régulière, le règlement de l'IAAF concernant le dopage et de sensibiliser les athlètes sur les dangers auxquels ils s'exposent pour leur santé. Je crois que c'est un travail qui se fait très bien. Maintenant, à en juger par les cas déclarés positifs par l'IAAF sur lesquels nous avons nous mêmes une position réservée, nous avons apporté notre soutien total à Adil El Kouch, même si nous avons été obligés de prononcer la sanction prévue par le règlement international. Cela dit, Adil El Kouch s'entraîne de manière régulière au niveau de la fédération.

Mais c'est un cas isolé, et il ne faut pas dire ou laisser dire que le dopage est chez nous une pratique courante. Elle l'est au niveau mondial, mais je ne sais pas quelle est notre part dans tout cela. Je juge par les faits, je ne peux pas en parler à tort et à travers. Quand on prend tous les cas déclarés positifs depuis des années sur le plan mondial, le Maroc est loin d'être touché par ce phénomène.

Le problème de l'exode de certains athlètes, qui ont pris d'autres nationalités, a suscité une vive émotion dans le milieu de l'athlétisme. Comment comptez-vous vous y prendre pour endiguer ce phénomène ?

La fédération ouvre ses portes à une jeunesse qui est là et qui suit les entraînements parce qu' il y a une grande école marocaine qui a une tradition. Maintenant vous me dites qu'il y a un exode. Je pense que ce phénomène n'est pas lié uniquement à l'athlétisme. Avec la mondialisation, il y a une fuite des cerveaux qui concerne aussi bien les hommes d'affaires que les sportifs et que je n'appuie pas nécessairement, mais il s'agit là de la liberté des personnes à circuler à travers le monde.
Mais il y a aussi ce qu'on appelle le patriotisme, et dans ce cas, qu'en a -t-on fait ? Honnêtement, je ne voudrais pas commenter quelque chose que je n'ai pas vécu. Aujourd'hui, nous avons une école de haut niveau et je veille, avec le bureau fédéral, pour que toutes les conditions d'encadrement technique, d'hébergement, et l'accompagnement psychologique et physique soient les meilleures.

Mais il arrive que certains athlètes exigent quelque chose de plus, faute de quoi ils menacent de changer de nationalité. Franchement est-ce acceptable de pratiquer un tel chantage ? Alors comment combattre ces positions adoptées par certains athlètes ? Je crois qu'il y a une certaine éducation, qui porte sur le civisme, sur le patriotisme, qui doit accompagner l'éducation sportive dans l'Institut.

C'est important. Je vais vous faire une confidence. A Osaka, j'ai demandé au président d'une fédération d'une grande nation, ce qu'il offrait comme prime à un athlète qui remporte une médaille d'or. Rien, m'a-t-il répondu car c'est l'IAAF qui offre les primes. Or figurez vous que la FRMA accorde 40% de plus, en prime, que ce que donne la Fédération Internationale. Et avec ça, il y aura toujours quelqu'un qui soufflera aux athlètes de demander plus ou de menacer de partir sous d'autres cieux. Mais en faisant le bilan de ces départs, on s'aperçoit que bon nombre de ces exilés ne s'accrochent plus.

Ils partent, mais dès qu'ils n'obtiennent plus de résultat, ils sont balayés et c'est la raison pour laquelle, ils se dopent pour remonter la pente dans ces pays, pas ici. Il y a un effort d'explications à faire en matière d'éducation, d'encadrement, mais ce n'est pas seulement la responsabilité de la fédération, mais de tous, dont la presse. Il est parfois malheureux et je le dis devant vous, de voir sur les colonnes d'un journal un athlète élevé au rang d'un héros, alors qu'il est fier d'annoncer son départ du Maroc. La nationalité et le patriotisme, c'est sacré.

Une clause de la convention signée avec la Fédération française stipule qu'aucun Marocain ne peut être naturalisé français. N'avez-vous pas peur de bafouer le droit international en matière de naturalisation des personnes ?

Vous avez parfaitement raison. On a beaucoup parlé de la question du droit international. Notre position en tant que bureau fédéral est sans équivoque. Que vaut une fédération qui ne remplit pas son rôle, en ne formant pas d'athlètes de haut niveau ? Nous pensons qu'une fédération qui recrute un athlète d'un autre pays se "dope". Autrement dit, elle profite de la formation et de l'évolution de cet athlète, ce qui est injuste. Une fédération gère un budget colossal, en matière de formation et l'autre en tire les bénéfices.

