LE MATIN : Vous étiez en poste au Maroc, il y a 27 ans. Vous y êtes à nouveau. Quels sont les changements que vous avez remarqués ? Que voudriez-vous faire évoluer dans les relations entre le Maroc et la France ?
JEAN-FRANCOIS THIBAULT : Revenir vingt-sept ans après, en tant qu'ambassadeur, dans ce pays que j'avais connu étant jeune diplomate, est pour moi un immense plaisir. En trois décennies, le Maroc a réalisé des progrès considérables. La chance que j'ai de pratiquer la langue arabe me permet, je crois, de les appréhender dans leur diversité.
J'étais récemment directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d'Orsay et je suivais ainsi de près la situation au Maroc. Mais j'ai constaté sur place des choses qui ont confirmé ma perception parisienne : la très grande mobilisation des autorités, sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en faveur de la croissance et du développement, qui se voit jusque dans la physionomie des villes. Je suis arrivé à la fin du mois de juin. C'est peu, mais j'ai déjà visité quelques-unes des grandes agglomérations du pays (Casablanca, Tanger, Fès, Meknès, Agadir, Marrakech), et rencontré de nombreux responsables. Partout, de grands projets d'aménagement, d'ambitieux programmes d'équipement, de logement, sont visibles.
Que faut-il développer dans les relations franco-marocaines ? Les mettre toujours davantage au service de cette ambition de développement. J'ai présidé, aux côtés des ministres des Finances et de l'Aménagement du territoire, le 27 juillet dernier, la cérémonie de signature de deux prêts de l'Agence française de Développement : un de 30 millions d'euros, qui permettra au programme national d'accès à l'eau potable de toucher 500.000 citoyens marocains supplémentaires, et un autre, de 45 millions d'euros, qui étendra le programme d'électrification à 56.000 foyers de plus. Ces contributions s'inscrivent donc dans les grands programmes sectoriels marocains et s'adressent aux priorités fixées par l'Initiative nationale pour le développement humain.
Le président Jacques Chirac a effectué il y a tout juste trois ans une visite d'Etat au Maroc pour, comme il l'avait dit devant le Parlement à Rabat, apporter le soutien de la France dans la voie que s'est choisie le Maroc. Pour décliner cela en objectifs opérationnels, nos gouvernements se rencontrent tous les ans en séminaires co-présidés par le Premier ministre. Le prochain séminaire inter-gouvernemental se tiendra à Paris avant la fin de cette année, avec la participation d'un grand nombre de ministres et la signature de plusieurs accords.
Le calendrier électoral fait coïncider d'importantes échéances dans les deux pays. Cela peut-il changer la donne quant aux relations bilatérales ?
Les élections présidentielles et législatives en France et législatives au Maroc, sont prévues à des périodes proches dans le temps. Les débats politiques internes qui auront lieu dans chacun de nos pays seront attentivement suivis de part et d'autre. L'histoire commune, l'imbrication très forte de nos populations, 800.000 Marocains en France, 30.000 Français immatriculés au Maroc, des déplacements saisonniers constants entre nos deux territoires, expliquent cet intérêt.
Mais il faut se souvenir d'une observation que faisait le défunt Roi Hassan II : «Nous vous connaissons beaucoup mieux que vous ne nous connaissez.» Oui, comme je vous le disais en introduction, les évolutions en cours au Maroc pourraient être mieux connues en France. Les élections dans nos deux pays seront une occasion supplémentaire de faire progresser notre compréhension commune et, je crois, cet esprit de respect mutuel et de partenariat qui fait la spécificité de notre relation.
Il a fallu attendre le film «Indigènes» pour que la France décide d'aligner les pensions des anciens combattants étrangers, et marocains en particulier, sur celles de leurs frères d'armes français: n'est-ce pas un peu tard ?
Le film «Indigènes», qui a reçu un accueil très favorable au Maroc, témoigne une fois de plus de cette capacité qu'ont nos deux pays de travailler ensemble sur leur histoire, pour ancrer toujours plus solidement leur amitié. Il faut rendre hommage à ce film, qui a effectivement fait prendre conscience d'un problème et accéléré ce qu'on appelle la «décristallisation» des pensions. Mais n'oubliez pas que le processus avait commencé en 2002, lorsque le gouvernement avait aligné le pouvoir d'achat des différentes pensions selon le principe de parité appliqué par l'Onu. Dès le 14 juillet 2006, le président Jacques Chirac a demandé au gouvernement d'aller plus loin.
Le Conseil des ministres du 27 septembre 2006 a décidé de décristalliser totalement les «prestations du feu» (la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité).
