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Chabâa peint la transparence

L'artiste expose ses œuvres récentes, du 17 mai au 4 juin, à la galerie Venise Cadre de Casablanca
À la fois lyrique et géométrique, la peinture de Mohamed Chabâa est dominée par l'abstraction tout en comportant des éléments du monde extérieur.

Chabâa peint la transparence
Il a publié des écrits sur la peinture marocaine et enseigne, aujourd'hui, à l'Ecole nationale d'architecture à Rabat. «Mohamed Chabâa se tient rigoureusement au principe de la genèse du visible.
Il donne à voir dans ses tableaux l'énigme de la peinture. Chacune de ses œuvres puise sa force aux racines de l'immémorial, à la source palpable de l'acte de peindre, à cette poussée du bras : le geste», écrit le critique d'art Aziz Daki. Sa vision de l'œuvre picturale est une quête d'un état pur où la tache, le trait ou la ligne délimitent les tracés des fondamentaux de la peinture.

Cette exposition est fondée sur l'importance du geste dans la peinture de Mohamed Chabâa, en ce sens que des travaux de 1963 entretiennent une résonance avec ceux de 1997 ou de 2003.
Certes, le peintre a mûri, s'est renouvelé, a même «abandonné de 1965 à 1983 la gestualité en faveur d'un figuratif abstrait» mais sa passion pour le geste inaugural est restée intacte.

«Le geste de Mohamed Chabâa parle : le trait, la tache, la couleur, le noir de l'encre peuvent, par leurs interactions réciproques, aussi bien exprimer une atmosphère lyrique qu'un mouvement dramatique, une parole haute en couleur qu'un silence retenu, un débordement de joie qu'une introversion austère, un déchirement douloureux qu'un calme méditatif ou une attente tremblante», enchaîne M. Daki.

L'admirable dans cette peinture, c'est qu'elle génère des foyers transparents, alors que les couleurs sont souvent transposées les unes sur les autres. Elle est tellement délicate qu'on la dirait aérienne ou imprimée sur de la soie. «Je peins la transparence», affirme Mohamed Chabâa.

Il l'obtient grâce à la technique du flochetage, consistant à entrelacer des touches de couleurs pures de manière à former un tissu optique multicolore, chatoyant et vibrant. Eugène Delacroix était friand de flochetage et le coussin scintillant sur lequel est accoudée l'une des femmes d'Alger en donne une parfaite illustration.
Les rencontres entre des peintres qu'on ne penserait pas à citer ensemble de prime abord sont éblouissantes, quand bien même elles ne seraient que d'ordre technique.

Mohamed Chabâa, c'est aussi une conscience vivante de l'histoire de la peinture au Maroc. Il a été parmi les premiers à élaborer un discours sur la peinture moderne, en tenant une chronique au quotidien Al Alam. Son livre, La Conscience visuelle au Maroc, le place dans la catégorie des peintres qui ne se contentent pas d'exécuter des tableaux, mais qui tiennent à dire, à défendre et à dénoncer. Chabâa a été de tous les mouvements qui ont marqué la peinture moderne pendant les années 1960 et 1970.

Il a été virulent au moment où il fallait l'être pour imposer une peinture contemporaine au Maroc. Il est de ceux qui sont convaincus du rôle de l'artiste dans une société. Il ne regarde pas, il met la main à la pâte. Il a fait partie de l'équipe contestataire de la revue Souffles et a payé, pendant les années 1970, un lourd tribut pour son engagement. Il a dirigé des associations et écoles de Beaux-Arts.

Difficile de ne pas tenir compte de la densité historique de ce peintre quand on est en face de ses œuvres. Leur aspect aérien se mue en poids quand on connaît leur auteur.

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Une peinture engagée

Mohamed Chabâa est né en 1935 à Tanger. Après l'obtention de son diplôme à l'Ecole des Beaux-Arts de Tétouan en 1955, il part en Italie pour poursuivre, de 1962 à 1964, des études à l'Académie des Beaux-Arts de Rome. De retour au Maroc, il enseigne à l'Ecole des Beaux-Arts de Casablanca. Ancien directeur de l'Institut national des Beaux-Arts de Tétouan (de 1994 à 1998), il a tenu des positions courageuses sur l'identité de la peinture marocaine dans la revue «Souffles».

Il est de ceux qui ont appelé vigoureusement à introduire des éléments des arts traditionnels marocains dans les tableaux. Il a également préconisé l'intégration de la peinture dans l'espace urbain. L'action qu'il a menée, en 1969, en compagnie d'un collectif de peintres, dans la place Jemaâ El Fna à Marrakech, est encore citée comme un modèle pour ceux qui souhaitent mettre leur art à la portée d'un très large public.
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