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Quand le troisième âge retrouve les bancs de l'école

Officiellement, le baccalauréat est valable à vie, mais devient caduc après deux ans. Décryptage…

Nombreux sont ceux qui décident de reprendre les études après une première carrière, après ‘'s'être libérés des enfants'' ou juste parce qu'ils

Quand le troisième âge retrouve les bancs de l'école
Or, ce n'est pas toujours aussi simple, surtout au Maroc. Officiellement, le diplôme du baccalauréat est valable à vie, mais paradoxalement, les universités ne donnent aux jeunes lauréats que deux ans pour s'inscrire.

Passé ce délai, l'admission est impossible. Pourquoi ?
«Bien sûr que le baccalauréat est un diplôme valable à vie comme partout dans le monde. Mais étant donné que les universités ne peuvent satisfaire toutes les demandes, la priorité est donnée aux nouveaux arrivants, à ceux qui viennent tout juste de décrocher leur bac», explique Khalid Naciri Jaâfar, vice-président à l'Université Hassan II Aïn Chock (Casablanca). Selon lui, la raison est simple : «Avant, les formations se déroulaient dans des amphithéâtres
où les étudiants étaient très nombreux.

L'administration était plus souple. Mais depuis la réforme de 2000 qui a instauré l'informatique comme matière obligatoire, nous ne pouvons pas dépasser un certain nombre d'étudiants pour certaines séances de cours», dit-il. Ne disposant que de 24 ordinateurs, seuls 48 étudiants peuvent y avoir accès à la fois. Le même problème se pose pour les cours de communication où le nombre de 42 élèves est le maximum pour une classe.

« Ces nouvelles matières obligatoires font l'objet d'évaluations semestrielles indispen-
sables pour la réussite de l'étudiant. On ne peut rien y faire», poursuit Khalid Naciri Jaâfar
Faux ! La loi n° 01-00, qui porte sur l'organisation de l'enseignement supérieur, donne une large autonomie à toutes les universités sur les plans administratif, financier, pédagogique, scientifique et culturel. Aussi, donner une chance à ceux qui veulent reprendre leurs études n'est pas chose impossible. Est-ce donc de la mauvaise volonté? Difficile à dire…

Selon les responsables de l'enseignement supérieur, la question est au centre de leurs préoccupations. Tous disent être conscients du problème.

D'un côté, ils défendent l'égalité des chances, de l'autre, ils affirment être embarrassés de ne pas pouvoir donner une suite favorable «au moins pour le moment» à tous ceux qui veulent améliorer leur niveau intellectuel, s'instruire ou entamer une autre carrière en faisant des études. «Bien évidemment que nous sommes conscients de l'intérêt que porte le citoyen aux études, mais le financement est au cœur du problème.

Pour qu'un étudiant puisse faire des études, cela coûte de l'argent pour l'Etat, le coût moyen est de 15.480 DH», argue le vice-président de la Faculté Hassan II Aïn Chock. Cet argent, d'après lui, est dédié à l'achat de matériel et des produits utilisés pour les expériences scientifiques qui sont très coûteux.

Cette somme est la moyenne calculée sur la totalité des dépenses pour chaque étudiant. Selon lui, pour permettre à tout détenteur du baccalauréat de s'inscrire à une faculté, le Parlement doit trancher cette question et une subvention étatique doit être accordée aux universités. «Ceci dit, les personnes qui veulent payer leurs études et qui répondent à certaines règles sont les bienvenues. Nous proposons des formations continues et là il n'y a pas de problème. Certains organismes payent une formation adéquate à leurs cadres, nous offrons un programme et des horaires adaptés pour chaque demande.

Aussi un corps d'enseignants compétents est mis à leur disposition», précise K. Naciri.

Aussi, la seule possibilité qui s'offre aux étudiants ambitieux et assoiffés du savoir, quels que soient leur âge et l'ancienneté de leur baccalauréat, est le recours à certains établissements privés.
Maria Alami, directrice d'une école de psychologie à Casablanca confirme: «Nous avons deux cas d'étudiants en troisième année, Mohamed, ingénieur d'Etat et Ahmed, cadre dans une entreprise,
qui après la retraite ont décidé de suivre les cours de
psychologie.

Aucun problème d'adaptation ne se pose, ni pour eux, ni pour leurs camarades jeunes étudiants. D'ailleurs, 50% de notre effectif de la première année, promotion 2007-2008, sont des femmes de foyer, avec ou sans enfants.

Elles ont repris les études pour faire une carrière de psychologue. Pour nous, l'âge n'est pas un critère de réussite, c'est la volonté de l'étudiant qui compte. Ces étudiantes sont très sérieuses, attentives et assidues malgré les autres devoirs qui les attendent», dit-elle. Driss Chahtane, aujourd'hui directeur de l'hebdomadaire « Al Michaal », était un ancien professeur de philosophie. Un jour, il fait volte-face et il décide de changer de carrière. Il fait une première tentative auprès d'une école supérieure étatique. Celle-ci refuse son inscription car son baccalauréat est très ancien et il dépasse largement les 25 ans, l'âge maximum d'inscription.

