C'est une foule impressionnante qui anime cet après-midi les lieux. Des bruits confus s'élèvent dans une ambiance typique à un quartier populaire.
Des marchands de légumes et de fruits interpellent les passants à la criée et une fumée épaisse se dégage ça et là des «snacks ambulants». Bienvenue à l'ancienne médina de Casablanca !
Une médina qui est surtout connue par une forte activité commerciale dans plusieurs quartiers notamment L'bhira. Ce dernier abrite de nombreux lunetiers. Ils sont, en effet, une dizaine à tenir des magasins dans ce quartier. La plupart ont acquis une renommée au fil des années qui leur permet désormais d'avoir une clientèle fidèle. Omar, barbe touffue et grisonnante, est l'un de ces lunetiers. «Au début, j'étais un apprenti chez un parent dans ce même quartier. C'était en 1969. Depuis cette date, j'ai pu apprendre toutes les ficelles du métier. Vous savez, il ne faut pas beaucoup de temps pour connaître toutes les règles de la profession», explique Omar.
Ce dernier n'a pas suivi de formation spéciale dans ce domaine. D'ailleurs, tous les pratiquants à L'bhira ont appris le métier sur le tas. Ils affirment que les diplômes ou les formations n'ont pas vraiment une importance. Pour eux, l'expérience et la pratique du métier font leurs forces. «Certes, les opticiens aujourd'hui qui ont fait des études spéciales ont une base théorique importante mais également des points forts au niveau de la pratique. Par exemple, le découpage des verres est fait à la main chez nous alors que les autres opticiens doivent absolument utiliser un matériel de pointe dans ce genre d'opération», ajoute omar.
Et c'est justement parce que tout se fait à la main à L'bhira que l'on a tendance à associer ces fabricants de lunettes à des artisans. Ils utilisent un matériel manuel qui est très dépassé aujourd'hui, comparés aux machines modernes utilisées par d'autres opticiens.
Des appareils de découpage ou de mesure dont les prix ne dépassent pas les 6 000 DH, constituent les principaux instruments dans tous les petits ateliers.
Mustapha est lunetier depuis sept ans. Il est devenu un véritable «pro» maîtrisant tout le cycle de la fabrication. Aujourd'hui, il est même capable d'encadrer d'autres jeunes. D'ailleurs ces derniers temps, les magasins de L'bhira ont commencé à recevoir des stagiaires. «Contrairement aux idées reçus qui demeurent encore très répandues, on ne fabrique des lunettes que sur une prescription des ophtalmologistes. On suit les données contenues dans les ordonnances. Il nous arrive même des fois d'orienter des clients vers un médecin spécialiste», explique Mustapha. Et d'ajouter : «les prix oscillent entre 200 et 1 200 DH.
D'une manière générale, les vendeurs ici proposent des prix bon marché pour les clients. La livraison des commandes ne prend pas beaucoup de temps. La durée pour fabriquer des lunettes ne dépasse pas une journée au maximum. Le travail passe par trois étapes principales. D'abord, le traçage de l'équilibre, ensuite le découpage des verres et enfin le montage dans la monture».
Si en règle générale, les opticiens sont capables de réaliser des examens de la vue, le travail de ces lunetiers se limite seulement au montage des verres correcteurs dans les montures de lunettes. Malgré cela, ils doivent répondre à une forte demande. La clientèle est essentiellement composée de personnes issues de milieux modestes.
Cependant, des clients faisant partie des catégories sociales aisées, notamment des médecins, font le déplacement à L'bhira. «Depuis 1986, c'est à L'bhira que j'achète mes lunettes. J'ai pris l'habitude de venir chez Mustapha qui me propose à chaque fois de bons prix. Je suis salarié dans une grande entreprise nationale et je peux vous dire qu'une grande partie de mes collègues font de même. Le problème des remboursements mutuels ne se pose plus puisque un bon nombre de lunetiers peuvent remplir les fiches de remboursement», affirme l'un des clients.
