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Darga, un des groupes leaders de la scène alternative

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«Darga» ou cactus en darija, un nom trouvé par hasard, semble porter une symbolique particulière pour ses membres. Cette formation musicale est en train de devenir l'un des chefs de file du mouvement initié par «L'Boulevard». En fait, le cactus qui est d'une résistance exemplaire aux aléas des climats et des sols, rend bien l'état d'esprit avec lequel cette bande de potes affronte la périlleuse aventure d'une carrière musicale au Maroc.

Au départ, ils étaient quatre étudiants des Beaux-Arts de Casablanca, mordus de musique, et jouant en amateurs. Un soir, histoire de faire un bœuf avec les amis, ils appellent un copain, Mohamed dit «Obiz» qui jouait du «Hajhouj». Ce soir-là, la sauce ayant bien pris, ils commencèrent à envisager la création d'un véritable groupe avec une réelle intention de faire quelque chose de construit.
Un ami, Tarik, leur a offert un petit local où ils pouvaient répéter.

Il leur servit aussi de manager. Ils avaient tous peu d'expérience dans ce domaine.
Quelque temps plus tard, ils sont entrés en contact avec les organisateurs du festival cité plus haut. A partir de ce moment, ils avaient droit à une salle de répétition qui faisait l'affaire, et un encadrement qui a suivi leurs premiers pas sur la scène alternative.

En 2002, les choses ont commencé à prendre forme pour le groupe. Consacré groupe révélation par le jury de «L'Boulevard» où siégeait, entre autres, Karim Ziad, à l'époque directeur artistique de «Gnaoua et musiques du monde». Pour eux c'était un véritable poinçon pour leur motivation à vouloir se surpasser et aller de l'avant. Nabil, chanteur du groupe, confie : «Nous n'avions pas un niveau musical très avancé, mais nous croyions en la capacité de l'ensemble à jouer en harmonie pour donner un résultat plaisant, avec un minimum de discipline». Badr, lead guitare de Darga, l'interrompt : «C'est peut-être ça la force de cette formation, parce que quand les artistes ont un niveau très élevé, ils passent leur temps à vouloir montrer de quoi ils sont capables, souvent au détriment de l'harmonie !».

Qu'ils soient sélectionnés pour jouer à Essaouira, c'était pour eux une opportunité inattendue. Ça leur a donné l'occasion de côtoyer des artistes de renommée internationale alors qu'eux-mêmes ne se sentaient pas capables de jouer dans la cour des grands.

Pour Amine, percussionniste du groupe : «C'est avec le Festival Rawafid que nous avons senti qu'il y avait une évolution. Nous avons eu la chance de jouer la première partie du concert de Manu Dibango, le grand saxophoniste camerounais, et nous avons commencé à comprendre ce que sont une scène, les détails techniques, la présence et l'interaction avec le public… Ce fut une expérience enrichissante !»
Nabil enchaîne : «Nous avons eu beaucoup de chance car nous n'avions pas un grand répertoire, mais on nous a invités à jouer dans de grands festivals, nous avons côtoyé des grands noms comme Ray Baretto ou Ray Lema, nous aurions pu prendre la grosse tête tout de suite, mais nous savions que notre atout, c'est notre esprit collectif et notre discipline sur scène et lors des répétitions.» Cette solidarité, c'est une résultante de l'idée première du groupe Darga : «résistance». En effet, beaucoup de tentatives ratées les ayant précédés, souvent à cause des ego qui s'affrontent, les musiciens se sont imposés de ne pas avoir de leader, et de prendre toutes les décisions dans la concertation et selon la loi de la majorité.

De leur style musical, Malek, bassiste du groupe, fait un croquis simple : «Notre façon de faire, c'est un peu le jam, c'est en quelque sorte une manière de s'adapter au jeu de l'autre, ce qui nous permet d'avancer dans la cohésion et l'efficacité de l'ensemble. Les quatre dernières années, on peut dire que nous étions à la recherche d'un style. Pour le message que nous essayons de véhiculer, c'est l'engagement envers notre société, la dénonciation de ses injustices et de ses contradictions…»
Badr poursuit : « Nous voulons être un des porte- parole de la jeunesse de notre pays, qui a des revendications et des attentes de la société. Sur vingt chansons de notre répertoire, une bonne quinzaine sont engagées et avec un discours assez explicite. D'autant plus que notre style musical, que nous ne cessons d'améliorer, semble être assez représentatif d'une jeunesse qui ne veut pas vraiment emprunter les chemins battus…»
Leur premier album, sorti en 2004, ils l'ont produit sans l'aide de personne.

Ils ont compté sur leurs propres moyens. Grâce à plusieurs concerts à travers le Maroc, ils ont pu réunir assez d'argent pour payer le studio d'enregistrement, les copies, les pochettes et le reste. Leurs ventes n'ont pas battu des records, mais c'était un coup d'essai surtout que la plupart des maisons de production, qu'ils ont rencontrées, leur ont fait des offres pour le moins ridicules. Badr se rappelle en riant : «…Un jour, nous devions voir un producteur, nous étions appuyés par les caméras de 2M qui tournaient un reportage sur le marché de la musique. Le producteur nous a assuré sa volonté de nous donner une opportunité, mais juste après le départ de l'équipe du reportage, il nous a dit qu'il allait rappeler…» (Eclat de rire).

Ce qu'ils reprochent au marché de la musique au Maroc, c'est surtout l'incapacité des producteurs à prendre des risques, à chercher dans d'autres directions que «ce qui marche». Le piratage, selon Badr, est «un faux problème car il existe partout dans le monde, et cela n'empêche pas qu'il y ait du nouveau chaque jour sur le marché, c'est plus une question de volonté que de fatalité…Le travail d'un producteur est aussi d'assister aux concerts, de dénicher de nouveaux talents, d'aller de l'avant…»
Nabil, quant à lui, insiste sur le fait «qu'il est nécessaire d'habituer les gens à payer le prix d'un produit culturel comme tout autre produit.

C'est la culture du ‘fabor' qui empêche d'avancer ! Si nous avions un label derrière nous, nous serions prêts à distribuer nos chansons gratis sauf que ce n'est pas le cas…»
Malgré tous ses aléas qui tiennent de l'absurde, Darga résiste et persiste à s'améliorer autant au niveau de la musique proprement dite qu'au niveau du message de paix, de respect, et de liberté qu'ils véhiculent dans leurs chansons, sans prétention.

Le sérieux avec lequel ils travaillent leur a valu d'être sollicités par la majeure partie des grands événements du Royaume. Cet été, ils sont en tournée en Espagne et en Italie, preuve que nos musiciens s'exportent bien à partir du moment où ils ont le souci de la qualité de leur production.
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