Alors à nos amis français, nous leur avons demandé de s'abstenir, je dis bien de s'abstenir, parce qu' il y a un problème de droit qui se pose, d'aller appuyer un athlète pour avoir sa naturalisation et de le recruter par la suite. Ils nous ont donné raison et ont bien voulu ne plus le faire. Donc j'applaudis à une telle initiative de leur part.

Mais il y a eu des départs que l'on a regrettés comme celui de Bouchra Benthami, de Moussaoui, et de Ramzi. Aujourd'hui, que peut faire la fédération pour retenir ses meilleurs athlètes ?

Ecoutez, le passé rejoint le présent et donc effectivement le problème est toujours d'actualité. Je suis intervenu personnellement auprès de Ramzi et nous avons discuté de son problème.

Il est prêt à revenir. Il lui faut simplement engager une correspondance avec notre fédération, et également l'IAAF et la fédération bahreïnie, afin d'expliquer son souhait de revenir au Maroc.

Il l'a fait courageusement. Malheureusement, il y a le règlement actuel de l'IAAF qui sanctionne autant le pays qui cède que celui qui reçoit l'athlète. Il fallait, donc, un certain délai avant qu'il ne coure pour le Bahreïn, mais pour revenir dans son pays d'origine, il fallait la même durée. Qu'a-t-on fait ? Tout simplement une proposition concrète d'une modification du règlement de l'IAAF. Après examen par cette instance, il s'est avéré que le Maroc était un cas unique où on ne perd pas sa nationalité. Donc, pour revenir, Ramzi n'obtient pas une nouvelle nationalité mais garde sa nationalité d'origine. Donc les responsables de la Fédération internationale, dont son directeur juridique, nous ont assuré que ce cas sera examiné lors du prochain conseil.

On espère qu'ils le feront. Donc, pour celui ou celle qui part et qui veut revenir, autant qu'ils retrouvent leur nationalité.
Le cas de Ramzi est un cas patent. Tout le monde sait qu'il a écrit pour revenir et que sa situation est examinée au niveau de l'IAAF.

L'actuel gouvernement a nommé une ministre de la Jeunesse et des Sports qui, de surcroît, est membre du CIO. Pouvez-vous nous décrire vos rapports avec Madame Nawal Moutawakil ?

Nous sommes doublement ravis. D'abord parce que c'est une athlète, et ensuite, elle est vice-présidente de la FRMA. Madame Nawal Moutawakil a énormément de talents. On a beaucoup travaillé ensemble et je l'ai vue à l'œuvre à Osaka, où elle est très appréciée. A chaque vote des instances internationales, elle obtient les meilleurs scores, ce qui est important. Elle reste très proche et à l'écoute de chacun. De plus, elle a une disponibilité sans faille et des qualités de relations humaines exceptionnelles. Je pense que c'est une chance énorme dont le sport national doit profiter. Donc, nous sommes heureux de l'avoir comme ministre de la Jeunesse et des Sports. Nous avons déjà commencé à travailler avec elle, et je puis vous dire que je suis encore plus optimiste pour le sport en général et l'athlétisme en particulier.

Peut-on savoir quand le Maroc aura des champions de la trempe de Hicham El Guerrouj, fruits de la politique actuelle de la fédération ?

Hicham est un athlète d'exception. El Guerrouj fait partie du miracle. J'ai dit que nous sommes en train de restructurer la fédération. Cette restructuration demande du temps. On ne peut bénéficier des fruits d'une politique avant de la terminer. Notre objectif au bureau fédéral est de former l'athlète, de le préparer aux compétitions internationales de haut niveau, mais cela demande du temps. Les spécialistes vont jusqu'à avancer une période comprise entre 5 et 6 ans. Nous, nous tablons sur le long terme.

Nous serons heureux et aurons le sentiment d'une mission accomplie si l'athlétisme devient une pratique de masse et si l'élite est préparée d'une manière professionnelle. Il est vrai que tout le monde espère avoir des médailles, mais on ne peut pas obtenir des médailles s'il n'y a pas un travail de fond qui est fait. Nous avons eu trois médailles sur sept candidats au niveau des cadets. Nous avons de bons espoirs au niveau juniors et nous avons des seniors qui ont amélioré leurs performances. J'ai déjà déclaré que j'étais satisfait de notre participation à Osaka, mais certains ne sont pas d'accord avec moi. J'ai vu des jeunes qui ont amélioré leurs performances et pour moi, c'est bien. Cela veut dire que nous progressons. Personne ne s'attendait à ce que nous ayons une médaille à Osaka.

