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Analyse sociologique de la notion de besoin à la notion de satisfaction en milieu rural

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la notion de «besoin» comme celle de bonheur et de bien-être est aussi vague et confuse que son corollaire, la notion de «satisfaction».
En effet, la notion de besoin oscille entre le concept de survie (satisfaction des besoins physiologiques élémentaires) et le concept d'abondance (suppression des besoins).

Dès lors que l'on abandonne la simple référence à la survie, il n'y a plus de norme «objective» pour fixer un minimum de niveau de vie qui correspondrait à la satisfaction des besoins primaires ou élémentaires.
Le besoin naît du constat d'une différence et du «désir» de la réduire. De ce fait, cette dialectique est tout entière structurée par la dynamique sociale de l'égalisation et de la différenciation.

En effet, les besoins exprimés par les ruraux (eau potable, électricité, pistes, dispensaires, etc.) sont plus des manifestations d'une volonté d'accéder au bien-être qu'une volonté de réduire la distance ou la différence qui les sépare de la ville et de son mode de vie.

Ils veulent améliorer leurs conditions de vie difficiles et contraignantes, ils veulent que leur environnement change de façon positive.
A travers cette analyse théorique, nous pourrions définir le besoin comme étant l'écart entre une situation actuelle jugée par les ruraux non satisfaisante et une situation meilleure désirée par eux et à laquelle ils aspirent.

D'où l'idée selon laquelle les ruraux sont réticents au changement est fausse et insignifiante, en ce sens qu'ils n'y sont pas opposés quand les actions et les projets qui y contribuent ont un impact positif sur leur vie quotidienne.
Cet objectif est ce qu'on appelle le développement mais chacun a une conception différente du développement. Toutefois, tout le monde est unanime à ce que le développement soit un changement positif d'une situation donnée non désirable. Il s'agit plus précisément d'une amélioration des CAP (Connaissances, Attitudes, Pratiques), des aménagements et des équipements en tenant compte des besoins par l'adoption de l'approche participative.

Cette approche peut-être définie comme étant l'outil permettant d'écouter les populations exprimer leurs besoins et les aider à formuler et à résoudre leurs problèmes en élaborant un diagnostic participatif de leurs territoires (douars, communes, provinces, régions, etc.) lequel les aide à :
- identifier les contraintes et les atouts ;
- à hiérarchiser les priorités ;
- à rechercher et trouver les solutions réalistes et réalisables ;
- à proposer et négocier les actions à mener pour améliorer la situation actuelle.

Après ce tour d'horizon théorique consacré à la définition de ces concepts, nous nous demandons si l'identification et la satisfaction des besoins prioritaires et réels des populations contribuent-elles au développement, ou mènent-elles à l'émergence de nouveaux besoins inhérents à la situation nouvelle ?
La satisfaction des besoins n'est qu'un moyen pour parvenir au stade de bien-être et au développement d'autant plus que les besoins sont illimités.

Ce processus devrait se dérouler d'une manière participative, autrement dit les populations doivent être impliquées dans l'identification des besoins, leur transformation en projets et leur mise en œuvre, sinon «on» assistera à une logique d'assistanat et non pas au développement en tant que tel et à l'auto-prise en charge.

Parfois, les besoins provoqués par un projet ou programme de développement ne sont pas en réalité des besoins prioritaires émanant des populations rurales, mais ils constituent la réponse aux attentes et aux orientations de l'organisme intervenant.

C'est ainsi que le fait de monter, par exemple, des projets pour les femmes, apparaît comme un besoin des populations rurales et qui est exprimé souvent par les hommes eux-mêmes pour donner l'image souhaitée et voulue par l'organisme intervenant, même si ces projets ne sont pas perçus par eux comme prioritaires : «on» fait comme si ces projets émanaient des populations sans que celles-ci soient convaincues de leur importance dans le développement du douar.

