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«Paris et Rabat veulent aussi développer la coopération entre leurs deux sociétés civiles»

Skhirat va accueillir les 27 et 28 janvier un Forum de partenariat auquel participeront plus de 350 Marocains et Français représentant collectivités locales et entreprises, universités et organismes du secteur associatif. Souhaité par les Premiers minist

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- LE MATIN : L'année commence bien pour la relation franco-marocaine, avec le Forum franco-marocain de la société civile. De quoi s'agit-il ?
Philippe FAURE :
Il est courant de dire que la relation franco-marocaine est exemplaire. Mais il n'est rien de pire que de se reposer sur ses lauriers. Le partenariat franco-marocain se doit au contraire d'être en permanence innovant, dynamique, fécond.

Le forum civil est, avec le groupe d'impulsion économique, une des initiatives destinées à répondre à cette exigence. Cette réunion a été annoncée lors de la rencontre des Premiers Ministres français et marocain en septembre à Rabat. Elle rassemblera à parité plus de 350 personnes, représentant les collectivités locales, les milieux économiques, le monde universitaire et les ONG des deux pays. Le thème de cette rencontre est la coopération décentralisée au service des populations et des territoires.

Quelle peut être la valeur ajoutée d'une telle réunion, alors que la coopération entre les deux gouvernements est déjà si étroite ?

La relation franco-marocaine ne se réduit pas aux relations entre les deux Etats. Il y a aussi les deux sociétés, et c'est une extraordinaire source d'enrichissement. Le forum résulte d'une conviction simple mais forte : la relation franco-marocaine ferait un grand pas si elle pouvait mieux associer les sociétés civiles, qui deviennent de plus en plus multiples et autonomes. Regardez les processus de décentralisation que nos deux pays connaissent actuellement. Regardez aussi le formidable développement des ONG, ici comme en France.

N'oublions pas que les acteurs de la société civile sont appelés à jouer un rôle de plus en plus grand dans les politiques de développement et d'aménagement du territoire. Cette approche est d'ailleurs au cœur de l'Initiative nationale pour le développement humain lancée par S.M. Mohammed VI. Le forum civil se veut une des réponses à cet enjeu majeur.

Vous venez d'évoquer l'INDH. Quelle sera la contribution de la France à ce chantier majeur ?

Les autorités françaises ont salué ce grand projet modernisateur et mobilisateur voulu par le Roi. Et le Premier Ministre, Dominique de Villepin, a réaffirmé en septembre la détermination de la France à accompagner le Maroc, ce qui correspond, vous le savez, au désir du Président de la République. En étroite concertation avec le gouvernement marocain, nous allons agir dans deux directions.

D'une part, nous allons veiller à ce que les moyens de coopération déjà existants, et qui sont considérables puisque la France est le premier bailleur de fonds du Maroc, soient bien concentrés sur les objectifs de l'INDH. D'autre part, nous allons étudier dans quelle mesure la France pourrait faire un geste financier exceptionnel pour l'INDH.

A l'occasion de ce Forum, votre Ministre de la Coopération, Brigitte Girardin, va inaugurer le nouveau site de l'Institut culturel français de Rabat. Pouvez-vous nous en parler ?

Il s'agit d'un magnifique équipement, que nous sommes très fiers d'offrir aux populations de Rabat et de Salé. Il est installé dans un splendide bâtiment qui appartient au patrimoine architectural de la ville. Après l'inauguration le 27 janvier par Madame Girardin les lecteurs du Matin y seront les bienvenus dès le 28. Ils pourront parcourir la très belle exposition que nous consacrons à Cent ans de peinture marocaine grâce à l'amitié du Président de la Société Générale de Banques qui a mis à notre disposition les éléments les plus emblématiques de la collection réunie par cette grande institution bancaire.

Dans le cadre de l'INDH, quelle place réservez-vous à la culture ?

La culture est un secteur qui a sa spécificité et nous y consacrons un budget très important : 5,4 millions d'euros ! Mais il convient de l'insérer dans la relation globale que la France entretient avec le Maroc. La culture est intimement liée à l'éducation. Nos établissements d'enseignement ont une importance fondamentale dans notre rayonnement culturel. Ils reçoivent 19 000 élèves marocains, ce qui n'est pas rien ! A quoi s'ajoute le réseau d'instituts et d'alliances : 9 instituts et 3 alliances.

Leurs activités sont bien connues : cours de français avec 33 000 apprenants ; médiathèques totalisant 330 000 ouvrages pour 35 000 adhérents et 535 000 visites par an ; diffusion de 60 films en 2004 avec 30 000 entrées … Tout cela pour le plus grand profit de la population marocaine, qui représente 95 % des adhérents aux médiathèques, et en particulier de sa jeunesse. Mais ce que l'on sait moins, c'est le soutien que nos instituts et alliances apportent aux artistes marocains et leur contribution à la diffusion du travail des penseurs marocains.
A cet égard, les Rencontres de Tanger qui se déroulent chaque année dans le cadre du Salon du Livre sont révélatrices.

