Beaucoup de livres ont été écrits sur Casablanca depuis l'ouvrage volumineux d'André Adam dans les années 60. De beaux livres également lui ont été dédiés qui pour exalter son architecture coloniale, qui pour donner à voir sa vieille médina à travers des photos d'époque, ou tout simplement éterniser des moments de la vie au quotidien dans les quartiers grouillants de la périphérie. Le sujet ne semble pas épuisé pour autant, malgré la nombreuse bibliographie le concernant. Pour le bonheur de la ville et des amateurs de beaux livres et particulièrement de la photographie ancienne, qui sans doute seront ravis du dernier né en la matière. Il s'agit du beau livre de Robert Chastel, sous le titre, «Archives photographiques, Casablanca 1900 1912».
Médecin de son état, résidant au Maroc depuis 1966, Robert Chastel n'en est pas à son premier ouvrage. Il est en passe de devenir un spécialiste de l'histoire urbanistique du Maroc, On lui doit notamment deux publications : «Rabat-Salé, vingt siècles de l'oued Bouregreg (1993) et «Histoire de Casablanca des origines à 1952».
L'intérêt du présent ouvrage est qu'il fournit une collection iconographique abondante et rare, réalisée entre 1900 et 1912, une période charnière où le Maroc traditionnel est tiré violemment des méandres de la stagnation où il n'en finissait pas de sombrer, vers son nouveau destin aventureux et incertain dans le brouhaha du monde moderne.
Le livre a également le mérite de réunir des documents écrits, au cours de cette période, par des témoins français bien sûr, qui ont accompagné les premiers pas du Maroc vers le siècle qui s'ouvrait. Ainsi, on trouvera des extraits des mémoires de René Leclerc, qui donne une description de la vie quotidienne à Casablanca au mois de mai 1907 ; un texte de Georges Bourdon, qui décrit les journées sanglantes de juillet de la même année où la ville fut bombardée par les vaisseaux français Le Galilée et La Gloire. «Pendant deux jours, la ville fut dévastée, brûlée, mise à sac » –commente un certain capitaine Grasset- « …Les gens des tribus s'étaient rués sur la ville, entreprenant le pillage en règle, rue par rue, maison par maison, sans distinguer les juifs et les Arabes des Européens(…) les deux tiers de la ville furent détruits ».
Les témoins sont évidemment trop impliqués en tant que protagonistes dans une entreprise d'occupation du pays, pour que leurs assertions aient valeur de vérité historique, il faudrait pour cela les recouper avec d'autres témoignages, ceux d'observateurs marocains notamment qui ont vécu les évènements de l'autre côté de la barrière, ce qui n'est malheureusement pas disponible ou plus exactement moins connu que les sources françaises.
Que l'on se rassure, le livre fournit d'autres témoignages, sur des sujets moins douloureux que la guerre. On citera celui de M. Montet, qui débarqua pour la première fois au Maroc en 1901 pour un périple de Tanger à Marrakech et qui donne des descriptions sur la vie quotidienne dans le pays. Voici un extrait de son texte qui relate l'influence des Européens sur le langage courant des Casablancais : «Le dialecte parlé dans cette ville a adopté plusieurs mots des langues européennes. Je n'en citerai qu'un seul exemple, assez curieux, celui du nom donné au pétrole, que les indigènes appellent en arabe zîtigaz c'est-à-dire gaz d'huile. »
On trouve également un texte du docteur F. Weisgerber, qui s'installe dans la ville dès 1895 et qui décrit sa population en ces termes : «Casablanca tout entière tenait alors dans l'enceinte de ses murailles. Elle comptait environ 25.000 indigènes dont un cinquième d'israélites et une colonie européenne, femmes et enfants compris, d'approximativement 500 têtes, dont 400 Espagnols, une trentaine de Français, autant d'Anglais et d'Allemands et une dizaine de Portugais et d'Italiens. C'était après celle de Tanger, la colonie européenne de beaucoup la plus importante du Maroc».
En plus des témoignages écrits, le livre présente une abondante collection de photographies dont les auteurs sont toujours des étrangers plus ou moins nouvellement installés dans la ville.
A part les photos que l'on pourrait qualifier d'officielles, dont le but était d'éterniser des personnalités politiques ou militaires et des évènements, on trouve des photographies dont l'objet est de fixer le quotidien des habitants de l'espace urbain de l'époque. C'est le gros de la collection photographique qui illustre ce livre. Des photos de souks, de quartiers d'habitation, de femmes et d'hommes marocains ou européens en tenue d'époque.
On a pensé à tout pour la réalisation de ce livre. En plus de l'importance des documents écrits et iconographiques, la mise en page est agréablement aérée, toutes choses qui font de ce livre un produit de luxe qu'on aimerait recevoir ou offrir en cadeau.
