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Les uns prient Dieu, les autres sollicitent les djinns

Nous sommes déjà dans les dix derniers jours hautement bénis du Ramadan. Pour beaucoup d'entre nous, cette période est marquée par une intensité spirituelle toute particulière. Les fidèles passent ces nuits à prier et à psalmodier les versets du Coran sur

Les uns prient Dieu, les autres sollicitent les djinns
Nuit sacrée qui commémore la révélation du Coran à notre Prophète Sidna Mohammed (Que la Paix et le Salut soient sur Lui). Elle est communément désignée comme la veille du vingt-sept du Ramadan (elle débute donc le soir de la 26e journée du jeûne jusqu'à l'aube).

Alors que les uns prient toute la nuit et implorent la miséricorde, d'autres s'affairent à accomplir mille et une pratiques de sorcellerie. Certaines femmes ensorcellent leurs maris pour que ces derniers ne les quittent pas. Des mères envoûtent leurs fils pour qu'ils ne se détournent pas d'elles en faveur de leurs épouses.

D'autres jeunes jettent des sorts pour que l'être aimé les épouse. Tous sont animés par une croyance très répandue selon laquelle : «pendant le Ramadan, les djinns sont enchaînés par les anges, jusqu'à la vingt-sixième nuit, Nuit du destin, lors de laquelle ils sont libérés».

Les quelques jours précédant l'avènement de cette occasion en or pour mesdames et messieurs les adeptes du «shour», un drôle de spectacle se déroule dans tous les souks et marchés. On voit défiler femmes et hommes avec un «majmar» ou «kanoun» (brasero) flambant neuf acheté pour la circonstance.

Un marchand de poterie, au marché d'Al-Oulfa à Casablanca, nous confirme : «à part Achoura et Aïd Al Kabir c'est la période où je réalise mes plus belles affaires. Les m'jamer et les tagines qui coûtent normalement entre 50 et 100 Dhs, je les vends à double prix et cela n'empêche pas les gens de s'en procurer, notamment les femmes».

Naïma, la quarantaine, accostée au marché Jmiâ de Derb Sultan, un majmar à la main, nous explique : «C'est un rituel que nous avons hérité de nos ancêtres, il faut acheter un majmar neuf pour "tabkhira" de la Nuit du destin. C'est une nuit sacrée lors de laquelle les méchants djinns sont libérés et il faut absolument s'en protéger». Joli prétexte. Une voyante, rencontrée pas loin de là, nous livre la véritable version : «Nous ne reprenons le travail que durant cette période, c'est une nouvelle année qui commence et tout se décide cette nuit du 27.

On conseille à tous nos amis (pour dire clients) d'attendre cette nuit pour renouveler, dans du matériel neuf et non souillé, tous les sorts et sortilèges jetés parce que leur effet s'arrête pendant le Ramadan du moment que les djinns sont enchaînés». En effet, un Hadith du Prophète confirme l'enchaînement des démons : «A l'arrivée du Ramadan, les portes du paradis s'ouvrent, les portes de l'enfer se ferment et les démons sont enchaînés» (rapporté par Al-Boukhari, 3277 et par Mouslim, 1079).

Un fqih voyant, à Beauséjour, un autre quartier casablancais, nous donne une autre signification de ces rituels paranormaux, «les gens "habités" (possédés) se doivent de pacifier leurs relations avec leurs "habitants", faute de quoi la reprise de leurs activités par ces derniers après leur libération, risque d'être brutale».

En plus des voyants et voyantes et des vendeurs de poterie, les herboristes traditionnels (âttara) sont aussi très prisés pendant ces quelques jours. En dehors des différents ingrédients utilisés dans la magie noire, les gens achètent du henné, des roses séchées et du myrte (ward wa rihane) ajoutés aux pains et figues sèches pour la visite des cimetières le 27 au matin.

Hadj Moussa, un «psalmodieur» au cimetière Achouhada, nous raconte : «Le spectacle est impressionnant ! Les femmes viennent par centaines se recueillir sur les tombes de leurs proches mais aussi pour enterrer des sortilèges de «tqaf» ou «lakhiouba» et jeter des compositions maléfiques pour éloigner les mauvai esprits et défaire de vieux sorts.

Cela fait 15 ans que je viens ici et tous les 27 du Ramadan c'est le même rituel». Rites spirituels pour les uns, maléfiques pour les autres, drôle de dualité que l'on constate à tous évènement et occasion religieux, notamment Chaâbane, Achoura ou encore la «Âquika» (le baptême)...
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