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Donner une nouvelle impulsion à l'Europe par l'énergie

Par Jean-Paul Fitoussi
Président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

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Dans la campagne électorale présidentielle française actuelle, les affaires européennes sont mentionnées ou évoquées rapidement, mais rarement débattues. La France se préoccupe avant tout de ses problèmes nationaux, et en particulier du supposé dysfonctionnement de sa classe politique et de la soi-disant paresse des Français, qui serait responsable de la faible croissance économique, surtout comparée aux Etats-Unis.

Un débat sur les questions de l'Union européenne est nécessaire en France, tant qu'il ne débouche pas – comme c'est souvent le cas en Europe – sur une auto flagellation.

Le germe d'un tel débat existe, très différent de celui qui dominait la scène politique française il y a deux ans lors du référendum sur le projet de Constitution européenne, rejeté par les électeurs.
Le fonctionnement des institutions européennes – la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Pacte de stabilité – est soumis à de vives critiques, mais pas au nom d'une nostalgie de la souveraineté nationale.

L'Europe n'est pas mise en cause ; au contraire, les critiques visent à améliorer ces institutions au nom du bien commun.
Les deux principaux candidats à la présidence, Ségolène Royal et Nicholas Sarkozy, ont tous deux appelé à la création d'un gouvernement économique pour la zone euro.
Bien sûr, un tel " gouvernement " existe déjà sous la forme de la Banque centrale européenne.
Ce qui est aujourd'hui nécessaire est un cadre institutionnel qui donnerait une plus grande responsabilité du politique quant aux objectifs premiers que devrait poursuivre l'Europe - le plein emploi et la croissance – et qui comblerait au moins en partie le déficit démocratique impliqué par le transfert de la politique monétaire, des États de la zone euro à la BCE.

L'on pourrait penser qu'une époque de dissension politique apparente, telle qu'elle se manifeste aujourd'hui, est mal indiquée pour lancer un projet de cette envergure.
Mais historiquement, l'Europe a toujours progressé lorsqu'au moment du danger, elle a initié des processus irréversibles qui l'emportaient sur toute autre considération.

Les pères fondateurs de l'Europe l'avaient bien compris lorsqu'ils mirent en place la Communauté économique du charbon et de l'acier : que d'anciens ennemis mettent en commun certains des moyens les plus puissants de la guerre sous le prétexte d'intérêts économiques est un stratagème d'une rare intelligence.

Nous vivons aujourd'hui une époque similaire d'incertitude et de danger, et il existe cette fois-ci également un projet, à la fois politique et économique, pour unir l'Union : l'indépendance énergétique, un élément essentiel de la souveraineté des nations. Rien à l'échelle de l'Europe ne permet aujourd'hui de l'assurer et il est de la responsabilité de chacun des pays membres de veiller à la sécurité de son approvisionnement.

La Commission européenne s'épuise à vouloir construire un marché unique de l'énergie en exigeant des Etats qu'ils démantèlent leurs opérateurs historiques - une condition essentielle de la concurrence étant la fin des monopoles. Les Etats s'y résignent en apparence, tout en opposant la plus ferme des résistances à la prise de contrôle de leurs entreprises énergétiques par d'autres entreprises européennes.
En effet, les gouvernements ne peuvent se soustraire à leurs responsabilités envers leurs citoyens, et seuls les technocrates les plus naïfs peuvent penser que les marchés suffisent à garantir une indépendance énergétique.

De plus, des négociations purement bilatérales entre les États membres et les pays producteurs de gaz ou de pétrole ne font qu'affaiblir le pouvoir de négociation et le poids géopolitique de l'Europe dans les affaires du monde.
Heureusement, il n'est nul besoin de s'y résigner.

Une solution évidente s'impose, analogue à la Communauté économique du charbon et de l'acier mise en oeuvre par les pères fondateurs: une communauté européenne de l'environnement, de l'énergie et de la recherche (C3ER). On pense communément à tort que la résolution des problèmes écologiques se traduit nécessairement par une croissance négative. En fait, le contraire est vrai : les nouvelles technologies de l'énergie et de l'environnement seront très certainement les moteurs de croissance les plus puissants de l'avenir.

Mais seul un nouvel effort de recherche orienté sur des technologies économes en énergie nous permettra à la fois de moins consommer d'énergie au quotidien, et d'imaginer les énergies du futur qui seront les plus favorables à l'environnement.
Les désastres écologiques que l'activité économique a déjà produits et le potentiel catastrophique de ceux à venir ont fini par nous faire comprendre qu'énergie et environnement constituaient un couple indissociable.

La C3ER poursuivrait ainsi deux objectifs étroitement liés entre eux : l'indépendance énergétique de l'Europe, qui serait doublement servie par les nouvelles technologies de l'énergie et de l'environnement et par l'accroissement du pouvoir de négociation de l'Europe sur les marchés mondiaux. Sa création permettrait également de faire passer un nouveau message au public européen : la concurrence n'est pas la seule perspective.
Avant tout, l'Union européenne a besoin de coopération.

Copyright : Project Syndicate, 2007
www.project-syndicate.org_
traduit de l'anglais par Julia Gallin/B>
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