Tous pays confondus, plus de 56.600 bénéficiaires de la retraite du combattant et environ 27.000 titulaires de pensions militaires d'invalidité vont voir les montants de leurs prestations alignés sur les montants réglés aux Français. Ils seront désormais absolument égaux en valeur nominale pour tous les anciens combattants de l'armée française, en témoignage de notre respect et de notre reconnaissance.
De plus en plus de Marocains se voient refuser l'accès à l'école française. La France serait-elle en train de fermer les portes de son système d'éducation aux Marocains ? Quelles en sont les raisons?
Je suis personnellement très sensible à la volonté des familles marocaines qui souhaitent scolariser leurs enfants dans notre système et aux difficultés qu'elles rencontrent. Le problème n'est pas nouveau. Comme vous le savez, depuis plusieurs années, le Maroc attire les investisseurs français, de même que des doubles nationaux reviennent s'installer au Maroc.
Depuis six ans, le nombre d'élèves français ayant droit à une inscription dans les établissements de l'AEFE (Agence pour l'enseignement du français à l'étranger) a tellement augmenté (+30 %) qu'il devient très difficile de satisfaire la demande marocaine, admissible sur concours. Notre mission prioritaire de service public, qui est celle de scolariser les élèves français, freine aujourd'hui, et c'est regrettable, notre objectif de coopération qui consiste à former de jeunes Marocains. Car nos moyens ne sont pas illimités et une partie importante de notre coopération bilatérale vise à renforcer le système éducatif marocain, pour lui permettre de prendre le relais (formation des formateurs, appui à l'élaboration des programmes, évolution des structures du ministère).
Conscients néanmoins de la très forte demande des familles marocaines, nous avons cette année réalisé un effort sans précédent en créant huit nouvelles classes, ou divisions, qui ont permis à 299 Marocains d'être admis à l'AEFE. Le réseau de la Mission laïque, de qualité identique à celui de l'AEFE (mêmes enseignants, mêmes programmes), a lui aussi connu une croissance importante de ses effectifs (+7 %). Si l'on ajoute à cela les quatre établissements privés homologués de Casablanca, nous sommes à 23.500 élèves scolarisés dans 28 établissements homologués par l'Education nationale française, et 63,6 % de ces élèves, soit 15.000, sont de nationalité marocaine, sans compter les doubles nationaux.
Beaucoup de présidents des régions françaises ont visité le Royaume l'année dernière. La France serait-elle tentée d'exporter son modèle de décentralisation ?
Monarchie pluriséculaire, le Maroc dispose déjà d'une tradition administrative solide et c'est ce qui lui permet de tirer bénéfice des coopérations engagées avec ses voisins. La France, Etat traditionnellement centralisateur, réalise depuis bientôt un quart de siècle l'expérience d'une décentralisation plutôt réussie. C'est donc dans un esprit de partenariat que s'effectuent les nombreuses visites dont vous parlez : elles se traduisent par des réalisations concrètes, comme par exemple la Maison de l'élu, ouverte à Rabat avec le concours de la région Rhône-Alpes pour renforcer les capacités des édiles marocains.
Et nos gouvernements souhaitent donner toujours plus d'ampleur à ces échanges non gouvernementaux. Nos deux Premiers ministres ont signé il y a deux ans un «Programme d'Appui à la Décentralisation» au Maroc, d'un montant de 4,6 millions d'euros, pour, notamment, aider les collectivités locales marocaines à mettre en œuvre leurs propres projets. Vous vous en souvenez, un «Forum civil de partenariat» a rassemblé en janvier dernier à Skhirat 500 représentants de nos deux sociétés civiles, collectivités locales, mais aussi ONG, entreprises et universités pour enrichir leurs projets.
Tout dernièrement, au mois de septembre, une délégation de l'Association des régions de France s'est rendue au Maroc pour dynamiser et multiplier les partenariats qui existent déjà entre dix régions françaises et dix régions marocaines.
Il y a eu une polémique en France concernant les délocalisations d'entreprises, notamment au Maroc. Cela peut-il être une menace pour l'investissement français au Maroc ?
La France est le premier partenaire économique du Maroc et leurs relations économiques ne sont pas à sens unique : elles bénéficient aux deux pays. C'est l'esprit dans lequel travaille le groupe d'impulsion économique franco-marocain, créé par nos deux Premiers ministres en septembre 2005 et animé par Mustapha Bakouri et Jean-René Fourtou. J'ai assisté à sa dernière réunion, présidée à Rabat par Driss Jettou, à Rabat le 30 juin dernier.
