Lourde en rancœur et en préjugés, la relation belle-mère/belle-fille n'est pas de tout repos. Avant de convoler en juste noces avec l'élu de son cœur, la mariée se pose d'abord la question de savoir si elle sera bien accueillie par sa belle-famille.
La belle-mère reste l'incontournable composante qui ne peut être soustraite à la relation conjugale. Elle s'impose, pèse de tout son poids sur le couple, débarque à des heures impossibles, squatte la maison, s'immisce dans ses affaires, fait entendre sa voix à coup de despotisme en profitant de son statut de mère. Pour elle, tous les moyens sont bons pour signifier clairement qu'elle est là et qu'elle n'est pas prête à lâcher prise. Que de mariages ont été annulés à cause de ces «sorcières de tous les temps», que de ménages ont été brisés par leurs «soins"!
«En me mariant avec Nadir, je ne savais pas à quoi je m'exposerai. Je ne connaissais pas sa mère mais d'après ce qu'il me racontait, j'avais compris qu'elle était possessive, une mère poule qui a continué à le couver même à un âge où il peut se passer de sa tutelle. Dans notre ménage, rien ne doit se faire sans son accord. Elle veut avoir le dernier mot sur la déco de la maison et s'octroie un droit de regard sur tout ce qui nous concerne, son fils et moi. Elle décide du moment où je dois avoir des enfants, des noms qu'ils vont porter et quand ils sont là, c'est elle qui dicte la manière dont il faut les éduquer.
Une manière de me faire comprendre que mon mari est avant tout son fils et qu'il en sera ainsi que je le veuille ou non. En fait, elle refuse d'admettre que ce sont des prérogatives qui lui échappent parce qu'étant de mon ressort à l'heure actuelle. C'est une concurrence dans laquelle je refuse de m'engager», se plaint Samira, employée de banque.
Dans cette relation particulière, le véritable enjeu est, donc, de savoir qui aura le dessus. La mère qui pense avoir un droit inaliénable sur son fils, continue de revendiquer sa «propriété» même après son mariage. La peur d'être rejetée la rend corrosive voire agressive envers celle qui prétend à une plus grande place dans le cœur de son fils. Celui-là même que la belle-fille considère comme «sien» désormais. Le règne de la belle-mère, ayant assez duré aux yeux de la belle-fille, devrait prendre fin et céder la place au sien. Meurtrie, la mère se sent oppressée et frustrée. Laquelle frustration est d'autant plus accentuée chez les mamans ayant un fils unique.
«Ma belle-mère est ma rivale. Elle ne supporte pas de voir son fils aux petits soins avec moi. Là, elle a des réactions de petite fille. A chaque fois qu'on décide de sortir, elle s'invite et nous gâche notre programme. S'il me fait un cadeau, elle lui fait la tête jusqu'à ce qu'il en fasse de même avec elle. J'ai l'impression d'avoir épousé mon mari et sa mère. Elle est tellement envahissante.»
De l'avis de Bouchaïb Karroumi, psychologue : «Cette relation houleuse est souvent inhérente à la nature des liens qui unissent le fils à sa maman.
Cette dernière occupe une place très importante dans sa vie et dans son cœur. Même adultes, certains garçons ont du mal à faire preuve d'une certaine indépendance surtout quand leur mère est autoritaire. Pour la belle-mère, il n'est pas question d'accepter qu'une autre femme lui prenne son enfant. Elle refuse cette relation qui s'installe entre lui et sa femme et dans laquelle son fils exhibe ses sentiments alors qu'avec elle, ils sont plus timides et moins exubérants.»
C'est dire qu'au fond de ce conflit, un sentiment de solitude, d'abandon voire de trahison du fils taraude la maman.
Bafouée dans son rôle de mère, elle est désormais confinée dans celui de belle-mère. Pour elle, il n'est pas question de partager son fils avec une autre. Le fils/mari est considéré comme une chasse gardée des deux femmes qui se livrent à une véritable guerre des territoires. Guerre déclarée mais aussi guerre psychologique.
«La belle-mère trouve toujours le moyen de me rabaisser devant tout le monde. Elle n'a jamais accepté le fait que son fils m'ait préférée à sa propre nièce. Cette dernière est évoquée à tout bout de champ pour sa virtuosité dans l'art culinaire, vu que je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un cordon bleu. Par contre, elle occulte toujours, à bon escient, le fait que je sois diplômée d'une grande école et que j'aie eu une carrière professionnelle assez intéressante», s'indigne Lamia, responsable communication.
La belle-mère a souvent quelque chose à reprocher à la femme qu'a choisie son fils. Elle n'est jamais assez bien pour son goût car son enfant mériterait toujours mieux. La belle-fille idéale n'existe pas combien même elle excellerait dans l'art de la composition pour lui plaire et userait et abuserait de stratagèmes pour gagner son cœur. Cette dernière ne verra pas ce qu'elle est ni comment elle est.
A ses yeux, elle est tout simplement sa belle-fille, la femme qui lui a usurpé le fils qu'elle a toujours chéri.
