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La plage d'Ouled Hmimoun se meurt

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Plage Ouled Hmimoun, sur la route côtière reliant la ville de Casablanca à celle de Mohammedia, au nord de la plage Paloma. L'immense inscription "La préservation de l'environnement est la responsabilité de tous", sur le mur qui longe la petite piste séparant la plage de la route, laisse croire que la propreté des lieux sera irréprochable. Erreur. Une forte puanteur annonce la couleur dès que l'on s'approche de la mer. Une grande mare d'eau crasseuse se dessine à chaque marée basse.

A son milieu, un grand collecteur, invisible à cause des saletés, déverse son contenu. Des essaims de moustiques s'attaquent aux passants et aux quelques pêcheurs immobiles derrière leurs cannes. Quand la mer est calme, l'eau de la mare, n'accédant plus à la mer, stagne et se putréfie avec le temps. Les odeurs deviennent insoutenables et rendent toute fréquentation de cette jolie plage carrément impossible.

Selon le propriétaire d'un cabanon, la dégradation du site s'aggrave année après année à cause des saletés déversées par ce collecteur et porte un sérieux coup à cette plage qui relève à la fois de la commune rurale d'Aïn Harrouda et de la commune urbaine de Mohammédia. Selon les habitants, les estivants sont de moins en moins nombreux et les propriétaires, scandalisés par la situation, ne peuvent plus fréquenter leurs résidences en été, ni les louer en hiver.

L'été dernier, la situation était critique. Les odeurs ont été insupportables à plusieurs dizaines de mètres à la ronde. Le nombre des estivants a baissé de plus de la moitié, selon les habitants. "Nous assistons, impuissants, à la lente agonie de ce beau site", avancent-ils, avec amertume.

Construit en 1997, le collecteur objet de la contestation est destiné à la collecte et au drainage vers la mer des eaux pluviales qui inondaient autrefois l'autoroute, lors de fortes précipitations. Les travaux ont été financés grâce à un partenariat entre le ministère de l'Equipement, les Autoroutes du Maroc (ADM) et la Régie des tabacs. Le coût de l'opération s'est élevé à 24 millions de dirhams.

Selon Salh El Jou, membre du Conseil de la commune rurale d'Aïn Harrouda, le collecteur devait initialement répandre les eaux pluviales un peu plus au large. "Malheureusement, et je ne sais par quelle incompétence, la construction du collecteur s'est arrêtée au bord de la mer et les eaux ramassées sont déversées à quelques mètres de l'eau", s'insurge-t-il. "Cette défaillance a été soulevée plusieurs fois à l'occasion des cessions du conseil de la commune, mais en vain", ajoute El Jou, pour qui la plage Ouled Hmimoun n'a pas cessé de se détériorer depuis la construction de cette "catastrophe" écologique.

Les habitants et leur représentant pointent du doigt également la Régie des tabacs. Selon eux, la société se sert du collecteur pour évacuer les déchets liquides de son site d'Aïn Harrouda. "C'est vrai", répond Ahmed Nadil, chef de la Division équipement et environnement à la Préfecture de Mohammedia.

"Mais, à condition que ces déchets seraient traitées au préalable", précise-t-il. Selon lui, les eaux pluviales inondaient également l'usine de la Régie des tabacs à Aïn Harrouda. C'est pour cette raison que la société a participé au financement du projet à hauteur de 8 millions de dirhams. Contactés par " Le Matin du Sahara ", les responsables de cette entreprise ont confirmé ces informations.

"Le collecteur en question sert uniquement à l'évacuation des eaux pluviales qui sont d'abord traitées sur place", indique Abdellatif Souhail, directeur technique et de production à la Régie des tabacs. "Les eaux usées sont rejetées dans le réseau de la ville, elles aussi après un passage par notre station d'épuration qui répond parfaitement aux normes", ajoute-t-il.

Mais d'où vient donc l'odeur du tabac qui émane de temps à autre de la mare d'eau, selon les habitants d'Ouled Hmimoun? Les responsables de la Régie sont catégoriques. Pour eux, il est pratiquement impossible que les rejets au niveau du collecteur contiennent du tabac puisque ce dernier ne sert qu'à l'évacuation des eaux pluviales. Cependant, le chef de la Division équipement et environnement nous a confirmé que suite à la requête de plusieurs habitants, une commission a été diligentée sur les lieux au courant de l'été dernier. Elle avait bel et bien constaté ces odeurs.

Après une enquête menée au niveau de l'usine, la commission a constaté également que la station d'épuration "était en panne", note Nadil. Brahim Bouhera de la Régie des tabacs a une autre version.

A l'en croire, il ne s'agissait pas d'une panne de la station d'épuration mais du bassin de décantation des eaux pluviales qui devrait être nettoyé. Des mesures ont été immédiatement prises et ce bassin sera dorénavant récuré, selon les responsables, tous les trois mois au lieu d'une fois par an "au minimum", insiste Bouhera.

Les responsables de la Régie des tabacs n'ont pas oublié de signaler que d'autres unités industrielles de la région, dont les déchets ne sont pas épurés, seraient raccordées au collecteur. Une situation qui pourrait être à l'origine du problème.
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