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Les acheteurs à la merci des promoteurs

En cette période de pénurie, le "noir" atteint jusqu'à 50% de la valeur du bien
C'est un fait aujourd'hui. Les prix de l'immobilier flambent et la demande dépasse largement l'offre. Conséquence : acquérir un logement sans y mettre le prix relève

Les acheteurs à la merci des promoteurs
C'est de la folie ! On ne pourra jamais acheter un appartement. Sans parler du fait qu'il faut en plus avancer une grosse somme qu'on risque de perdre si jamais on est victime d'une arnaque», s'exclame Jawad à la recherche d'un appartement depuis deux ans.

Le "Noir", le pire cauchemar des acheteurs, fait souvent voler le rêve en éclats. «On avait enfin trouvé l'appartement de nos rêves : deux chambres, double salon, terrasse… Mais très vite on a dû déchanter. Le promoteur a exigé 40% de noir. On n'avait pas cette somme et même si on voulait prendre un crédit à la consommation, on allait se retrouver cribler de dettes. On a laissé tomber», témoigne Souad.
Les exemples de ce genre sont nombreux.

Certains pour réaliser leur rêve vendent leur voiture, empruntent auprès de la famille, ou ont recours à un crédit à la consommation. Et même quand ils trouvent la solution, rien ne garantit qu'ils auront ce qu'ils veulent du fait que sur le terrain de nombreuses arnaques se produisent car au niveau juridique, le noir n'existe pas ni dans le dahir des obligations et des contrats ni dans le code de commerce. Et étant donné qu'il s'agit d'un montant que l'acquéreur d'un bien immobilier ou foncier paie et ne déclare pas aux services de l'enregistrement, c'est-à-dire au fisc, en cas d'escroquerie, le citoyen ne peut rien faire si ce n'est pleuré sur son sort.

Leila et Mourad, un jeune couple, en ont fait les frais. Après plusieurs mois de recherche, ils ont enfin trouvé la perle rare. Après moult négociations, ils se sont mis d'accord sur la valeur déclarée et le noir qui représentait 30%. «Normalement on devait nous livrer le bien immobilier deux mois après. Mais au moment de la livraison, le promoteur était introuvable. Il s'est tout simplement volatilisé avec notre argent. Et légalement nous ne pouvions rien faire.

Ce n'est pas que pur hasard que nous l'avions retrouvé et suite à plusieurs menaces, il nous a enfin livré notre appartement», explique Mourad. Un autre couple, Amal et Mehdi, a failli lui aussi être victime d'une arnaque. «On avait fixé la date du rendez-vous pour la signature du compromis de vente et la remise du noir, deux semaines à l'avance. Mais au moment de se rendre chez le notaire, le promoteur a voulu qu'on lui remette l'argent, soit 440.000 DH avant même que l'on puisse lire le compromis.

Quand on a refusé, il s'est tout simplement levé et a déclaré qu'il ne souhaite plus vendre à des personnes qui ne lui faisaient pas confiance. Comme s'il s'agissait de confiance. C'est d'argent dont il est question. Et honnêtement, je ne comprends pas que l'Etat ne fasse rien pour réguler cette histoire et que des promoteurs puissent faire leurs magouilles en plein jour», exprime Mehdi.

Pire que ça, c'est quand le notaire qui, en tant qu'officier public a pour mission d'assurer la sécurité juridique et contractuelle et d'appliquer la loi, assiste lui aussi à la transaction illégale. «Juste après la signature du compromis, le promoteur a demandé de lui verser le noir devant le notaire qui s'est juste retourné pour ne pas voir la transaction. Mais en réalité il a tout vu et tout entendu. Donc indirectement il a cautionné l'illégalité», affirme un jeune acheteur.
D'après des spécialités en la matière, aujourd'hui, la partie du noir réclamée par les promoteurs varie entre 30 et 40%, quoique certains demandent parfois jusqu'à 50%.

«Et malheureusement, il n'y a pas de solution. Cette pratique illégale, parce que relevant de la fraude fiscale, est largement répandue au Maroc, surtout depuis que les banques ont commencé à appliquer des taux plus bas et des financements plus souples», explique un notaire qui a préféré garder l'anonymat. En effet, aujourd'hui tout le monde, promoteur immobilier, banques…, s'y est adapté d'une manière ou d'une autre.

Les institutions financières, bien structurées évidemment, ont trouvé l'astuce pour ne pas bloquer un filon juteux de leur métier. De plus en plus, le crédit logement intègre le noir parmi ces paramètres de négociation. Mais bien sûr, le terme «noir» n'est jamais mentionné. Donc en plus du prêt immobilier à hauteur de la valeur déclarée dans le contrat de vente, un prêt est accordé pour soi-disant financer l'aménagement, les frais d'enregistrement… Certaines banques vont même plus loin puisqu'elles financent à hauteur de 125%.

«En réalité, seul l'Etat peut remédier à cela en mettant en place des sanctions immédiates pour les promoteurs véreux. Le ministère des Finances a des inspecteurs assermentés et eux seuls sont autorisés à faire des inspections auprès des promoteurs», poursuit notre notaire. En attendant, la pratique suit son cour normal avec la complicité de tous : promoteur, l'acquéreur et les pouvoirs publics et aucun recours n'est encore prévu pour faire face à ce genre de délit ! Et cette pratique ne pourra être éradiquée que si l'offre augmente et dépasse la demande.

Or ces temps-là sont révolus. Tous les pronostics tendent vers une augmentation encore plus importante des prix de l'immobilier. Et entre-temps, le consommateur, lui n'a pas d'autre choix que celui de se résigner et de se soumettre au diktat des promoteurs !
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Pourquoi le dessous-de-table ?

En réalité, rien ne justifie cette pratique illégale, mais comme toujours certains trouvent des réponses à tout. Et cette fois-ci ce sont les promoteurs qui essayent de se justifier. En fait, pour eux, le noir compense ce qu'ils ont dépensé hors facture, notamment la partie non déclarée qu'ils ont dû débourser pour l'acquisition du terrain, qui peut se chiffrer en millions de dirhams.

Viennent ensuite les procédures administratives : dérogation, autorisation de construire, permis d'habiter... De nombreux promoteurs affirment qu'il faut payer pour obtenir toutes les autorisations et accélérer la machine administrative. Et enfin la troisième raison qui fait que le noir continue à être pratiqué est le fait que de nombreux fournisseurs continuent encore à travailler dans l'informel.
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Pas de noir dans le social !

Aujourd'hui, pour échapper à la pratique du noir, le consommateur n'a pas d'autre choix que de s'orienter vers le logement économique et social ou vers les transactions réalisées par quelques sociétés de promotion immobilière assez structurées.

Dans le premier cas, pour pouvoir bénéficier de l'exonération de la TVA (régime spécial applicable aux logements économique et social), les promoteurs sont obligés de passer par des appels d'offres et donc de faire appel à des fournisseurs structurés qui émettent une facture en bonne et due forme.

La procédure est donc transparente. Dans le second cas, il s'agit le plus souvent de grands groupes immobiliers qui ont opté pour la transparence, tels que la CGI, le groupe Doha, Chaâbi… D'ailleurs, le ministère chargé de l'Habitat et de l'Urbanisme ne cesse d'augmenter la production de l'habitat social. Et d'après certains représentants de ce ministère, des campagnes de sensibilisation sont menées au niveau des délégations régionales et provinciales.
Quoique certains ménages soient parfois obligés de payer un petit plus.
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