Il se tourne donc vers un Institut privé à Casablanca qui offre une formation de deux ans. Cela marche et une fois son diplôme en poche et après plusieurs stages dans différents supports journalistiques, il crée son journal hebdomadaire en 2004. «Je suis très satisfait de mon nouveau métier, je me félicite de mon choix. Je découvre que le métier de l'enseignement était une mauvaise orientation pour moi. Heureusement que l'existence de d'une école privée m'a permis d'atteindre mon but», témoigne-t-il. Cependant, le cas de ces écoles qui offrent la possibilité aux gens de pouvoir changer de cap n'est pas une généralité.

Plusieurs établissements privés limitent l'accès en première année du cycle normal à l'âge de 21 ans.

Hassan Sayerh, directeur pédagogique d'une école supérieure de management, s'explique: «Sur 700 étudiants inscris, aucun dépassant l'âge normal ne figure sur nos listes. Une grande différence d'âge engendrera une discordance et entraînera une divergence d'idées ou d'opinions et peut perturber la démarche normale dans une classe.
Les attentes de ces personnes ne sont pas les mêmes, les objectifs sont différents.

Le groupe au sein d'une classe doit être homogène. Et même en ce qui concerne les professeurs, le dialogue ne sera pas le même». Même réflexion du côté de l'école Supcom, la directrice chargée des études souligne : «L'ancienneté du baccalauréat n'a pas d'importance, par contre 25 ans est l'âge maximum pour l'inscription en première année du cycle normal».
Ainsi, beaucoup de gens qui ont la volonté de reprendre les études sont bloqués.

L'Etat n'offre pour le moment aucune possibilité et les écoles privées qui permettent ce genre d'études ne sont pas à la portée de tous les
intéressés.

Aujourd'hui, la retraite anticipée choisie par de nombreux fonctionnaires n'a fait qu'augmenter le nombre des personnes désirant reprendre des études pour entamer une nouvelle carrière.
Quelle solution leur reste-t-il si ce n'est le souhait que les responsables prennent ce sujet au sérieux et donnent plus de facilité aux gens qui font du savoir leur premier objectif ?

*Journaliste stagiaire
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Repasser son baccalauréat

Passé deux ans, les bacheliers ne peuvent plus s'inscrire dans les facultés. Aussi, de nombreux étudiants ont pris l'initiative de repasser leur baccalauréat en tant que candidat libre. Or, encore une fois, les choses sont loin d'être aussi simples.

«Repasser le bac pour avoir accès à l'université est un acte qui nuit au système. Il réduit la chance de réussite des jeunes. Avec un système de contrôle performant, on arrivera à maîtriser ce genre de pratique», explique K. Naciri. Autrement dit, même en repassant son bac, l'étudiant n'a aucune chance de pouvoir s'inscrire.

Toutefois, pour ceux qui souhaitent changer de carrière ou de branche, et qui sont titulaires d'un DEUG ou d'une licence, Khalid Naciri affrime qu'ils ne verront pas leurs candidatures rejetées d'office.

«Il se peut même qu'ils soient dispensés de quelques matières. En fait, dans ce cas, les responsables étudient tous les dossiers sans exception», ajoute Khalid Naciri.
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Mohamed Aoufi, l'insatiable!

A soixante-huit ans. Mohamed Aoufi, originaire de Bejjaad, est toujours actif et assoiffé du savoir.
Toute sa vie, il a collectionné les diplômes. Déjà jeune, il ne s'est pas contenté des études de « Lamsid » comme beaucoup de jeunes de sa génération. Il étudiait le français, l'anglais et l'hébreu. Le scoutisme faisait partie de ses activités. L'initiation à l'agriculture, qu'il pratiquait dans le jardin de l'école, a fait de lui une personne polyvalente.

Après son certificat d'études primaires, il obtient le diplôme d'arabe classique en 1958. Deux ans après, il décroche son BEPC (Brevet d'études du premier cycle). En 1960, il est nommé sous chef de district des Eaux et Forêts. Et après une autre expérience comme enseignant de la langue française, il passe le ‘'baccalauréat libre'' en juin 1974.

Mohamed Aoufi est alors appelé à occuper le poste d'officier de police à la DST (Direction de la sécurité du territoire). Ce qui lui a permis d'être membre de l'Union internationale de la presse francophone et membre de la Chambre française du commerce et de l'industrie. M. Aoufi ne s'arrête pas là, il s'inscrit à l'Université Hassan II à Casablanca pour des études de droit international et obtient sa licence en 1993.

Toujours désireux d'aller plus loin, il poursuit en parallèle des études de journalisme dans un institut privé et crée son journal arabophone « Al Akhbar » en Avril 2001. A l'âge de 70 ans, il se prépare à obtenir un doctorat sous le thème «Immigration et droit de l'Homme».
Ses loyaux services lui ont valu plusieurs décorations dont le Wissam Alaouite obtenu en 1993.
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