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Lundi 06 Mai 2024
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Nadia Essalmi, l'acrobate de l'édition

Après la gymnastique, elle se lance dans la littérature jeunesse

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«Je n'étais pas destinée à l'édition, je voulais être écrivain», lança Nadia Essalmi sans se départir de son sourire mi- dépité, mi-goguenard. Pour qui connaît la femme, ne sera pas étonné de son autodérision. Elle en maîtrise l'art, c'est surtout sa carapace contre les mauvaises passes, les hasards de l'infortune ou les indélicatesses des hommes et des circonstances.

Et Dieu sait combien «ces choses de la vie» sont monnaie courante dans son métier. Celui de l'édition et du livre. Un secteur tout frais, tout jeune qui a encore la naïveté de croire, dans un pays qui ne lit pas, sinon à la grandeur, du moins à l'embellie…Un jour. «Avec ça, ou peut-être à cause de ça, les confrères ne se font pas de cadeaux, alors là, pas du tout.»
En attendant, Nadia Essalmi a réussi à se tailler, cahin caha, une petite place sous le soleil.

Nadia Essalmi ? Les éditions Yomad pardi ! Les livres pour enfants ! «C'est le créneau que j'ai choisi, je trouvais scandaleux qu'il n'y avait pas de livres pour enfants édités au Maroc, c'est ce qui m'a motivée pour me lancer dans l'aventure.» L‘aventure ! C'en est une. Heureusement, Nadia n'en est pas à sa première.

Cette ancienne sportive, championne du Maroc de gymnastique pendant cinq ans (entre 1969 et 1974), membre de l'équipe nationale de la même discipline, garde de cette expérience, en plus de la taille de guêpe, une âme de battante et un goût pour les défis. «Je suis née sportive», dit-elle. Oui, comme d'autres naissent dessinateurs ou mélomanes. Cela s'appelle être doué.

Nadia l'était pour le sport : «Je m'amusais à faire des acrobaties, à me tenir pendant de longues minutes sur ma tête». La suite est un classique du genre : «J'ai été remarquée par mon professeur de gym et elle m'a encouragée à m'inscrire à la Casablancaise». Pourquoi n'a-t-elle pas fait carrière dans le sport ? «Oh ! le sport n'avait pas la même importance qu'on lui accorde aujourd'hui.

C'était mon premier rêve en fait, malheureusement à l'époque, c'était très difficile» Qu'à cela ne tienne. Elle fera sa place dans le domaine de l'édition. Que l'on se détrompe, Nadia n'est pas un outsider au secteur, elle en connaissait quand même un bout avant de s'y installer pour son propre compte. Du reste, diplômée de littérature française, l'écrit c'est son domaine.

Ce n'est pas tout, elle a travaillé comme correctrice à la revue de l'Institut d'agronomie et de médecine vétérinaire à Rabat où elle a enseigné en même temps, avant de se charger en tant que coordinatrice de rédaction de la revue de l'Association marocaine des professionnels du livre. De quoi la familiariser avec la profession et les professionnels.

Aujourd'hui, Yomad peut s'enorgueillir de la sortie de 30 ouvrages distribués un peu partout au Maroc et à l'étranger. Ce n'est pas son seul mérite, Nadia Salmi est la première éditrice à intéresser des écrivains marocains de renom, tels Driss Chraïbi, Abdellatif Laäbi, Abdelhak Serhane, Zakia Daoud, Habib Mazini à l'écriture pour les enfants et les jeunes : «Je leur ai demandé des textes, et ils ont eu la gentillesse d'accepter, c'est tout simple.»
Alors, heureuse Nadia ? «Et comment ! Je passe toute la journée à courir.

Souvent sans grand résultat». Il faut bien courir pour arriver un jour. «Non, sérieusement, c'est ma passion pour le métier qui me motive, sinon c'est la galère, une délicieuse galère cependant». Surtout au tout début. On imagine. Malgré toute l'expérience dont on pourrait se prévaloir, on a tout à apprendre quand on est soi-même son propre patron.

Aujourd'hui, Nadia peut évoquer ce passé, pas vraiment lointain, avec amusement, mais on imagine les angoisses qu'elle a pu endurer à ses débuts : «L'argent ne rentrait pas comme je l'imaginais, alors que les dépenses, les échéances bancaires, elles, ne souffrent aucun répit. Et comme s'il n'y en avait pas assez, mon associée trouve le moyen de m'en rajouter en claquant la porte».
Seule contre tous.

C'est un bon titre pour roman à l'eau de rose mais qui, à en croire Nadia, sied bien à sa situation à ses débuts. «C'était l'angoisse au quotidien!» Et aujourd'hui alors? «L'hamdou lillah, mais je ne suis pas encore sortie de l'auberge, il ne faut pas croire».
Elle n'en dira pas plus.

REPÈRES
Nadia Essalmi en dates

> de 1969 à 1974 : Elle est championne du Maroc de gymnastique
> 1998 : création de la maison d'édition sous le nom de Yomad spécialisé dans la littérature jeunesse
> 2006 : Avec une quarantaine d'ouvrages actuellement inscrits à son catalogue répartis à travers une dizaine de collections pour les enfants de 3 à 10 ans, cet éditeur a publié des textes d'auteurs aussi prestigieux que Mohamed Dib, Driss Chraïbi ou Abdelhak Serhane.
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