Elle a été l'occasion d'identifier, voire de confirmer, un grand nombre de projets d'investissement qui s'inspirent d'une approche gagnant-gagnant. Plus de 500 filiales d'entreprises françaises sont implantées au Maroc, où elles emploient environ 65.000 personnes. 2005 a été une très bonne année pour nos deux pays. Les investissements français ont représenté 75 % des investissements directs étrangers dans le Royaume, les échanges franco-marocains sont repartis à la hausse (+5 %) pour atteindre 5,6 milliards d'euros et le solde de la balance commerciale franco-marocaine est resté positif (414 milliards d'euros).
Nos exportations vers le Royaume ont augmenté de 9 %, franchissant pour la première fois la barre des 3 milliards d'euros. Avec 18 % de parts de marchés, notre pays reste donc le premier fournisseur du Maroc mais aussi son premier client : nous absorbons 30 % des exportations marocaines, soit 2,6 milliards d'euros. Pardon pour tous ces chiffres, mais ils montrent, je crois, que ce partenariat économique est en plein renforcement, et sur une base mutuellement bénéfique.
Pour ce qui est des visas, beaucoup de bruits courent concernant les visas biométriques. Qu'en est-il réellement ?
Le Maroc, qui connait aujourd'hui un phénomène d'immigration le concernant directement, comme la France qui le vit depuis longtemps et à bien plus grande échelle, sait la sensibilité qui s'attache aux questions de politique migratoire. En France, la loi prévoit dorénavant de lutter contre la fraude au moyen de la biométrie. Il s'agit tout autant d'assurer l'ordre public que de protéger les visiteurs étrangers contre l'usurpation de leur identité.
Cette expérimentation, lancée dans un cadre européen sous le nom de Biodev en 2005, s'appliquera à tous nos postes diplomatiques et consulaires d'ici 2008. Au Maroc, la mesure entrera en vigueur mardi 14 novembre prochain dans nos consulats généraux à Casablanca, Rabat et Marrakech, avant d'être étendue aux trois autres consulats.
Cela signifie que toutes les personnes titulaires d'un passeport nécessitant un visa (passeport ordinaire ou passeport de service) devront se présenter pour déposer leurs empreintes digitales et se faire prendre en photo. Naturellement, un accueil personnalisé sera réservé aux hauts responsables du secteur public ou du secteur privé qui autrefois faisaient déposer leurs demandes par des intermédiaires.
JEAN-FRANCOIS THIBAULT : Revenir vingt-sept ans après, en tant qu'ambassadeur, dans ce pays que j'avais connu étant jeune diplomate, est pour moi un immense plaisir. En trois décennies, le Maroc a réalisé des progrès considérables. La chance que j'ai de pratiquer la langue arabe me permet, je crois, de les appréhender dans leur diversité.
J'étais récemment directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d'Orsay et je suivais ainsi de près la situation au Maroc. Mais j'ai constaté sur place des choses qui ont confirmé ma perception parisienne : la très grande mobilisation des autorités, sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en faveur de la croissance et du développement, qui se voit jusque dans la physionomie des villes. Je suis arrivé à la fin du mois de juin. C'est peu, mais j'ai déjà visité quelques-unes des grandes agglomérations du pays (Casablanca, Tanger, Fès, Meknès, Agadir, Marrakech), et rencontré de nombreux responsables. Partout, de grands projets d'aménagement, d'ambitieux programmes d'équipement, de logement, sont visibles.
Que faut-il développer dans les relations franco-marocaines ? Les mettre toujours davantage au service de cette ambition de développement. J'ai présidé, aux côtés des ministres des Finances et de l'Aménagement du territoire, le 27 juillet dernier, la cérémonie de signature de deux prêts de l'Agence française de Développement : un de 30 millions d'euros, qui permettra au programme national d'accès à l'eau potable de toucher 500.000 citoyens marocains supplémentaires, et un autre, de 45 millions d'euros, qui étendra le programme d'électrification à 56.000 foyers de plus. Ces contributions s'inscrivent donc dans les grands programmes sectoriels marocains et s'adressent aux priorités fixées par l'Initiative nationale pour le développement humain.
Le président Jacques Chirac a effectué il y a tout juste trois ans une visite d'Etat au Maroc pour, comme il l'avait dit devant le Parlement à Rabat, apporter le soutien de la France dans la voie que s'est choisie le Maroc. Pour décliner cela en objectifs opérationnels, nos gouvernements se rencontrent tous les ans en séminaires co-présidés par le Premier ministre. Le prochain séminaire inter-gouvernemental se tiendra à Paris avant la fin de cette année, avec la participation d'un grand nombre de ministres et la signature de plusieurs accords.
