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Accueil next L'humain au centre de l'action future

La chute de Bagdad fait pleurer les Egyptiens... de rire

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Une Condoleezza Rice en tenue affriolante, des agents de la CIA empotés, des soldats sanguinaires: le premier film arabe sur l'invasion américaine de l'Irak ne donne pas dans la finesse mais remplit les salles égyptiennes.

Dans «La nuit de la chute de Bagdad», le réalisateur égyptien Mohammad Amine a opté pour la comédie, souvent grasse et parfois polissonne, pour raconter l'histoire d'une famille de patriotes égyptiens qui déjoue une offensive militaire américaine.

«Le film, qui passe dans 25 cinémas, a réalisé 4 millions de livres égyptiennes (700.000 USD) en rentrées en trois semaines», dit à l'AFP M. Amine. Selon la presse locale, la production, qui a coûté 3,5 millions LE, se place en quatrième position au box office.

Même s'il fait dans la caricature simpliste, souvent reprochée aux représentations hollywoodiennes du monde arabe, le film a rencontré un public enthousiaste de voir exprimée sans scrupules sa frustration envers la politique américaine au Moyen-Orient. Dans le film, des Américains sanguinaires comptent attaquer les pays arabes, après l'Irak. Le héros Tarek, un jeune savant au chômage, adepte de bango (drogue locale), doit inventer une arme pour empêcher la catastrophe.

Pour l'encourager, son mentor Chaker, un nationaliste révulsé par les images de torture dans la prison irakienne d'Abou Ghraib, dirigée par les Américains, met à sa disposition son argent, sa maison et même sa fille.

Le scénario croque en vrac les Américains, les dirigeants arabes «vendus», la jeunesse égyptienne frustrée sexuellement, la relation entre la science et la religion et le rôle des médias dans les guerres modernes. Et le public adore. M. Amine s'en réjouit. «Les Egyptiens vont d'habitude au cinéma pour voir une star. Mon film met en scène de jeunes acteurs peu connus, et l'affuence est quand même importante».

Quand Tarek se désintéresse de sa recherche pour feuilleter un magazine de charme, son regard tombe sur une photo accrochée au mur par Chaker: celle de détenus irakiens nus entourés de soldats américains. Pris de remords, il se remet à sa tâche.

Dans une autre scène, les épouses des deux hommes, souffrant de pannes sexuelles à cause de l'angoisse causée par la menace américaine, se déguisent en soldates américaines.

Le stratagème réussit. Les maris s'excitent. Des scènes torrides suivent: femmes faisant la danse du ventre en soutien Stars and Stripes, le drapeau américain, maris poursuivant les «soldates» armées de lance-roquettes.

La scène qui marque le plus les esprits reste celle d'un Tarek embrasé par des images télévisées de la secrétaire d'Etat américaine en jupe. Puis la scène glisse dans le fantasme, avant de culminer en une étreinte torride entre un sosie de Mme Rice et le jeune héros.

Des photos réelles traversent aussi le film, comme celle du petit Irakien Ali Ismaël Abbas, 12 ans, qui a perdu ses bras et a été brûlé dans un bombardement américain sur Bagdad. A la vue de ces images publiées par la presse, la volonté de Chaker de pousser Tarek à inventer le bouclier électronique qui protègera l'Egypte contre une attaque américaine redouble. Tarek réussit et les Egyptiens défont les Américains.

«J'ai beaucoup aimé le film même si ce scénario n'aura jamais lieu. En réalité, les jeunes Arabes qui ressemblent à Tarek ne restent pas dans leur pays pour le servir, mais vont à l'étranger», dit Asma Kabbani, 21 ans. Basma Mahmoud, 24 ans, déplore aussi l'«égoësme des jeunes, à la recherche de leurs propres intérêts». Elle assure que la menace américaine existe, «mais nous ne serons jamais prêts à l'affronter».

Le film sera bientôt projeté dans le Golfe et d'autre pays arabes, et participera aussi à des festivals internationaux, selon M. Amine. S'il venait aux Américains l'idée de s'élever contre le ton parfois insultant du film, sa réponse est prête: «Ce sont eux les agresseurs, ils n'ont pas le droit de s'offusquer».
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