En l'occurrence, les populations adoptent la stratégie «de faire avec» : elles essayent de bénéficier de ces projets en attendant la réalisation d'autres projets encore plus importants et consistants (infrastructures, routes, électricité, eau potable, etc.).
Par ailleurs, les besoins des populations rurales ne coïncident pas toujours avec les orientations de l'Etat. Celui-ci ne donne pas assez d'importance au développement des capacités humaines et au changement des attitudes négatives. Par conséquent, les programmes sociaux mis en place mettent l'accent plus particulièrement sur les infrastructures (eau potable, électrification, routes, etc.) en sous-estimant la sensibilisation, l'accompagnement et la formation des ressources humaines pour garantir la durabilité des projets.

Il est vrai que les populations demandent trop souvent dans leurs doléances d'être alimentées en eau potable, en électricité, d'avoir des routes et des dispensaires et l'Etat ne fait que répondre à ces requêtes ; mais ces populations ne sont pas assez sensibilisées et informées sur la non-dissociation entre les projets «hard» (infrastructures) et les projets «soft» (formations, sensibilisations).

C'est pourquoi l'approche participative préconisée par ces organisations s'avère pertinente en raison du fait qu'elle est fondée sur la négociation avec les bénéficiaires en tant que partenaires.

A ce niveau, les besoins identifiés par les populations pourraient ne pas être prioritaires en ce sens qu'ils reflètent souvent les attentes d'un groupe particulier ou d'une élite ou d'une personne ayant un leadership ou un pouvoir symbolique et ne représentent en aucun cas des intérêts communs.

Une fois les besoins identifiés, les acteurs chargés de cette opération doivent, en étroite collaboration avec les populations, les transformer en activités ou en projets à mettre en œuvre. Ces projets contribuent, après leur réalisation, au développement en termes de bien-être et d'amélioration des conditions de vie des ruraux.

Toutefois, si les besoins réels et prioritaires ne sont pas bien identifiés dès le départ, le processus de développement ne pourra pas être enclenché, ou pire encore «on» pourrait aboutir sinon à une situation que j'appellerais volontiers «développement du sous-développement», du moins à la reproduction de la situation de sous-développement.

En effet, si les activités et les projets planifiés ne correspondent pas aux vraies attentes des ruraux, ceux-ci seraient enclins à ne pas participer à leur réalisation et pourraient même entraver leur mise en œuvre. L'exemple de l'échec ou de la défaillance de projets parachutés par l'Etat est très significatif à cet égard.

C'est pourquoi l'approche participative est la démarche la plus adéquate pour identifier et hiérarchiser les besoins des populations en les faisant participer à toutes les étapes des projets (identification, planification, mise en œuvre et suivi-évaluation) dans le but de garantir leur durabilité.
En plus, les projets attendus par les populations et auxquels elles ont participé créent une dynamique villageoise qui pourrait aboutir, par la suite, à l'auto-développement.

Au terme de cette étude, nous faisons ressortir que le développement en tant que processus de changement positif des connaissances, des attitudes et des pratiques d'une part et d'amélioration des infrastructures de base d'autre part, ne peut être uniquement le résultat de la «satisfaction» des besoins d'autant plus que ceux-ci sont illimités et diversifiés selon les catégories sociales et sexuelles.

Par ailleurs, la satisfaction des besoins des populations ne peut être réduite à la simple opération de réponse aux attentes, mais il s'agit d'un long processus d'identification, de transformation en projets et de suivi en adoptant l'approche participative comme stratégie d'intervention pour pouvoir distinguer les besoins réels reflétant des intérêts communs à un groupe large de la population de ceux qui sont fictifs ou provoqués par la mise en place d'un projet quelconque.

En effet, il y a une relation dialectique entre l'identification et la satisfaction des besoins comme outils de développement, l'approche participative comme approche et stratégie, et l'auto-développement ou le développement durable comme objectif à atteindre.

* Aomar Baba
Sociologue -Ouarzazate
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