De nombreuses questions se posent et nombre d'entre elles sont compliquées, surtout celles liées à la gestion du quotidien. Au départ, ils semblent s'orienter à l'aveuglette, le parcours n'est pas balisé et rien n'est envisageable. Mais ensuite, ils entrent dans une période d'accommodation et d'élaboration de nouveaux repères: «Notre vie était rythmée par des visites chez les médecins, les hôpitaux… On ne pouvait rien planifier. Et puis finalement on accepte. On commence à construire autre chose. On se bat contre l'handicap. On vit au jour le jour», dit cette maman d'un enfant trisomique 21.
Si, la naissance d'un enfant handicapé est déroutante pour les parents, elle l'est aussi pour la fratrie. Les frères et sœurs sont en effet engagés, malgré eux et souvent très tôt, dans les remaniements familiaux... «Il y a une responsabilisation de la fratrie très précoce. Les frères et sœurs vivent ça comme un dû», explique Dr Abdellah Ouardini, pédopsychiatre.
Sentiments ambivalents
Nombre d'entre eux éprouvent des sentiments ambivalents, partagés entre la formidable expérience humaine qu'ils vivent avec leur frère ou leur sœur handicapée et les épreuves qu'elle génère. «Ils ont souvent le sentiment d'être délaissés, oubliés, abandonnés… Ils sont au départ jaloux et hostiles, mais ensuite ils manifestent un dévouement qui n'est pas de leur âge», souligne Dr Hachem Tyal, psychiatre.
Les propos de Wafaa illustrent bien ce raisonnement : «Petite, j'étais jalouse de ma petite sœur. Je lui en voulais et au fond de moi je souhaitais qu'elle disparaisse, surtout quand elle faisait ses crises. Mais juste après, je m'enfermais dans ma chambre et pleurais toutes les larmes de mon corps. Je me sentais coupable de penser ces choses-là».
Les sentiments commencent toutefois à changer au moment de l'adolescence. La jalousie laisse place au désir de protéger le jeune handicapé. La fratrie comprend les difficultés et les conséquences qu'implique le handicap et tenter d'y faire face.
Mais, trop souvent, au prix de nombreux sacrifices : ils en oublient de penser à eux, car leur priorité est de protéger la personne handicapée et d'aider au mieux leurs parents. Avec l'âge, ils s'interdisent parfois de vivre une jeunesse normale. «J'ai 5 ans de moins que mon frère handicapé, mais en fait je me sens plus âgé. Quand mes parents sont absents, c'est moi qui veille sur lui… C'est mon devoir. Tout seul, il ne peut pas se débrouiller. Je n'ai pas le droit de le laisser tomber», témoigne Mehdi.
Le noyau dur de la famille
Ainsi, rapidement, l'enfant handicapé devient le cœur de la famille, le noyau autour duquel gravitent parents, frères, sœurs... « Quand ma sœur n'est pas à la maison, tout est morose, triste… mais dès qu'elle rentre, la vie revient à la maison. C'est elle qui nous donne la force de continuer à lutter contre le handicap. En fait avec le temps, on ne voit même plus la différence. Pour nous, elle est tout à fait normale», poursuit Wafaa.
Cependant, pour que parents et enfants établissent des relations sereines, il faut impérativement qu'ils expriment, ensemble, leurs maux.
Ils doivent pouvoir parler de leur douleur comme de leur ras-le-bol.
«Les parents sont ravagés par la culpabilité et se privent du besoin et de la nécessité de dire « j'en ai ras-le-bol ». Les frères et sœurs ressentent la même chose. D'où la nécessité de l'accompagnement psychologique. Se confier à une personne extérieure à la famille fait qu'ils se sentent plus libres de mettre des mots sur leurs souffrances sans honte et sans culpabilité», explique le Dr Ouardini.
Dans tous les cas, une chose est sûre: cette enfance, si particulière, frères et sœurs la garderont en eux toute leur vie et elle aura des répercussions profondes sur la construction de leur identité, choix affectifs et professionnels.
La plupart ont appris tôt ce que d'autres apprennent progressivement au cours de leur vie: la patience, le respect de la différence, l'écoute, l'entraide, la capacité d'aller au-delà des problèmes...
«Je me suis souvent posé une question: si enceinte et apprenais-je que je porte un enfant handicapé, le garderais-je? Ma réponse est oui. J'ai peut-être vécu des moments très douloureux avec ma sœur, mais j'en ai aussi eu de très beaux. Sans elle, je ne verrais pas les choses de la même manière. Et je ne la remercierais jamais assez pour tout ce qu'elle m'a apporté et m'apporte encore aujourd'hui», conclut Wafaa.
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Lorsque j'ai pris la décision de me marier, je stressais. Je ne savais pas comment mon futur époux allait réagir… Sa réaction était importante pour moi, car ma sœur fait partie intégrante de moi. Je ne peux pas la laisser et partir. Mais heureusement, tout se passait très naturellement», confie Souad, aînée d'une fratrie de trois filles, dont une handicapée mentale.
Pour prévenir ce nouvel obstacle, là encore, les parents ont un rôle essentiel à jouer. Il faut, dès le plus jeune âge, dédramatiser le handicap et rappeler à la fratrie que le handicap est un accident, et non pas une fatalité.
