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Le scénario d'une entente sagement orchestrée

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L'engagement pris par l'argentier du Royaume, Fathallah Oualalou, lors de la cession des 80% de la Régie des Tabacs au Groupe Altadis n'était, en fait, qu'une manœuvre préparant le transfert du monopole étatique sur le secteur du tabac à un groupe étranger.

L'étendard boursier a été agité, simplement, pour calmer les esprits. En face, les opérateurs financiers ont nourri de réels espoirs vis-à-vis d'une privatisation prometteuse. Après le succès des dernières introductions en Bourse, Maroc Telecom en tête, les boursicoteurs se sont vu privés d'une opération bien juteuse.

Certes, le repreneur de la Régie des Tabacs courait un risque réel de dépréciation de son investissement, au cas où le marché aurait mal réagi à cette introduction. Toutefois, laisser croire que la cession des 20% du capital de la Régie pouvait passer par la Bourse n'est assurément pas du goût des opérateurs boursiers, encore moins du personnel de l'opérateur historique du secteur des tabacs au Maroc.

Selon le schéma initial, le personnel allait hériter, à des conditions avantageuses, de 6% du capital de la Régie. Sur les raisons du non-respect des clauses initiales, Abdelaziz Talbi, directeur de la Direction des entreprises publiques et des participations (DEPP), est très clair : «Lors de chaque privatisation, le ministère de la Privatisation applique à la lettre les décisions du comité du transfert».

Par conséquent, et selon ce raisonnement, le ministre de tutelle n'a pas pris un engagement d'introduire les 20% restants du capital de la Régie des Tabacs à la Bourse de Casablanca, mais il s'est en fait conformé, de manière stricte, aux orientations du comité de transfert.

De l'aveu même d'un haut responsable gouvernemental, sous couvert d'anonymat, «l'Etat a, en effet, vendu les 100% de la Régie des Tabacs lors de la première cession. Les 520 millions de Dhs supplémentaires au prix de cession initial correspondent à la cession du monopole sur le tabac».

Dans le détail, et selon le décryptage du haut responsable, la convention de transfert, liant l'Etat cédant et le repreneur, le groupe franco-espagnol Altadis, contenait des subtilités qui gagnent à être connues. En effet, l'engagement de l'Etat marocain était d'introduire les 20% restants de la Régie des Tabacs, si l'état du marché boursier le permettait (un détail qu'il faut bien prendre en compte), après les six mois suivant les deux premières années de la cession des 80% initiales.

Six mois après, le repreneur disposait de la possibilité de reprendre les 20% aux conditions de la première cession. Une fois ce délai dépassé, les deux parties auront recours à des négociations directs pour statuer sur le prix de reprise, sachant que le preneur disposait de la priorité de disposer du reste comme bon lui semble. Selon un analyste de la place, les rôles ont été bien répartis de manière à ce que ce scénario soit respecté à la lettre. In fine, l'opération devait prendre la forme d'un déroulement chronologique et non d'une «entente» sagement orchestrée.

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Fathallah Oualalou en décalage avec la réalité ?


En 2003, Fathallah Oualalou, ministre des Finances et de la Privatisation, annonçait la cession des 80% du capital de la Régie des Tabacs au Groupe Altadis. Dans la foulée, l'homme fort des finances promettait une seconde vente portant sur les 20% restants qui transiterait, cette fois-ci, par la Bourse de Casablanca.

L'enjeu était pourtant clair puisque l'opération aurait créé une dynamique au sein du marché boursier. Le sort des agriculteurs de tabac brun semble avoir été omis par le ministre en charge du dossier. Un dossier sensible sur le plan social car il concerne des milliers de personnes vivant déjà dans une situation précaire.

Il semblerait toutefois qu'un autre homme du gouvernement aurait rattrapé le coup en s'arrangeant avec le Groupe Altadis. Parallèlement à la privatisation de la Régie, il fallait concrétiser la reconversion des agriculteurs de tabac vers d'autres cultures plus prometteuses comme celles de l'olivier et du tabac blanc. Ce serait, en effet, directement avec la Primature que les négociations ont été conclues et validées entre le gouvernement et le producteur franco-espagnol de tabac.

Bref, il est clair que l'annonce effectuée en grande pompe à l'époque par Fathallah Oualalou a quelque peu échaudé les milieux financiers et les boursicoteurs à l'affût d'actions aussi juteuses qu'aurait pu représenter celle de la Régie des Tabacs. Leur déception demeurera amère jusqu'à aujourd'hui, semble-t-il…
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Amine Benabdesslem donne son avis


Les opérateurs de la place s'attendaient à ce que l'Etat encourage davantage l'introduction en Bourse non seulement avec les incitations fiscales mais également en privatisant par le marché. Amine Benabdesslem, président du directoire de la Société de Bourse des Valeurs de Casablanca s'exprime sur la question.

Le Matin : Le cas de la Régie des Tabacs n'aurait-il pas pu représenter un bon rendez-vous dans ce sens?

Amine Benabdesslem :
Nous avons eu l'occasion de sensibiliser les autorités compétentes sur ce sujet, et nous poursuivrons nos efforts en ce sens. Bien entendu, la décision finale ne nous appartient pas, et nous la respectons entièrement.

Nous sommes toutefois convaincus que le marché boursier valorise toujours correctement une privatisable.
D'ailleurs, l'histoire de la dernière décennie l'a démontré, au-delà des attentes de l'Etat actionnaire. Nous gardons donc espoir d'être entendus pour les futures privatisations, notamment Comanav, Drapor et Biopharma.
Propos recueillis par B.F
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