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Education : A l'école Malki… des classes pas comme les autres

Enfants malentendants et trisomiques y ont droit à l'enseignement
Dix h 30. Ecole Malki à Sidi Bernoussi à Casablanca. Une ambiance paisible baigne l'établissement en cette journée printanière pluvieuse. Les flaques d'eau dans la cour de récréat

Education : A l'école Malki… des classes pas comme les autres
L'école Malki est bien ancrée dans notre époque. Elle est même en avance sur d'autres établissements d'allure plus huppée. Et pour cause. Cette petite institution scolaire, enfouie au cœur du quartier tumultueux de Sidi Bernoussi compte en son sein deux classes intégrées pour les handicapés.

La première créée en 1999 accueille les enfants trisomiques et l'autre, beaucoup plus récente, a ouvert ses portes il y a à peine deux mois. Toutes les deux doivent leur notoriété à la rareté de ce type d'établissements et aux résultats probants qu'ils obtiennent avec ces enfants aux besoins spécifiques.

Ces cours démarrent à 9h pour se terminer à 12h du lundi au vendredi.
D'entrée en classe, le visiteur remarque indubitablement que quelque chose lui manque. Le salut collectif de bienvenue, rituel respecté religieusement par les élèves, ne se fait pas entendre. Même le directeur de l'école n'y a pas droit. Silencieuse est cette révérence tout comme le monde dans lequel vit ces élèves. Silence, les enfants malentendants étudient! Sur le grand tableau noir, des lettres en rouge et en noir trônent à côté de photos figurant des gestes de la main. A chaque lettre correspond un signe. Quand aux mots, ils sont représentés carrément par des images, seules références visuelles que ces élèves peuvent identifier.

Au milieu de la classe, Rachida Mkahli donne son cours en toute sérénité. Elle demande à la petite Kenza de passer au tableau pour faire une démonstration de ses capacités en matière de lecture et d'écriture. Impeccable. Pour lire ou plutôt désigner les mots indiqués par la maîtresse, la petite associe, non sans difficulté, son et geste.
Aussi studieux que sa camarade, Abdelilah fait montre d'une grande intelligence et d'une capacité exemplaire à assimiler ses cours.

On imagine le grand travail de mémorisation qui a été derrière cet exploit et le nombre infini de fois où ces lettres ont été répétées encore et encore. «Mon cours est basé sur l'apprentissage du langage des signes et sur la prononciation. Un travail de longue haleine puisque ces enfants oublient vite», explique Rachida Mkahli. «Je leur apprend également à écrire. Dans ma démarche, je m'appuie sur le manuel du secrétariat d'Etat chargé de la Famille, de l'Enfance et des Personnes handicapées. Toutefois, c'est moi-même qui élabore mon propre programme en m'inspirant de la méthodologie normale, tout en introduisant le langage des signes», ajoute-t-elle.

Dans cette classe de 12 élèves, dont l'âge est entre 9 et 17 ans, les niveaux sont très variés. Ceux qui ont l'opportunité d'apprendre à un âge précoce ont plus de chance d'avancer plus vite. En fait Rachida aurait aimé que l'âge des élèves ne dépasse pas 11 ans, qu'elle ait une formation plus approfondie, et un nombre plus réduit d'élèves ou du moins qu'elle soit aidée par une assistante…. Des souhaits qu'elle espère voir un jour se concrétiser. Mais le plus difficile pour elle, c'est qu'elle soit obligée de traiter ses élèves au cas par cas. Quand ces derniers atterrissent dans son cours, ils sont complètement dépaysés.

L'école constitue leur première sortie sociale. Ils ne savent pas comment se comporter avec leurs copains ni comment se tenir ? Certains d'entre eux manifestent même une attitude agressive et ont besoin d'une plus longue période d'adaptation. C'est notamment le cas de certains élèves qu'elle reçoit de la classe voisine. Celle consacrée aux trisomiques. «Ma mission requiert beaucoup de patience. Il faut éviter de fâcher les enfants par peur de les décourager et de les pousser à tout abandonner.

Mais le plus dur, c'est de surpasser leur surdité. Si seulement ils avaient des appareils auditifs, cela nous aurait un peu facilité la tâche», déplore Rachida. En effet, les enfants atteints de surdité totale sont les plus difficiles à traiter. Pour les aider à prononcer les lettres, notre institutrice recourt à tous les moyens pour leur expliquer les organes à utiliser. C'est en fonction de leur dossier, qui informe sur leur degré de surdité, qu'elle décide de la méthode à adopter.

Forte des résultats qu'elle a obtenus en deux mois, Rachida attend avec impatience l'arrivée du matériel auditif que le secrétariat d'Etat pourrait envoyer aux élèves. En attendant, la classe continue pour atteindre ses objectifs d'intégration.

Sortir les trisomiques de l'isolement
A quelques pas de la classe des malentendants, la classe des trisomiques est moins remplie mais non moins animée. «La pluie est souvent à l'origine des absences des élèves. Ils sont fragiles et craignent le froid. Leurs familles préfèrent les garder pour les protéger», justifie Jamila Sebbahi, responsable de la classe. Et pourtant, Souleiman, un petit garçon plein de vie et Nora sa camarade ne manquent pas à l'appel. Ces élèves assidus refusent de s'absenter.