Si, la naissance d'un enfant handicapé est déroutante pour les parents, elle l'est aussi pour la fratrie. Les frères et sœurs sont en effet engagés, malgré eux et souvent très tôt, dans les remaniements familiaux... «Il y a une responsabilisation de la fratrie très précoce. Les frères et sœurs vivent ça comme un dû», explique Dr Abdellah Ouardini, pédopsychiatre.
Sentiments ambivalents
Nombre d'entre eux éprouvent des sentiments ambivalents, partagés entre la formidable expérience humaine qu'ils vivent avec leur frère ou leur sœur handicapée et les épreuves qu'elle génère. «Ils ont souvent le sentiment d'être délaissés, oubliés, abandonnés… Ils sont au départ jaloux et hostiles, mais ensuite ils manifestent un dévouement qui n'est pas de leur âge», souligne Dr Hachem Tyal, psychiatre.
Les propos de Wafaa illustrent bien ce raisonnement : «Petite, j'étais jalouse de ma petite sœur. Je lui en voulais et au fond de moi je souhaitais qu'elle disparaisse, surtout quand elle faisait ses crises. Mais juste après, je m'enfermais dans ma chambre et pleurais toutes les larmes de mon corps. Je me sentais coupable de penser ces choses-là».
Les sentiments commencent toutefois à changer au moment de l'adolescence. La jalousie laisse place au désir de protéger le jeune handicapé. La fratrie comprend les difficultés et les conséquences qu'implique le handicap et tenter d'y faire face.
Mais, trop souvent, au prix de nombreux sacrifices : ils en oublient de penser à eux, car leur priorité est de protéger la personne handicapée et d'aider au mieux leurs parents. Avec l'âge, ils s'interdisent parfois de vivre une jeunesse normale. «J'ai 5 ans de moins que mon frère handicapé, mais en fait je me sens plus âgé. Quand mes parents sont absents, c'est moi qui veille sur lui… C'est mon devoir. Tout seul, il ne peut pas se débrouiller. Je n'ai pas le droit de le laisser tomber», témoigne Mehdi.
Le noyau dur de la famille
Ainsi, rapidement, l'enfant handicapé devient le cœur de la famille, le noyau autour duquel gravitent parents, frères, sœurs... « Quand ma sœur n'est pas à la maison, tout est morose, triste… mais dès qu'elle rentre, la vie revient à la maison. C'est elle qui nous donne la force de continuer à lutter contre le handicap. En fait avec le temps, on ne voit même plus la différence. Pour nous, elle est tout à fait normale», poursuit Wafaa.
Cependant, pour que parents et enfants établissent des relations sereines, il faut impérativement qu'ils expriment, ensemble, leurs maux.
Ils doivent pouvoir parler de leur douleur comme de leur ras-le-bol.
«Les parents sont ravagés par la culpabilité et se privent du besoin et de la nécessité de dire « j'en ai ras-le-bol ». Les frères et sœurs ressentent la même chose. D'où la nécessité de l'accompagnement psychologique. Se confier à une personne extérieure à la famille fait qu'ils se sentent plus libres de mettre des mots sur leurs souffrances sans honte et sans culpabilité», explique le Dr Ouardini.
Dans tous les cas, une chose est sûre: cette enfance, si particulière, frères et sœurs la garderont en eux toute leur vie et elle aura des répercussions profondes sur la construction de leur identité, choix affectifs et professionnels.
La plupart ont appris tôt ce que d'autres apprennent progressivement au cours de leur vie: la patience, le respect de la différence, l'écoute, l'entraide, la capacité d'aller au-delà des problèmes...
«Je me suis souvent posé une question: si enceinte et apprenais-je que je porte un enfant handicapé, le garderais-je? Ma réponse est oui. J'ai peut-être vécu des moments très douloureux avec ma sœur, mais j'en ai aussi eu de très beaux. Sans elle, je ne verrais pas les choses de la même manière. Et je ne la remercierais jamais assez pour tout ce qu'elle m'a apporté et m'apporte encore aujourd'hui», conclut Wafaa.
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Un étranger dans la famille
Après quelques années, la vie prend un nouveau tournant. Les frères et sœurs sont en âge de voler de leurs propres ailes et envisagent de quitter la famille pour en fonder une nouvelle. Mais c'est à nouveau une période délicate qui se profile : comment abandonner de bon cœur ses parents toujours confrontés à ce douloureux problème alors qu'on a soi-même l'espoir de vivre autre chose ? Comment faire accepter à celui qui va partager notre vie nos difficultés familiales ? «Tous les enfants ont tendance à reproduire le schéma familial, mais mes sœurs et moi avons grandi dans une famille différente.Lorsque j'ai pris la décision de me marier, je stressais. Je ne savais pas comment mon futur époux allait réagir… Sa réaction était importante pour moi, car ma sœur fait partie intégrante de moi. Je ne peux pas la laisser et partir. Mais heureusement, tout se passait très naturellement», confie Souad, aînée d'une fratrie de trois filles, dont une handicapée mentale.
Pour prévenir ce nouvel obstacle, là encore, les parents ont un rôle essentiel à jouer. Il faut, dès le plus jeune âge, dédramatiser le handicap et rappeler à la fratrie que le handicap est un accident, et non pas une fatalité.