La prochaine édition, du 28 février au 5 mars, sera consacrée au livre politique et sera marquée par la venue, pour un séminaire conjoint, de très grands journalistes français et marocains.

Mais c'est d'abord l'élite qui profite de cette présence, donc une minorité partageant une francophonie active

Oui et non. Oui, par la force des choses, la programmation de nos établissements culturels, malgré sa pluralité, s'adresse davantage aux intellectuels et aux francophones. Mais il est faux de penser que nos instituts s'intéressent exclusivement à l'élite. Ainsi, les jeunes fréquentant nos médiathèques proviennent essentiellement des classes moyennes. Et puis, nos instituts sont engagés dans de nombreux projets sociaux. Par exemple les actions décentralisées menées dans les quartiers populaires de Casablanca, qui vont de l'atelier de pratique artistique, dans une maison de jeunes ou un orphelinat, jusqu'au travail de diffusion fait à Marrakech et dans les petites villes qui entourent la métropole du Sud.

Cela dit, je veille, depuis mon arrivée à Rabat, à ce que notre politique culturelle s'ouvre vers les publics les plus larges. D'abord, nous développons notre réseau. Nous avons déjà ouvert des antennes dans des villes moyennes comme Kénitra ou Chefchaouen ainsi que des alliances à Essaouira, El Jadida et, cette année, à Safi. Je souhaite que nous puissions poursuivre en rééquilibrant notre réseau au profit de villes de l'intérieur comme Beni Mellal, Errachidia ou encore Taza. Ensuite, nous souhaitons aller davantage à la rencontre du public arabophone. C'est pourquoi j'ai demandé que chacun de nos établissements culturels se dote d'un matériel de traduction simultanée.

Depuis quelques années, la France propose de grands spectacles qui visent l'ensemble de la population marocaine. Allez-vous continuer ?

En partenariat avec les autorités locales, le «Circus Baobab» ou le «Circo da Madrugada» ont donné ces dernières années de superbes spectacles soit en centre ville, soit d'une façon très volontariste dans des quartiers populaires, comme à Casablanca ou Tanger. Nous continuons dans cette voie, et nous proposerons en mars un grand spectacle gratuit dans six villes : Casablanca, Rabat, Meknès, Oujda, Agadir, Marrakech….

C'est un spectacle très visuel, qui est joué en haut d'une grue et fait appel aussi bien à la danse qu'à la musique et au cirque. Cette œuvre, de très grande qualité, se nomme «Les maudits sonnants», et la troupe qui l'a réalisée avait déjà joué pour la clôture des JO d'Athènes en 2004 et pour l'anniversaire de l'Opéra de Sydney. De plus, je souhaite que nous allions à la rencontre d'autres publics, en privilégiant les jeunes. C'est ainsi que j'aimerais renforcer notre soutien à un festival comme celui des musiques gnaoua et du monde d'Essaouira, compte tenu de sa dimension populaire et festive, emblématique pour la jeunesse du Maroc.

Nous sommes également attachés à notre partenariat avec le Festival des Musiques sacrées de Fès, qui s'adresse à un auditoire averti, mais également au public le plus large. L'édition 20006 sera marquée par la venue de notre ensemble baroque le plus prestigieux, les «Arts florissants», conduit par William Christie. Cet ensemble assurera le concert d'ouverture et sera intégralement pris en charge par la partie française.

Une dernière question : votre Ministère des Finances vient d'annoncer la fermeture de la Mission économique de Casablanca. N'est-ce pas contraire à votre objectif de renforcement des échanges commerciaux ?

Il ne s'agit pas de déserter la capitale économique du pays, comme je l'ai entendu ça et là, mais d'une simple réorganisation du réseau français au Maroc. Nous avons la chance de disposer, avec la Chambre française de commerce et d'industrie au Maroc (CFCIM), de la plus ancienne et sans doute de la plus puissante des chambres de commerce françaises à l'étranger.

Pourquoi, dans ces conditions, avoir dans la même ville une mission économique offrant des prestations comparables ? Notre but est d'éviter les doublons à Casablanca et de renforcer la logique de complémentarité entre la CFCIM et la mission économique de Rabat. Pour revenir à votre question, il n'y a évidemment aucun lien entre cette décision et les échanges commerciaux.

Les chiffres sont éloquents : la France a conforté, en 2005, sa place de premier partenaire commercial et de premier investisseur au Maroc. Elle est la seule à avoir progressé parmi les principaux partenaires du Maroc : notre part de marché au Maroc a ainsi augmenté de 5 %.
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