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«Casablanca de 1900 à 1912» est son dernier ouvrage.
Médecin de son état, résidant au Maroc depuis 1966, Robert Chastel n'en est pas à son premier ouvrage. Il est en passe de devenir un spécialiste de l'histoire urbanistique du Maroc, On lui doit notamment deux publications : «Rabat-Salé, vingt siècles de l'oued Bouregreg (1993) et «Histoire de Casablanca des origines à 1952».
L'intérêt du présent ouvrage est qu'il fournit une collection iconographique abondante et rare, réalisée entre 1900 et 1912, une période charnière où le Maroc traditionnel est tiré violemment des méandres de la stagnation où il n'en finissait pas de sombrer, vers son nouveau destin aventureux et incertain dans le brouhaha du monde moderne.
Le livre a également le mérite de réunir des documents écrits, au cours de cette période, par des témoins français bien sûr, qui ont accompagné les premiers pas du Maroc vers le siècle qui s'ouvrait. Ainsi, on trouvera des extraits des mémoires de René Leclerc, qui donne une description de la vie quotidienne à Casablanca au mois de mai 1907 ; un texte de Georges Bourdon, qui décrit les journées sanglantes de juillet de la même année où la ville fut bombardée par les vaisseaux français Le Galilée et La Gloire. «Pendant deux jours, la ville fut dévastée, brûlée, mise à sac » –commente un certain capitaine Grasset- « …Les gens des tribus s'étaient rués sur la ville, entreprenant le pillage en règle, rue par rue, maison par maison, sans distinguer les juifs et les Arabes des Européens(…) les deux tiers de la ville furent détruits ».
Les témoins sont évidemment trop impliqués en tant que protagonistes dans une entreprise d'occupation du pays, pour que leurs assertions aient valeur de vérité historique, il faudrait pour cela les recouper avec d'autres témoignages, ceux d'observateurs marocains notamment qui ont vécu les évènements de l'autre côté de la barrière, ce qui n'est malheureusement pas disponible ou plus exactement moins connu que les sources françaises.
Que l'on se rassure, le livre fournit d'autres témoignages, sur des sujets moins douloureux que la guerre. On citera celui de M. Montet, qui débarqua pour la première fois au Maroc en 1901 pour un périple de Tanger à Marrakech et qui donne des descriptions sur la vie quotidienne dans le pays. Voici un extrait de son texte qui relate l'influence des Européens sur le langage courant des Casablancais : «Le dialecte parlé dans cette ville a adopté plusieurs mots des langues européennes. Je n'en citerai qu'un seul exemple, assez curieux, celui du nom donné au pétrole, que les indigènes appellent en arabe zîtigaz c'est-à-dire gaz d'huile. »
On trouve également un texte du docteur F. Weisgerber, qui s'installe dans la ville dès 1895 et qui décrit sa population en ces termes : «Casablanca tout entière tenait alors dans l'enceinte de ses murailles. Elle comptait environ 25.000 indigènes dont un cinquième d'israélites et une colonie européenne, femmes et enfants compris, d'approximativement 500 têtes, dont 400 Espagnols, une trentaine de Français, autant d'Anglais et d'Allemands et une dizaine de Portugais et d'Italiens. C'était après celle de Tanger, la colonie européenne de beaucoup la plus importante du Maroc».
En plus des témoignages écrits, le livre présente une abondante collection de photographies dont les auteurs sont toujours des étrangers plus ou moins nouvellement installés dans la ville.
A part les photos que l'on pourrait qualifier d'officielles, dont le but était d'éterniser des personnalités politiques ou militaires et des évènements, on trouve des photographies dont l'objet est de fixer le quotidien des habitants de l'espace urbain de l'époque. C'est le gros de la collection photographique qui illustre ce livre. Des photos de souks, de quartiers d'habitation, de femmes et d'hommes marocains ou européens en tenue d'époque.
On a pensé à tout pour la réalisation de ce livre. En plus de l'importance des documents écrits et iconographiques, la mise en page est agréablement aérée, toutes choses qui font de ce livre un produit de luxe qu'on aimerait recevoir ou offrir en cadeau.
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Parcours de R. Chastel
Passionné d'histoire et de photographie anciennes, le docteur Robert Chastel de la faculté de médecine de Marseille, exerce à Rabat depuis 1966. Dès ces années, il éprouvera de l'intérêt pour l'histoire du Maroc. Ses investigations ont abouti à la publication en 1993 d'un premier livre sous le titre «Rabat-Salé, vingt siècles de l'oued Bouregreg» suivi en 2006 de «Histoire de Casablanca des origines à 1952».«Casablanca de 1900 à 1912» est son dernier ouvrage.
