Menu
Search
Vendredi 26 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 26 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête du Trône 2006

La majorité silencieuse pour le traité de l'Europe

Par Nicolas Schmit
Ministre délégué aux Affaires
étrangères et à l'Immigration
du Luxembourg.

No Image
Lors du futur sommet de l'Union européenne, le débat tournera autour de l'éventualité d'un «mini» traité constitutionnel européen. Ce débat est la conséquence du rejet de 2005 du projet de Constitution européenne par les électeurs français et néerlandais. Mais ces votes “non” ont occulté le fait que 18 des 27 États membres de l'UE ont ratifié le traité.

Les électeurs du Luxembourg, par exemple, l'ont approuvé par une majorité de 56,5 % immédiatement après les votes négatifs des Français et des Néerlandais. Avec deux tiers des États-membres et une majorité des citoyens européens soutenant le traité, on ne peut l'abandonner purement et simplement.


D'un autre côté, il est impossible d'ignorer les voix françaises et néerlandaises – d'autant qu'il est inimaginable qu'un texte identique soit soumis à un deuxième référendum dans aucun des deux pays. Étant donné que les 27 pays doivent ratifier ce traité, il semble évident qu'il ne peut entrer en vigueur dans sa forme actuelle, et que les pays du “oui” ne peuvent le présenter sans le modifier.

Mais il est tout aussi impossible de repartir de zéro. Nous devons donc réconcilier les pays “oui” et “non” si nous voulons surmonter la crise dans laquelle l'Europe est plongée. Et il nous faut le faire rapidement si l'UE veut être à la hauteur des attentes de ses citoyens.
Pourquoi ? Parce que l'Europe affronte de nombreux défis complexes dans un contexte mondialisé. Dans des secteurs aussi divers que l'emploi et l'intégration sociale, la protection environnementale et le réchauffement climatique, la santé, la sécurité intérieure et extérieure, la lutte contre l'immigration illégale et la pauvreté dans le Tiers monde, les citoyens européens exigent des politiques efficaces.

Il est aussi évident que les États membres ne peuvent résoudre ces problèmes seuls mais uniquement par le biais d'actions et de politiques européennes communes. Mais pour parvenir à ces résultats, et par conséquent convaincre nos citoyens de la valeur de l'UE, la capacité de l'Europe à prendre des décisions doit être renforcée et démocratisée.

Cela ne signifie pas qu'élargir les compétences de l'UE doit être un objectif à atteindre quel qu'en soit le prix. En fait, le traité constitutionnel définit plus clairement les compétences qui doivent être partagées entre l'UE et ses États membres, et comment. Il renforce aussi le principe de subsidiarité en donnant davantage de voix aux Parlements nationaux.

L'objectif n'est donc pas automatiquement «plus d'Europe» mais plutôt une «meilleure Europe», capable d'agir avec efficacité et plus de transparence dans des domaines où l'action collective est clairement nécessaire.

Pour toutes ces raisons, les réformes institutionnelles contenues dans le traité constitutionnel restent urgentes. Si l'Europe veut remplir son rôle d'acteur mondial de poids, sa portée ne peut se limiter à celle d'un grand marché commun. Elle doit être une force économique, politique et sociale intégrée.

Afin de mettre en œuvre tout le potentiel du marché commun, l'UE doit adapter sa gouvernance économique aux défis de la mondialisation – la recherche, le développement économique, le développement technologique et les connaissances doivent être au cœur de l'économie européenne, surtout étant donné les efforts de l'Europe pour se placer en tête de la lutte contre le réchauffement climatique.

Elle doit aussi parler d'une seule voix dans le domaine de la politique étrangère, afin de jouer un rôle international plus important dans la résolution des conflits majeurs, et dans la mise en forme d'un ordre mondial plus paisible et équilibré. Enfin, l'UE a besoin de promouvoir la cohésion sociale tout en adaptant le modèle social européen aux défis de la mondialisation.

On peut sans exagération affirmer qu'une grande majorité des États-membres et leurs citoyens ont déjà exprimé leur approbation de cette vision de l'UE en votant pour le traité constitutionnel. Lors d'une réunion organisée par l'Espagne et le Luxembourg à Madrid en janvier, à laquelle tous les pays du “oui” ont été invités, cette vision a aussi été appuyée par quatre autres États-membres engagés dans le traité européen.

Il est sans doute impossible de conserver ce traité sans y apporter des changements. Cependant, le sommet de Madrid a clairement fait apparaître un consensus parmi ces États-membres, en faveur d'une Europe qui peut jouer un rôle clé dans notre univers mondialisé, et dont les actes sont basés sur les principes – efficacité, transparence et démocratie – qui inspirent le processus d'intégration européenne.

La solution à l'impasse du traité constitutionnel européen ne se situe certainement pas vers la diminution de sa portée, le transformant ainsi, peut-être, en un traité « ordinaire ». Les solutions minimalistes ne répondent ni aux attentes des citoyens, ni aux exigences d'un monde à l'évolution rapide. La réponse est plus susceptible de se trouver dans sa simplification, en retirant les éléments qui ne sont pas absolument nécessaires, et en l'enrichissant dans des domaines comme le réchauffement climatique.

La présidence allemande de l'UE, qui je le sais partage la vision « ambitieuse» du traité, travaille dur pour trouver une manière de se sortir de l'impasse pendant le conseil européen du mois en cours. Les pays qui se sont présentés comme des «amis de la Constitution» ont aussi été clairs sur le fait que l'initiative qu'ils ont lancée à Madrid soutiendra les efforts de la présidence allemande.

Si tous les membres de l'UE ne sont pas prêts à emprunter ce chemin, des solutions flexibles du genre de celles qui ont contribué aux compromis européens dans le passé seront peut-être nécessaires. Quoi qu'il en soit, tâchons par tous les moyens de préserver la solidarité de tous les 27 États de l'UE. Il ne faut pas entraver les États-membres qui souhaitent aller de l'avant. Différence ne doit pas être synonyme de division, mais plutôt de progrès à des allures variables.

Copyright: Project Syndicate.
www.project-syndicate.org
www.europesworld.org Traduit de l'anglais pas Bérengère Viennot
Lisez nos e-Papers