Menu
Search
Jeudi 25 Décembre 2025
S'abonner
close
Jeudi 25 Décembre 2025
Menu
Search

La culture comme étendard

Bichr Bennani, un passionné qui a voué toute sa vie à l'édition et au livre malgré les contraintes

La culture comme étendard
Il est de tous les combats. Celui des libertés publiques et celui de la mémoire et de la culture. Mais le combat qui lui tenait le plus à cœur est la cause palestinienne, qu'il mène discrètement, avec son ami de toujours, Anis Balafrej. Tous les deux l'ont hérité de leurs pères respectifs, eux mêmes de vieux amis, compagnons d'armes au temps du colonialisme et plus tard au sein du parti de l'Istiqlal. Lui, c'est Bichr Bennani, fils du Hadj Jilali Bennani, l'un des signataires du fameux Manifeste de l'Indépendance.

Une filiation lourde à porter s'il en fût. C'est la raison sans doute, pour laquelle il fait montre d'une grande discrétion dès qu'il s'agit d'évoquer ce pan immense de l'histoire familiale. Autant Bichr est prolixe s'agissant de parler d'avenir, autant sa voix devient étouffée lorsqu'il s'agit de s'étaler sur sa vie personnelle ou celle de son père.

«L'important pour moi, c'est faire et non de paraître», dira-t-il pour justifier sa discrétion, qui frôle souvent l'effacement. Inutile de dire que sa ligne de conduite ne s'est pas démentie tout au long de notre entretien. Qui est vraiment Bichr ? Est-il marié? Combien a-t-il d'enfants ?

Les questions paraissaient presque déplacées, une sorte d'intrusion dans sa vie privée, face à son insistance à se barricader derrière «ce qu'il fait, et non ce qu'il paraît ».
On est en 1968. Bichr, qui était en France où il faisait des études, se trouve au cœur de l'événement. Ce qui ne manqua pas de lui attirer quelques ennuis.

Il retourne au Maroc en 1979, année où la librairie Al Karama, commençe à faire parler d'elle. Derrière l'expérience,
Bichr Bennani. «Avec d'autres», s'empresse-t-il d'ajouter. Toujours est-il que la librairie devient un carrefour d'animation culturelle : beaucoup de films sur la cause palestinienne, beaucoup de livres n'auraient jamais été connus sans Al Karama qui, en même temps était un espace de rencontre et de ralliement des familles des détenus politiques. Que tout cela est loin !

Ce qui compte, c'est l'avenir. Nous sommes au cœur du débat d'actualité qui agite les militants des droits de l'homme de tous bords et auquel Bennani entend prendre part. Par le biais de l'édition cette fois, dans le cadre de la maison Tarik, qu'il crée avec Marie Louise Belarbi et d'autres.

L'effet est immédiat : des livres qui n'auraient peut-être jamais pu voir le jour ont trouvé leur chemin vers le lecteur : «On affame bien les rats», «Tazmamart, Cellule 10», «Héros sans gloire», «Lalla Chafia» (une traduction en arabe), tous témoignent, chacun à sa façon, des horreurs des années de plomb.

L'événement est de taille, d'abord par l'accueil exceptionnel que la presse leur a réservés, ensuite par le chiffre record de vente qu'ils ont réalisé, en peu de temps. Ce qui vaut à Tarik le prix d'édition africaine Alioune Diop, du nom du fondateur de la revue Présence africaine.

Bennani est-il pour autant heureux dans son rôle d'éditeur ? Non, en raison de l'état de la lecture au Maroc, qui va en s'amenuisant.
Sur ce sujet, il est difficile de le faire taire. «La situation de la lecture au Maroc est catastrophique, les librairies sont en voie de disparition, celles qui survivent le font grâce à la vente de fournitures de bureau et scolaires. Pire, l'importation de livres étrangers a chuté de près de 90% en quelques années... ».

«Si rien ne se fait pour sauver la situation, nous aurons bientôt affaire à une société sans culture », avertit Bennani.
Espérons que le Salon International du Livre et de l'édition qui aura lieu du 9 au 18 février à Casablanca, contribuera au développement de l'industrie du livre au Maroc.

ITINÉRAIRE
> Né en 1948 à Fès. Fils Hadj Jilali Bennani, Bichr était très influencé par le mouvement national.
> Toutefois, il avoue que jusqu'à l'âge de six ans, il n'a pratiquement pas vécu avec son père, tellement ce dernier faisait constamment de la prison.
> Entouré par des grands nationalistes, tels Allal Fassi et Ahmed Balafrej, le jeune garçon reçoit une éducation basée sur le respect de l'autre, le refus de l'injustice et de la fatalité, ainsi que de la pauvreté.
Parcours
> Après des études en France, Bichr revient au Maroc et crée la Librairie Al Karama en 1979.
> En 2000, il crée Tarik Editions, avec Marie Louise Belarbi
Lisez nos e-Papers