Son auteur aussi. Enfant des rues, il ne commença à lire et à écrire qu'à l'âge de 20 ans, c'est-à-dire en 1955, à l'avènement de l'indépendance du pays. Auparavant, sa vie se réduisit à peu de choses : errance, quête quotidienne de pitance, bagarres de rue et bien sûr petite délinquance, drogue, alcool et autres débauches.
Il décrit tout cela dans «Le Pain nu », et plus tard dans «Le Temps des erreurs », avec une crudité, mais aussi une profondeur et un art consommé de conteur. Ami de Tennessee Williams et de Jean Genet qui vivaient à Tanger, il partageait à la fois le même itinéraire et les mêmes parentés littéraires : la rue, l'errance, la délinquance et le génie.
Dans son livre consacré à Jean Genet, Choukri évoque Julien Sorel, le personnage de Stendhal dans « Le Rouge et le noir», en ces termes : « Sa vie familiale touche à une partie de la mienne par un événement similaire.
Sorel a vendu son fils Julien au maire de la ville de Renal pour une somme annuelle de trois cents francs. Mon père à moi m'a vendu à un tenancier de café à Tétouan qui se droguait, pour une location mensuelle de trente pesetas. »
Quand son interlocuteur, Genet, critique cette identification, Choukri réplique : « Julien Sorel me permet de percevoir mon passé avec une nouvelle sensibilité.
C'est une compensation qui apporte une certaine sérénité à ma vie présente. »
Son autre figure emblématique est Tennessee Williams. Choukri écrit : « J'ai longtemps contemplé sa photo. Dans son regard se reflète toujours son ancienne rêverie romantique. Cette photo a dû être prise à l'âge de la quarantaine. Aujourd'hui, il est sexagénaire et moi j'ai dépassé l'âge qu'il avait sur cette photo. Il est né le 26 mars et moi le 25. Nos horoscopes (nos caractères) différent d'une seule journée. L'aborderai-je brusquement comme je l'avais fait avec Genet au Soco ? Il écrit et moi aussi. Il est célèbre et moi non. C'est ça la différence.
Habituellement, c'est le voleur novice qui se présente au vétéran. J'ai exercé des métiers qu'il a exercés durant ses années de pauvreté et moi mes années de misères… »
C'est cette amitié teintée d'une admiration sans réserve pour Genet et Williams qui explique en partie la filiation littéraire de Choukri.
C'est le désir ardent d'atteindre le talent de l'un et de l'autre, ces deux immenses écrivains à l'enfance difficile et misérable, qui a permis à Choukri d'appréhender sa propre vie avec la sérénité et le détachement du créateur.
REPERES
L'histoire d'une vie
> Mohamed Choukri est né en 1935 dans un petit village du Rif
> A l'âge de 10 ans, il dut suivre sa famille qui déménagea à Tétouan puis à Tanger pour fuir la famine.
> Enfant des rues, il ne regagna l'école qu'à l'âge de 20 ans, en 1956.
> Il écrit « Le Pain nu », son premier récit autobiographique, en 1971.
La Fondation Choukri : un projet irréalisable ?
Mohamed Choukri tenait à ce qu'une fondation portant son nom voie le jour. L'information a été évoquée par bon nombre de ses proches, juste après son décès. On pensait alors que les intellectuels marocains allaient se mobiliser pour mettre en place ce projet. Mais trois ans après la disparition de l'enfant terrible de la littérature marocaine et arabe, rien de cela n'a été fait.
Pourtant, Choukri aurait signé les directives nécessaires pour la mise en place de ladite fondation. Il aurait même désigné ses membres : Mohamed Achaâri, Hassan Aourid, Abdelhamid Akkar et Hassan Nejmi.
Très occupés, les membres de la Fondation Mohamed Choukri ne se seraient jamais réunis pour discuter du projet en question. Pis, les héritiers du défunt, notamment son frère Abdelaziz, affirment qu'ils n'ont jamais été contactés par les membres de la supposée fondation.
La volonté de Mohamed Choukri a-t-elle été trahie ? Mystère…
Il décrit tout cela dans «Le Pain nu », et plus tard dans «Le Temps des erreurs », avec une crudité, mais aussi une profondeur et un art consommé de conteur. Ami de Tennessee Williams et de Jean Genet qui vivaient à Tanger, il partageait à la fois le même itinéraire et les mêmes parentés littéraires : la rue, l'errance, la délinquance et le génie.
Dans son livre consacré à Jean Genet, Choukri évoque Julien Sorel, le personnage de Stendhal dans « Le Rouge et le noir», en ces termes : « Sa vie familiale touche à une partie de la mienne par un événement similaire.
Sorel a vendu son fils Julien au maire de la ville de Renal pour une somme annuelle de trois cents francs. Mon père à moi m'a vendu à un tenancier de café à Tétouan qui se droguait, pour une location mensuelle de trente pesetas. »
Quand son interlocuteur, Genet, critique cette identification, Choukri réplique : « Julien Sorel me permet de percevoir mon passé avec une nouvelle sensibilité.
C'est une compensation qui apporte une certaine sérénité à ma vie présente. »
Son autre figure emblématique est Tennessee Williams. Choukri écrit : « J'ai longtemps contemplé sa photo. Dans son regard se reflète toujours son ancienne rêverie romantique. Cette photo a dû être prise à l'âge de la quarantaine. Aujourd'hui, il est sexagénaire et moi j'ai dépassé l'âge qu'il avait sur cette photo. Il est né le 26 mars et moi le 25. Nos horoscopes (nos caractères) différent d'une seule journée. L'aborderai-je brusquement comme je l'avais fait avec Genet au Soco ? Il écrit et moi aussi. Il est célèbre et moi non. C'est ça la différence.
Habituellement, c'est le voleur novice qui se présente au vétéran. J'ai exercé des métiers qu'il a exercés durant ses années de pauvreté et moi mes années de misères… »
C'est cette amitié teintée d'une admiration sans réserve pour Genet et Williams qui explique en partie la filiation littéraire de Choukri.
C'est le désir ardent d'atteindre le talent de l'un et de l'autre, ces deux immenses écrivains à l'enfance difficile et misérable, qui a permis à Choukri d'appréhender sa propre vie avec la sérénité et le détachement du créateur.
REPERES
L'histoire d'une vie
> Mohamed Choukri est né en 1935 dans un petit village du Rif
> A l'âge de 10 ans, il dut suivre sa famille qui déménagea à Tétouan puis à Tanger pour fuir la famine.
> Enfant des rues, il ne regagna l'école qu'à l'âge de 20 ans, en 1956.
> Il écrit « Le Pain nu », son premier récit autobiographique, en 1971.
La Fondation Choukri : un projet irréalisable ?
Mohamed Choukri tenait à ce qu'une fondation portant son nom voie le jour. L'information a été évoquée par bon nombre de ses proches, juste après son décès. On pensait alors que les intellectuels marocains allaient se mobiliser pour mettre en place ce projet. Mais trois ans après la disparition de l'enfant terrible de la littérature marocaine et arabe, rien de cela n'a été fait.
Pourtant, Choukri aurait signé les directives nécessaires pour la mise en place de ladite fondation. Il aurait même désigné ses membres : Mohamed Achaâri, Hassan Aourid, Abdelhamid Akkar et Hassan Nejmi.
Très occupés, les membres de la Fondation Mohamed Choukri ne se seraient jamais réunis pour discuter du projet en question. Pis, les héritiers du défunt, notamment son frère Abdelaziz, affirment qu'ils n'ont jamais été contactés par les membres de la supposée fondation.
La volonté de Mohamed Choukri a-t-elle été trahie ? Mystère…
