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une abondance de titres et des expériences pilotes

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Avec une trentaine de titres, des expériences pilotes, une pluralité ancrée et des particularités locales, la presse écrite régionale à Tanger demeure la plus dynamique au niveau national et perpétue une longue tradition d'une cité qui a été le berceau des premières gazettes du pays.

Une telle particularité de la ville du détroit découle de son histoire et de la forte présence des communautés étrangères dans la cité soumise au statut de ville internationale durant l'époque coloniale. La première rotative fut introduite à Tanger, dès 1880, par un résident britannique de Gibraltar et la première publication vit le jour en 1883.

L'hebdomadaire en langue espagnole Al-Maghreb Al-Aksa est même considéré comme le premier journal au Maroc, estime M. Ahmed El-Ftouh, enseignant chercheur à l'Ecole nationale supérieure de Tanger.

La divergence des intérêts des puissances étrangères en présence à Tanger se traduit alors inéluctablement par une profusion de titres dans les trois langues en usage dans la cité cosmopolite de l'époque, relève M. El-Ftouh.

On peut citer notamment les hebdomadaires Le Réveil du Maroc (français), Time of Morocco (Anglais), El-Eco Mauritano (espagnol), parus entre 1883 et 1885. Le premier quotidien dans la cité, et aussi au Maroc, arrive en 1889 sous le titre El-Diario de Tanger (espagnol).

A l'adresse de la population autochtone, les premiers hebdomadaires en langue arabe sortirent des rotatives à partir de 1889 avec la parution d' Al-Maghreb. Au journal Assaada édité en 1905 pour défendre les intérêts français dans la ville, les Espagnols donnèrent la réplique, quelques années plus tard, avec l'hebdomadaire Al-Hak.

Face à cette prolifération de gazettes porte-voix des légations étrangères en présence à Tanger, deux hommes d'affaires libanais publient Lissane Al-Maghreb en 1907. Une publication qui s'est érigée en défenseur des intérêts marocains et de son identité arabo-islamique.

Tanger, une plate-forme internationale pour le commerce et les affaires à l'époque, a même connu, à l'aube du XXe siècle, une presse spécialisée comme en témoigne l'hebdomadaire anglais Le commerce du Maroc dont le premier numéro fût publié en 1900.

Une telle concurrence a par la suite investi les ondes avec une multitude de radios locales polyglottes. La mythique radio de Tanger vit le jour à cette époque. Créée en 1946 en tant que radio commerciale, la station allait, dès le départ, livrer bataille sur le front de la créativité et de l'originalité en vue de s'imposer devant la rude concurrence des radios françaises, espagnoles, anglaises et américaines qui se partageaient les ondes locales.

Depuis, cette dynamique du paysage médiatique s'est enracinée dans la ville du détroit. Tanger est en effet l'unique ville qui peut s'enorgueillir actuellement d'avoir un journal local centenaire :

Le Journal de Tanger affiche fièrement sous son titre sa 102e année d'existence. Un centenaire et une santé juvénile, puisque l'hebdomadaire, au contraire de la plupart des publications régionales, est un champion de la régularité : le vétéran de la presse régionale marocaine ne rate jamais son rendez-vous hebdomadaire avec son lectorat.

Témoin d'une cité cosmopolite et d'une époque où Tanger l'internationale était un haut lieu de brassage culturel, le journal perpétue cet esprit avec son bilinguisme (arabe et français) et conserve jalousement sa rubrique des horaires des prières des différents cultes musulman, chrétien et judaïque.
Les gazettes bilingues sont une caractéristique de la presse de la ville du détroit. Des hebdomadaires tels La Chronique ou La Dépêche perpétuent cette tradition.

La presse locale à Tanger ne manque pas de créativité et d'esprit novateur non plus. Le fait marquant en 2006 a été le lancement du premier hebdomadaire d'informations générales gratuit au Maroc : Le Courrier du Nord, un tabloïd en langue française de 24 pages, dont 16 en quadri-chromé, qui s'arrachait aux kiosques dès ses premiers numéros.

Avec un professionnalisme avéré, une information de proximité et des scoops réguliers, le journal a été particulièrement apprécié des lecteurs. Rien à voir avec ces feuilles de pub accompagnées d'horoscopes et autres horaires de trains qui polluent les boîtes aux lettres.

La rédaction avait tablé sur un financement intégral par les recettes de la publicité, mais malheureusement les annonceurs n'ont pas été au rendez-vous. L'hebdomadaire est arrivé à tenir ainsi pendant six mois avant de devenir payant.

Le directeur de la publication, Abdelhakim Yamani déplore la réticence et la frilosité des annonceurs et l'absence du concept d'entreprise de presse auprès des investisseurs locaux. Pour un tel projet, il faudrait prévoir un financement sans dividendes, ou même à perte, pour une période de 1 à 2 ans, et il s'est avéré difficile de constituer un tour de table autour du projet, indique M. Yamani.

" Autre difficulté pour la presse régionale, la concentration des gros annonceurs sur l'axe Casablanca-Rabat. Malgré un tirage à 15.000 exemplaires et une performance professionnelle irréprochable, on n'a pas pu faire venir les gros annonceurs, explique-t-il. C'est aussi la faute aux pratiques de certaines publications locales qui, malheureusement, ternissent la réputation de la presse régionale ", reconnaît-il.

Après une brève interruption de quelques semaines, M. Yamani annonce un retour en force de son hebdomadaire avec une formule plus agressive en matière de distribution et un contenu centré davantage sur la proximité.
Tenace, il affirme aussi que le retour à la formule du gratuit est toujours en perspective et que les efforts continuent pour rassembler un tour de table autour du projet. Un enthousiasme qui fera probablement de Tanger la pionnière de la presse gratuite au Maroc.
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