Le calendrier électoral fait coïncider d'importantes échéances dans les deux pays. Cela peut-il changer la donne quant aux relations bilatérales ?
Les élections présidentielles et législatives en France et législatives au Maroc, sont prévues à des périodes proches dans le temps. Les débats politiques internes qui auront lieu dans chacun de nos pays seront attentivement suivis de part et d'autre. L'histoire commune, l'imbrication très forte de nos populations, 800.000 Marocains en France, 30.000 Français immatriculés au Maroc, des déplacements saisonniers constants entre nos deux territoires, expliquent cet intérêt.
Mais il faut se souvenir d'une observation que faisait le défunt Roi Hassan II : «Nous vous connaissons beaucoup mieux que vous ne nous connaissez.» Oui, comme je vous le disais en introduction, les évolutions en cours au Maroc pourraient être mieux connues en France. Les élections dans nos deux pays seront une occasion supplémentaire de faire progresser notre compréhension commune et, je crois, cet esprit de respect mutuel et de partenariat qui fait la spécificité de notre relation.
Il a fallu attendre le film «Indigènes» pour que la France décide d'aligner les pensions des anciens combattants étrangers, et marocains en particulier, sur celles de leurs frères d'armes français: n'est-ce pas un peu tard ?
Le film «Indigènes», qui a reçu un accueil très favorable au Maroc, témoigne une fois de plus de cette capacité qu'ont nos deux pays de travailler ensemble sur leur histoire, pour ancrer toujours plus solidement leur amitié. Il faut rendre hommage à ce film, qui a effectivement fait prendre conscience d'un problème et accéléré ce qu'on appelle la «décristallisation» des pensions. Mais n'oubliez pas que le processus avait commencé en 2002, lorsque le gouvernement avait aligné le pouvoir d'achat des différentes pensions selon le principe de parité appliqué par l'Onu. Dès le 14 juillet 2006, le président Jacques Chirac a demandé au gouvernement d'aller plus loin.
Le Conseil des ministres du 27 septembre 2006 a décidé de décristalliser totalement les «prestations du feu» (la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité).
Tous pays confondus, plus de 56.600 bénéficiaires de la retraite du combattant et environ 27.000 titulaires de pensions militaires d'invalidité vont voir les montants de leurs prestations alignés sur les montants réglés aux Français. Ils seront désormais absolument égaux en valeur nominale pour tous les anciens combattants de l'armée française, en témoignage de notre respect et de notre reconnaissance.
De plus en plus de Marocains se voient refuser l'accès à l'école française. La France serait-elle en train de fermer les portes de son système d'éducation aux Marocains ? Quelles en sont les raisons?
Je suis personnellement très sensible à la volonté des familles marocaines qui souhaitent scolariser leurs enfants dans notre système et aux difficultés qu'elles rencontrent. Le problème n'est pas nouveau. Comme vous le savez, depuis plusieurs années, le Maroc attire les investisseurs français, de même que des doubles nationaux reviennent s'installer au Maroc.
Depuis six ans, le nombre d'élèves français ayant droit à une inscription dans les établissements de l'AEFE (Agence pour l'enseignement du français à l'étranger) a tellement augmenté (+30 %) qu'il devient très difficile de satisfaire la demande marocaine, admissible sur concours. Notre mission prioritaire de service public, qui est celle de scolariser les élèves français, freine aujourd'hui, et c'est regrettable, notre objectif de coopération qui consiste à former de jeunes Marocains. Car nos moyens ne sont pas illimités et une partie importante de notre coopération bilatérale vise à renforcer le système éducatif marocain, pour lui permettre de prendre le relais (formation des formateurs, appui à l'élaboration des programmes, évolution des structures du ministère).
Conscients néanmoins de la très forte demande des familles marocaines, nous avons cette année réalisé un effort sans précédent en créant huit nouvelles classes, ou divisions, qui ont permis à 299 Marocains d'être admis à l'AEFE. Le réseau de la Mission laïque, de qualité identique à celui de l'AEFE (mêmes enseignants, mêmes programmes), a lui aussi connu une croissance importante de ses effectifs (+7 %). Si l'on ajoute à cela les quatre établissements privés homologués de Casablanca, nous sommes à 23.500 élèves scolarisés dans 28 établissements homologués par l'Education nationale française, et 63,6 % de ces élèves, soit 15.000, sont de nationalité marocaine, sans compter les doubles nationaux.