«Au Maroc, on se fait une image très négative de la relation belle-mère/belle-fille. On imagine toujours qu'elle est conflictuelle alors que ce n'est pas toujours le cas. Je pense que cette perception a des origines historiques. Avant, les parents continuaient à vivre avec leurs parents sous le même toit même après le mariage. Ce qui engendrait des problèmes au quotidien. En plus les mères s'impliquaient plus dans le choix de la belle-fille et dans les démarches du mariage. Mais aujourd'hui, les choses ont changé. La société marocaine a connu des mutations au niveau du rythme et de mode de vie. Les mamans laissent leurs enfants choisir leurs femmes et vivre de manière plus autonome», analyse notre psychologue.
A qui incombe, alors, la responsabilité de cette situation conflictuelle ?
Il n'est pas aisé de trancher avec une réponse catégorique. La belle-mère qui veut avoir une emprise sur le foyer de son fils se heurte à une résistance de la part de sa belle-fille qui pèche, à son tour, par manque de souplesse. Toutefois, la paix est rétablie quand chacune d'elles opère dans son territoire sans empiéter sur celui de l'autre.
Qu'en est-il de la meilleure manière de vivre en paix ?
La réponse, nous la tenons de la bouche de notre spécialiste : «Quand elles sont obligées de cohabiter, les deux femmes doivent tenir compte de la place et du rôle de l'autre. Il faut également que l'homme arrive à gérer cette situation en essayant de ne pas pencher vers l'une ou l'autre. Il suffirait de trouver un équilibre. Respect et souplesse restent les maîtres mots de la situation», conseille B.Karroumi.
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La journaliste Christiane Collange a quatre fils et quatre belles-filles. Forte de cette expérience, elle a décidé de mener une enquête sur le thème délicat des belles-mères.
Son livre s'intitule «Nous, les belles-mères» (Fayard). Interrogée sur cette relation dans une interview sur les pages du magazine «Psychologie», elle a déclaré : «Les mères de garçons ont mauvaise réputation ! Un fils adulte qui aime beaucoup sa mère est suspecté de ne pas avoir résolu son œdipe, alors que l'on admet l'existence d'un lien fort entre une mère et sa fille.
J'ai constaté que les jeunes femmes ne supportent pas que leur compagnon adore leur maman, on les gêne ! L'un de mes fils vient de subir trois opérations en trois semaines, c'était inquiétant.
C'est la première fois que sa femme a compris que j'étais la mère de son mari. Tout d'un coup, la seule personne qui éprouvait de l'angoisse avec la même intensité qu'elle, c'était moi ! Quelque chose s'est modifiée dans nos relations. Je suis passée du statut de «bonne femme qui encombre» à celui de «femme qui aime mon mari autant que moi».
La belle-mère reste l'incontournable composante qui ne peut être soustraite à la relation conjugale. Elle s'impose, pèse de tout son poids sur le couple, débarque à des heures impossibles, squatte la maison, s'immisce dans ses affaires, fait entendre sa voix à coup de despotisme en profitant de son statut de mère. Pour elle, tous les moyens sont bons pour signifier clairement qu'elle est là et qu'elle n'est pas prête à lâcher prise. Que de mariages ont été annulés à cause de ces «sorcières de tous les temps», que de ménages ont été brisés par leurs «soins"!
«En me mariant avec Nadir, je ne savais pas à quoi je m'exposerai. Je ne connaissais pas sa mère mais d'après ce qu'il me racontait, j'avais compris qu'elle était possessive, une mère poule qui a continué à le couver même à un âge où il peut se passer de sa tutelle. Dans notre ménage, rien ne doit se faire sans son accord. Elle veut avoir le dernier mot sur la déco de la maison et s'octroie un droit de regard sur tout ce qui nous concerne, son fils et moi. Elle décide du moment où je dois avoir des enfants, des noms qu'ils vont porter et quand ils sont là, c'est elle qui dicte la manière dont il faut les éduquer.
Une manière de me faire comprendre que mon mari est avant tout son fils et qu'il en sera ainsi que je le veuille ou non. En fait, elle refuse d'admettre que ce sont des prérogatives qui lui échappent parce qu'étant de mon ressort à l'heure actuelle. C'est une concurrence dans laquelle je refuse de m'engager», se plaint Samira, employée de banque.
Dans cette relation particulière, le véritable enjeu est, donc, de savoir qui aura le dessus. La mère qui pense avoir un droit inaliénable sur son fils, continue de revendiquer sa «propriété» même après son mariage. La peur d'être rejetée la rend corrosive voire agressive envers celle qui prétend à une plus grande place dans le cœur de son fils. Celui-là même que la belle-fille considère comme «sien» désormais. Le règne de la belle-mère, ayant assez duré aux yeux de la belle-fille, devrait prendre fin et céder la place au sien. Meurtrie, la mère se sent oppressée et frustrée. Laquelle frustration est d'autant plus accentuée chez les mamans ayant un fils unique.