Par ailleurs, un grand nombre d'acheteurs sont attirés par l'offre en terme de monture. En effet, les lunetiers proposent des montures dernier cri de toutes les grandes marques célèbres. De Gucci à Yves Saint-Laurent en passant par Armani et Prada, les clients ont l'embarras du choix. Mais il s'agit bien évidemment de montures contrefaites.
Se payer des lunettes avec des montures signées même de contrefaçon à un prix défiant toute concurrence est sans nul doute un avantage qui fait la force de tous les lunetiers de L'bhira.
Cependant, les choses ne se déroulent pas toujours de la même manière. Des lunetiers affirment que certains clients fuient les prix bas et préfèrent aller chez d'autres opticiens... diplômés.
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Le Dahir fixe également les conditions à remplir avant de pratiquer ce métier. Ainsi nul ne peut être admis à exercer la profession d'opticien-lunetier détaillant s'il n'est possesseur d'un titre ou diplôme d'Etat donnant le droit d'exercer cette profession. En outre, l'opticien-lunetier détaillant est tenu, avant d'accomplir aucun acte de sa profession, d'obtenir une autorisation qui est délivrée par les autorités.
Contacté par le Matin, Ouahi Firass, le président du SPNOM (Syndicat professionnel national des opticiens du Maroc) a déclaré que les lunetiers travaillant dans le secteur informel présentent un danger pour les citoyens.
Il a ajouté que les fabricants des lunettes, notamment à Derb Gallef et à l'ancienne médina, opèrent dans l'illégalité totale. Le président a affirmé que le syndicat, depuis sa création en 1990, n'a cessé de demander aux autorités compétentes d'intervenir pour mettre un terme à la prolifération du secteur informel dans toutes les villes du Royaume. Mais, selon lui, toutes les demandes du syndicat sont restées des lettres mortes. Le syndicat avait même perdu un procès dans la ville de Safi contre un lunetier.
Des marchands de légumes et de fruits interpellent les passants à la criée et une fumée épaisse se dégage ça et là des «snacks ambulants». Bienvenue à l'ancienne médina de Casablanca !
Une médina qui est surtout connue par une forte activité commerciale dans plusieurs quartiers notamment L'bhira. Ce dernier abrite de nombreux lunetiers. Ils sont, en effet, une dizaine à tenir des magasins dans ce quartier. La plupart ont acquis une renommée au fil des années qui leur permet désormais d'avoir une clientèle fidèle. Omar, barbe touffue et grisonnante, est l'un de ces lunetiers. «Au début, j'étais un apprenti chez un parent dans ce même quartier. C'était en 1969. Depuis cette date, j'ai pu apprendre toutes les ficelles du métier. Vous savez, il ne faut pas beaucoup de temps pour connaître toutes les règles de la profession», explique Omar.
Ce dernier n'a pas suivi de formation spéciale dans ce domaine. D'ailleurs, tous les pratiquants à L'bhira ont appris le métier sur le tas. Ils affirment que les diplômes ou les formations n'ont pas vraiment une importance. Pour eux, l'expérience et la pratique du métier font leurs forces. «Certes, les opticiens aujourd'hui qui ont fait des études spéciales ont une base théorique importante mais également des points forts au niveau de la pratique. Par exemple, le découpage des verres est fait à la main chez nous alors que les autres opticiens doivent absolument utiliser un matériel de pointe dans ce genre d'opération», ajoute omar.
Et c'est justement parce que tout se fait à la main à L'bhira que l'on a tendance à associer ces fabricants de lunettes à des artisans. Ils utilisent un matériel manuel qui est très dépassé aujourd'hui, comparés aux machines modernes utilisées par d'autres opticiens.
Des appareils de découpage ou de mesure dont les prix ne dépassent pas les 6 000 DH, constituent les principaux instruments dans tous les petits ateliers.
