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L'if, un arbre en voie de disparition

Depuis fort longtemps, la ville d'Ifrane, ses alentours et toute sa région sont connus pour leurs peuplements végétaux et animaux remarquables, exceptionnellement riches en endémiques. Ancienne «Arcadie» et véritable réminiscence du «Jardin des Délices»,

L'if, un arbre en voie de disparition
Malheureusement, cet arboretum unique en son genre connaît de nos jours une dégradation continue qui a fait couler beaucoup d'encre aussi bien sur ces pages qu'à travers d'autres organes de la presse nationale.

Ceci étant et suite à nos multiples échos et papiers de presse publiés sur ces mêmes colonnes, traitant de cette dégradation persistante que connaît le Val d'Ifrane en général et son site touristique de la source Vittel en particulier à cause de la pression humaine entre autres facteurs de dégradation, nos fidèles lecteurs et grands amis d'Ifrane et de son « Val » réagissent et nous écrivent.

Selon Mohamed El Aouene, chercheur et archiviste, nombreux sont ceux qui sont d'avis que la flore, fierté, il y a peu, de la ville d'Ifrane connaît une dégradation sans précédent, des pelouses abandonnées à leur sort, des arbres moribonds : des acacias (Robinia pseudoacacia comme aime à me le rappeler un jeune paysagiste ifranais) malades atteints de pourridié, des tilleuls mal taillés, des platanes non taillés épuisés par les attaques de « tigres » - ces fameux insectes qui décolorent les feuilles et rendent la sève collante-, des marronniers agressés par ce parasite qui brunit les feuilles et les fait tomber prématurément. Où sont donc passés ces ormes aux grandes silhouettes ? Et la liste est longue.

Voilà ce qui est du sort de certaines des plantes qui ornent les rues de la ville, précise-t-il avant de se demander qu'en est-il de ces pauvres plantes du jardin public, du val ? S'agissant du Val d'Ifrane, avance M. El Aouene, les articles de Mohamed Drihem, président de l'AAVI (Association des Amis du Val d'Ifrane) font état d'un dépérissement quelque peu avancé de la flore… et nous ne retiendrons que ce groupe de mots plus révélateur encore pour être fixés sur les déprédations causées par l'homme à cette pépinière naturelle, «cet arboretum unique en son genre qui se dégrade à petit feu».

En effet, pour M. El Aouene, la première victime ne pourrait être que ce militant qui lutte toujours pour sa survie et qui ne cesse de braver la colère du vent, de supporter la fureur des pluies torrentielles et d'endurer le poids de la neige. Il s'agit de l'If, communément désigné par les autochtones par «khanounte sbaâ».

Selon lui, l'if est ce conifère de la famille des taxacées que l'on trouve disséminé tout le long du val d'Ifrane et que l'on rencontre mais rarement dans la forêt environnante. Caractérisé par une longévité exceptionnelle de plusieurs millénaires, sa croissance est très lente. Le doyen des ifs aurait 3.000 ans et se trouve à Fortingal-on-Tayside, un village d'Écosse. Essence d'ombre, l'if peut atteindre parfois une vingtaine de mètres de hauteur et occuper parallèlement une large circonférence. Ses feuilles persistantes sont d'un vert profond, aplaties et aiguës à leur extrémité.

Elles sont disposées en deux rangées opposées le long de rameaux souples et verts. Son tronc cannelé comporte une écorce d'un brun rougeâtre. L'if produit un fruit sous la forme d'une fausse baie autour d'une graine de couleur d'un vert très foncé, c'est l'arille. Charnu, d'un rouge vif à maturation, ce fruit est comestible.

Combien de fois avons-nous mangé de ce fruit sans nous rendre compte du danger que nous courions ? Se demande notre ami du Val d'Ifrane.
En effet, c'est une plante particulièrement toxique aussi bien pour les hommes que pour les animaux car, à l'exception de la pulpe de l'arille, toutes les parties de l'arbre contiennent un alcaloïde, la taxine.

Avisés comme ils le sont, les habitants de la zaouïa des Aït Sidi Abdeslam n'attachent jamais leurs bêtes à un tronc d'if car une décoction de 50 grammes de ses feuilles peut provoquer la mort d'un cheval. « Chez l'homme, l'if engendre des troubles digestifs, nerveux, respiratoires et cardio-vasculaires qui peuvent entraîner la mort. »

En effet ajoute-t-il, la toxicité de ses feuilles et de son écorce est connue depuis l'Antiquité. Souple et résistant, le bois de l'if était utilisé pour la fabrication d'arcs et de flèches.

Son poison a été jadis utilisée par les guerriers pour enduire de sève les pointes de leurs flèches.

Pour conclure, l'ami du Val d'Ifrane a tenu à préciser que si en Europe l'if a longtemps été lié à l'ornementation des cimentières, il n'en demeure pas moins qu'il est à l'origine d'un médicament anticancéreux. En effet, sa sève, aussi toxique qu'elle peut l'être, figure dans la composition de ce médicament du nom de «Taxotère» qui a fait ses preuves dans le traitement du cancer du sein métastasé.

Aussi, conclut-il, la toxicité de l'if n'a pas échappé à l'inspiration de certains auteurs tels qu'un grand Shakespeare racontant l'empoisonnement du père de Hamlet (Macbeth, acte IV, scène 1) ou d'une illustre Agatha Christie qui, dans son roman «Une poignée de seigle», fait appel à la taxine pour l'intoxication de l'un de ses personnages.

Ne peut-on pas le considérer comme arbre remarquable et le protéger ? L'if répond à tous les critères d'un classement possible.
Sa rareté d'abord lui confère une place privilégiée, ensuite sa longévité, ses dimensions et pourquoi pas son esthétique voire ses propriétés médicinales ?
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