Et pourtant, un jeune plein d'espoir comme Goumri a abandonné à Osaka……

Oui, Goumri a abandonné à Osaka, mais il a gagné à New York. Du moins, il a eu la seconde place. Moi, je suis content pour lui et de son succès. Des millions d'Américains ont vu Goumri arriver à la 2e place et il a été félicité. Mais, permettez moi de fixer des priorités. Pour moi, lorsqu'un Marocain gagne une médaille d'or aux Jeux Olympiques, ou lors d'un championnat du monde, c'est des milliards de personnes à travers la planète qui voient le drapeau marocain et qui écoutent l'hymne national. Cela me donne des frissons et avec moi , les trente millions de Marocains. C'est comme ça. Je ne rejette pas le succès de New York, mais il y a des priorités. Il est vrai que nous avons tous été frustrés de cet abandon des athlètes à Osaka, et beaucoup de choses ont été dites et je ne souhaite pas revenir la dessus. Je veux regarder vers l'avenir, vers les prochains Jeux olympiques et j'espère que Jawad Gharib et Gomri vont défendre les couleurs nationale

Le mot de la fin est pour vous ...

Je tiens d'abord à vous remercier, à remercier l'équipe du " groupe Maroc Soir " qui m'a permis de m'exprimer en long et en large sur la situation de l'athlétisme national. Je pense que les enjeux de l'athlétisme sont nationaux, c'est à dire que c'est l'affaire de tous, pas uniquement de la fédération. Le rôle de la presse est capital pour véhiculer les valeurs de l'olympisme que nous avons évoquées par ailleurs. Le dopage, la fuite de l'élite, la formation et tous les autres sujets soulevés ici sont d'actualité. J'en profite pour lancer, à cette occasion, un appel à la jeunesse qui a du talent, pour lui dire que l'athlétisme est un ascenseur social efficace, rapide et qu'en faisant de l'athlétisme, on n'abandonne pas ses études. Un athlète qui réussit est un athlète qui est sollicité tant par sa fédération que par les sponsors internationaux et nationaux, par les responsables des meetings. Autant dire que sur le plan social, l'avenir est assuré. Il y a évidemment de fortes attentes au niveau des médailles, par exemple.

Quand on en gagne, on est heureux mais, en revanche, quand on n'en gagne pas, on doit rendre des comptes. J'espère que le bureau fédéral aura la chance de gagner des médailles, alors, qu'on le laisse travailler sereinement.



Questions d'internautes



Quelle est la santé financière de la fédération ?

Elle est excellente. Ce n'est pas le moment de faire le bilan du budget, mais à la fin de l'année. Aujourd'hui, on ne peut vous donner que la trésorerie, mais pas le budget.Je peux vous assurer cependant qu'avec le travail qui a été réalisé par le bureau fédéral en direction des entreprises, en plus des revenus du contrat programme, aujourd'hui la fédération a les moyens financiers pour travailler.

Quelles sont vos perspectives d'avenir, indépendamment de ce que vous avez réalisé depuis votre arrivée à la tête de la fédération. Quels sont les projets à court et à moyen terme ?

Notre stratégie est tracée dans le contrat programme. Pour nous, il s'agit de la mettre en œuvre pour que l'athlétisme puisse devenir une pratique courante dans toutes les couches sociales. C'est beaucoup plus large que l'élite, même si les regards sont braqués sur l'élite et les résultats immédiats. A ceux-là, je réponds que sans stratégie à long terme on ne pourra pas avoir de résultats. Il faut mettre en place des conditions nécessaires pour avancer. Evidemment, nous travaillons pour un athlétisme de masse, mais aussi pour un athlétisme d'élite, qui procure des médailles d'or en grand nombre.

Pourquoi vous n'avez pas associé les anciens champions à vos projets de restructuration ?

Ils sont associés, mais on ne peut pas les associer tous. Ce n'est pas parce que je suis un ancien athlète que je suis nécessairement un bon entraîneur. J'ai une pensée pour la plus prestigieuse de nos athlètes, Nawal El Moutawakil, qui est vice présidente de la fédération. Elle a travaillé avec nous et je tiens à lui rendre un très grand hommage. Nous avons Hicham El Guerrouj qui est ambassadeur de la fédération. Et chaque fois que je rencontre un ancien athlète, je lui demande des conseils. Dans l'équipe actuelle des entraîneurs, il y a Brahim Boulami, qui est un ancien athlète.
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