Mustapha est lunetier depuis sept ans. Il est devenu un véritable «pro» maîtrisant tout le cycle de la fabrication. Aujourd'hui, il est même capable d'encadrer d'autres jeunes. D'ailleurs ces derniers temps, les magasins de L'bhira ont commencé à recevoir des stagiaires. «Contrairement aux idées reçus qui demeurent encore très répandues, on ne fabrique des lunettes que sur une prescription des ophtalmologistes. On suit les données contenues dans les ordonnances. Il nous arrive même des fois d'orienter des clients vers un médecin spécialiste», explique Mustapha. Et d'ajouter : «les prix oscillent entre 200 et 1 200 DH.
D'une manière générale, les vendeurs ici proposent des prix bon marché pour les clients. La livraison des commandes ne prend pas beaucoup de temps. La durée pour fabriquer des lunettes ne dépasse pas une journée au maximum. Le travail passe par trois étapes principales. D'abord, le traçage de l'équilibre, ensuite le découpage des verres et enfin le montage dans la monture».
Si en règle générale, les opticiens sont capables de réaliser des examens de la vue, le travail de ces lunetiers se limite seulement au montage des verres correcteurs dans les montures de lunettes. Malgré cela, ils doivent répondre à une forte demande. La clientèle est essentiellement composée de personnes issues de milieux modestes.
Cependant, des clients faisant partie des catégories sociales aisées, notamment des médecins, font le déplacement à L'bhira. «Depuis 1986, c'est à L'bhira que j'achète mes lunettes. J'ai pris l'habitude de venir chez Mustapha qui me propose à chaque fois de bons prix. Je suis salarié dans une grande entreprise nationale et je peux vous dire qu'une grande partie de mes collègues font de même. Le problème des remboursements mutuels ne se pose plus puisque un bon nombre de lunetiers peuvent remplir les fiches de remboursement», affirme l'un des clients.
Par ailleurs, un grand nombre d'acheteurs sont attirés par l'offre en terme de monture. En effet, les lunetiers proposent des montures dernier cri de toutes les grandes marques célèbres. De Gucci à Yves Saint-Laurent en passant par Armani et Prada, les clients ont l'embarras du choix. Mais il s'agit bien évidemment de montures contrefaites.
Se payer des lunettes avec des montures signées même de contrefaçon à un prix défiant toute concurrence est sans nul doute un avantage qui fait la force de tous les lunetiers de L'bhira.
Cependant, les choses ne se déroulent pas toujours de la même manière. Des lunetiers affirment que certains clients fuient les prix bas et préfèrent aller chez d'autres opticiens... diplômés.
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L'informel pèse lourd
Le métier de l'opticien-lunetier est régi par le Dahir du 4 octobre 1954. Le premier article stipule que l'opticien-lunetier est le professionnel qui délivre au public des appareils servant à la correction de la vue, adaptés suivant les lois de l'optique. Il conçoit, calcule, fabrique ou achète les montures et verres de lunettes, procède, s'il y a lieu, à leur transformation, en assure la vérification et l'adaptation.Le Dahir fixe également les conditions à remplir avant de pratiquer ce métier. Ainsi nul ne peut être admis à exercer la profession d'opticien-lunetier détaillant s'il n'est possesseur d'un titre ou diplôme d'Etat donnant le droit d'exercer cette profession. En outre, l'opticien-lunetier détaillant est tenu, avant d'accomplir aucun acte de sa profession, d'obtenir une autorisation qui est délivrée par les autorités.
Contacté par le Matin, Ouahi Firass, le président du SPNOM (Syndicat professionnel national des opticiens du Maroc) a déclaré que les lunetiers travaillant dans le secteur informel présentent un danger pour les citoyens.
Il a ajouté que les fabricants des lunettes, notamment à Derb Gallef et à l'ancienne médina, opèrent dans l'illégalité totale. Le président a affirmé que le syndicat, depuis sa création en 1990, n'a cessé de demander aux autorités compétentes d'intervenir pour mettre un terme à la prolifération du secteur informel dans toutes les villes du Royaume. Mais, selon lui, toutes les demandes du syndicat sont restées des lettres mortes. Le syndicat avait même perdu un procès dans la ville de Safi contre un lunetier.