Beaucoup de présidents des régions françaises ont visité le Royaume l'année dernière. La France serait-elle tentée d'exporter son modèle de décentralisation ?
Monarchie pluriséculaire, le Maroc dispose déjà d'une tradition administrative solide et c'est ce qui lui permet de tirer bénéfice des coopérations engagées avec ses voisins. La France, Etat traditionnellement centralisateur, réalise depuis bientôt un quart de siècle l'expérience d'une décentralisation plutôt réussie. C'est donc dans un esprit de partenariat que s'effectuent les nombreuses visites dont vous parlez : elles se traduisent par des réalisations concrètes, comme par exemple la Maison de l'élu, ouverte à Rabat avec le concours de la région Rhône-Alpes pour renforcer les capacités des édiles marocains.
Et nos gouvernements souhaitent donner toujours plus d'ampleur à ces échanges non gouvernementaux. Nos deux Premiers ministres ont signé il y a deux ans un «Programme d'Appui à la Décentralisation» au Maroc, d'un montant de 4,6 millions d'euros, pour, notamment, aider les collectivités locales marocaines à mettre en œuvre leurs propres projets. Vous vous en souvenez, un «Forum civil de partenariat» a rassemblé en janvier dernier à Skhirat 500 représentants de nos deux sociétés civiles, collectivités locales, mais aussi ONG, entreprises et universités pour enrichir leurs projets.
Tout dernièrement, au mois de septembre, une délégation de l'Association des régions de France s'est rendue au Maroc pour dynamiser et multiplier les partenariats qui existent déjà entre dix régions françaises et dix régions marocaines.
Il y a eu une polémique en France concernant les délocalisations d'entreprises, notamment au Maroc. Cela peut-il être une menace pour l'investissement français au Maroc ?
La France est le premier partenaire économique du Maroc et leurs relations économiques ne sont pas à sens unique : elles bénéficient aux deux pays. C'est l'esprit dans lequel travaille le groupe d'impulsion économique franco-marocain, créé par nos deux Premiers ministres en septembre 2005 et animé par Mustapha Bakouri et Jean-René Fourtou. J'ai assisté à sa dernière réunion, présidée à Rabat par Driss Jettou, à Rabat le 30 juin dernier.
Elle a été l'occasion d'identifier, voire de confirmer, un grand nombre de projets d'investissement qui s'inspirent d'une approche gagnant-gagnant. Plus de 500 filiales d'entreprises françaises sont implantées au Maroc, où elles emploient environ 65.000 personnes. 2005 a été une très bonne année pour nos deux pays. Les investissements français ont représenté 75 % des investissements directs étrangers dans le Royaume, les échanges franco-marocains sont repartis à la hausse (+5 %) pour atteindre 5,6 milliards d'euros et le solde de la balance commerciale franco-marocaine est resté positif (414 milliards d'euros).
Nos exportations vers le Royaume ont augmenté de 9 %, franchissant pour la première fois la barre des 3 milliards d'euros. Avec 18 % de parts de marchés, notre pays reste donc le premier fournisseur du Maroc mais aussi son premier client : nous absorbons 30 % des exportations marocaines, soit 2,6 milliards d'euros. Pardon pour tous ces chiffres, mais ils montrent, je crois, que ce partenariat économique est en plein renforcement, et sur une base mutuellement bénéfique.
Pour ce qui est des visas, beaucoup de bruits courent concernant les visas biométriques. Qu'en est-il réellement ?
Le Maroc, qui connait aujourd'hui un phénomène d'immigration le concernant directement, comme la France qui le vit depuis longtemps et à bien plus grande échelle, sait la sensibilité qui s'attache aux questions de politique migratoire. En France, la loi prévoit dorénavant de lutter contre la fraude au moyen de la biométrie. Il s'agit tout autant d'assurer l'ordre public que de protéger les visiteurs étrangers contre l'usurpation de leur identité.
Cette expérimentation, lancée dans un cadre européen sous le nom de Biodev en 2005, s'appliquera à tous nos postes diplomatiques et consulaires d'ici 2008. Au Maroc, la mesure entrera en vigueur mardi 14 novembre prochain dans nos consulats généraux à Casablanca, Rabat et Marrakech, avant d'être étendue aux trois autres consulats.
Cela signifie que toutes les personnes titulaires d'un passeport nécessitant un visa (passeport ordinaire ou passeport de service) devront se présenter pour déposer leurs empreintes digitales et se faire prendre en photo. Naturellement, un accueil personnalisé sera réservé aux hauts responsables du secteur public ou du secteur privé qui autrefois faisaient déposer leurs demandes par des intermédiaires.