Souleiman, le chouchou de la classe, s'agite dans tous les sens, touche à tout, dessine, joue, sautille … Très éveillé, il récite, en une traite, les jours de la semaine et les saisons de l'année en arabe et en français. Avec Nora, ils jouent à qui indiquera les couleurs plus vite que son camarade. Une rivalité bon-enfant transparait dans leurs rapports. Tout les deux ont en commun l'amour de l'école. Quand on demande à Nora ce qu'elle en pense, elle répond par un «super», spontané et détaché, sans prendre le temps de réfléchir.

Il faut dire que l'espace a été aménagé de manière à les attirer. L'institutrice s'est surpassée pour faire de sa classe une véritable grotte d'Ali Baba où il fait bon s'amuser. Un décor féerique sorti, tout droit, d'une bande dessinée où l'agréable ne chasse pas l'utile. Télé, lecteur DVD et vidéo y sont placés à côté des jouets. Ils ont été offerts par le ministère de tutelle et l'Association des parents d'élèves de l'établissement. Quant à l'aménagement de la classe, la peinture et le lavabo ont été offerts par une délégation néerlandaise qui vient en aide aux trisomiques.

Autour d'une table installée au milieu de la salle, les enfants s'affairent à rassembler des puzzles, à jouer avec des cubes et autres formes géométriques. Ces enfants adorent jouer. L'apprentissage des mots, des chiffres, des couleurs…Tout se fait de manière ludique.
Peu de temps après, d'autres élèves débarquent. Des visages familiers qui ont quitté la classe des malentendants pour rejoindre celle des trisomiques. Il s'agit, en fait, d'enfants attardés mentaux, que la maîtresse envoie à la classe voisine pour renforcer leurs acquis en lecture et en écriture.

Dernier arrivé, Abdessamad, un garçon qui a pu intégrer une classe normale de l'école offrant ainsi l'exemple de l'aboutissement du projet. Ce qui dénote également un grand progrès par rapport au début de cette classe. Il fut une époque (qui n'est malheureusement pas complètement révolue) où les enfants normaux craignaient les trisomiques et ne les approchaient pas dans la cour. Pour réduire le hiatus entre les deux, la maîtresse ouvre les portes de sa classe aux élèves normaux pour créer des liens amicaux entre tout le monde.

Adoptant la même démarche que sa collègue, Jamila adapte son programme aux capacités et aux difficultés de ses élèves. «Entre ceux qui apprennent vite et ceux qui ont besoin de plus de temps, il faut trouver la bonne formule», signale-t-elle. Puisant dans les enseignements d'une formation de 20 jours qu'elle a eue à Settat, elle apprend à répondre aux besoins des enfants à travers son expérience. Sa formation étant axée sur le côté médical du handicap de ses élèves, elle tente de trouver, elle-même, des réponses pédagogiques.

En somme, elle est convaincue que tout le monde tâtonne dans ce domaine.
«Le but de cette classe est de permettre à ces enfants de s'intégrer dans la société et non de devenir médecins ou ingénieurs», précise-t-elle.
De ce fait, la hantise de Jamila est que ces enfants se perdent dans la nature une fois sortis de l'école.
Le manque de suivi et de prise en charge adéquate lui fait craindre le pire et surtout se poser des questions sur l'utilité de cette classe.

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hronique d'une intégration annoncée

Tout a commencé quand la délégation du ministère de l'Education de Sidi Bernoussi a eu l'idée de créer des classes intégrées pour handicapés dans les écoles publiques. Elle choisi alors deux institutions : El Malki et Yakoub El Mansour. Après sélection, c'est la première qui a été retenue suite à un sondage qui a montré que cette école était l'institution la plus proche du plus grand nombre de trisomiques. C'est ainsi que la classe dédiée à l'enseignement des mongoliens fut créée en 1999.

Pour combler le besoin en encadrement, le ministère se charge de prodiguer une formation de courte durée aux cadres. «Cette classe a vu le jour grâce à l'aide de la délégation mais surtout à la volonté des formateurs et leur désir d'aider ces enfants», signale Mustapha Ennouni, directeur pédagogique et administratif de l'école.
Forte de cette expérience, l'école, soutenue par la délégation décide d'ouvrir une nouvelle classe intégrée, consacrée cette fois-ci aux sourds-muets. L'idée germe trois ans dans la tête des responsables avant qu'elle se concrétise le 17/01/2007, date de démarrage de la classe.

«Le bureau de communication procède à un contrôle continue de ces classes. L'année dernière, nous avons effectué une étude d'évaluation pour voir où en sont les élèves qui ont étudié chez nous. Résultat, 4 élèves ont été intégrés dans l'enseignement normal, depuis 1999», déclare M. Ennouni. Profitant de cette évaluation, son établissement pose le problème de suivi après les cours. En fait, l'enfant passe 6 ou 7 ans dans ces classes mais après ses horizons sont fermés. «Il faut que les responsables pensent à créer d'autres classes dans des lycées et collèges. Quand l'enfant atteint 14 ou 15 ans, il a besoin de formation», réclame-t-il.
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