«Ma belle-mère est ma rivale. Elle ne supporte pas de voir son fils aux petits soins avec moi. Là, elle a des réactions de petite fille. A chaque fois qu'on décide de sortir, elle s'invite et nous gâche notre programme. S'il me fait un cadeau, elle lui fait la tête jusqu'à ce qu'il en fasse de même avec elle. J'ai l'impression d'avoir épousé mon mari et sa mère. Elle est tellement envahissante.»
De l'avis de Bouchaïb Karroumi, psychologue : «Cette relation houleuse est souvent inhérente à la nature des liens qui unissent le fils à sa maman.
Cette dernière occupe une place très importante dans sa vie et dans son cœur. Même adultes, certains garçons ont du mal à faire preuve d'une certaine indépendance surtout quand leur mère est autoritaire. Pour la belle-mère, il n'est pas question d'accepter qu'une autre femme lui prenne son enfant. Elle refuse cette relation qui s'installe entre lui et sa femme et dans laquelle son fils exhibe ses sentiments alors qu'avec elle, ils sont plus timides et moins exubérants.»
C'est dire qu'au fond de ce conflit, un sentiment de solitude, d'abandon voire de trahison du fils taraude la maman.
Bafouée dans son rôle de mère, elle est désormais confinée dans celui de belle-mère. Pour elle, il n'est pas question de partager son fils avec une autre. Le fils/mari est considéré comme une chasse gardée des deux femmes qui se livrent à une véritable guerre des territoires. Guerre déclarée mais aussi guerre psychologique.
«La belle-mère trouve toujours le moyen de me rabaisser devant tout le monde. Elle n'a jamais accepté le fait que son fils m'ait préférée à sa propre nièce. Cette dernière est évoquée à tout bout de champ pour sa virtuosité dans l'art culinaire, vu que je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un cordon bleu. Par contre, elle occulte toujours, à bon escient, le fait que je sois diplômée d'une grande école et que j'aie eu une carrière professionnelle assez intéressante», s'indigne Lamia, responsable communication.
La belle-mère a souvent quelque chose à reprocher à la femme qu'a choisie son fils. Elle n'est jamais assez bien pour son goût car son enfant mériterait toujours mieux. La belle-fille idéale n'existe pas combien même elle excellerait dans l'art de la composition pour lui plaire et userait et abuserait de stratagèmes pour gagner son cœur. Cette dernière ne verra pas ce qu'elle est ni comment elle est.
A ses yeux, elle est tout simplement sa belle-fille, la femme qui lui a usurpé le fils qu'elle a toujours chéri.
«Au Maroc, on se fait une image très négative de la relation belle-mère/belle-fille. On imagine toujours qu'elle est conflictuelle alors que ce n'est pas toujours le cas. Je pense que cette perception a des origines historiques. Avant, les parents continuaient à vivre avec leurs parents sous le même toit même après le mariage. Ce qui engendrait des problèmes au quotidien. En plus les mères s'impliquaient plus dans le choix de la belle-fille et dans les démarches du mariage. Mais aujourd'hui, les choses ont changé. La société marocaine a connu des mutations au niveau du rythme et de mode de vie. Les mamans laissent leurs enfants choisir leurs femmes et vivre de manière plus autonome», analyse notre psychologue.
A qui incombe, alors, la responsabilité de cette situation conflictuelle ?
Il n'est pas aisé de trancher avec une réponse catégorique. La belle-mère qui veut avoir une emprise sur le foyer de son fils se heurte à une résistance de la part de sa belle-fille qui pèche, à son tour, par manque de souplesse. Toutefois, la paix est rétablie quand chacune d'elles opère dans son territoire sans empiéter sur celui de l'autre.
Qu'en est-il de la meilleure manière de vivre en paix ?
La réponse, nous la tenons de la bouche de notre spécialiste : «Quand elles sont obligées de cohabiter, les deux femmes doivent tenir compte de la place et du rôle de l'autre. Il faut également que l'homme arrive à gérer cette situation en essayant de ne pas pencher vers l'une ou l'autre. Il suffirait de trouver un équilibre. Respect et souplesse restent les maîtres mots de la situation», conseille B.Karroumi.
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Belle-mère, la mal-aimée
La journaliste Christiane Collange a quatre fils et quatre belles-filles. Forte de cette expérience, elle a décidé de mener une enquête sur le thème délicat des belles-mères.
Son livre s'intitule «Nous, les belles-mères» (Fayard). Interrogée sur cette relation dans une interview sur les pages du magazine «Psychologie», elle a déclaré : «Les mères de garçons ont mauvaise réputation ! Un fils adulte qui aime beaucoup sa mère est suspecté de ne pas avoir résolu son œdipe, alors que l'on admet l'existence d'un lien fort entre une mère et sa fille.
J'ai constaté que les jeunes femmes ne supportent pas que leur compagnon adore leur maman, on les gêne ! L'un de mes fils vient de subir trois opérations en trois semaines, c'était inquiétant.
C'est la première fois que sa femme a compris que j'étais la mère de son mari. Tout d'un coup, la seule personne qui éprouvait de l'angoisse avec la même intensité qu'elle, c'était moi ! Quelque chose s'est modifiée dans nos relations. Je suis passée du statut de «bonne femme qui encombre» à celui de «femme qui aime mon mari autant que moi».
