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quand 26 Marocains meurent pour rien

Trois jours après la catastrophe, les voitures en provenance de Marrakech ralentissent encore sur la Nationale 8 pour observer ce triste spectacle: un autocar à moitié calciné gît sur le bas côté. Dans un rayon de 10 mètres, un amas de sièges ensanglantés

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Le moteur huit cylindres a été projeté hors du châssis. Aux côtés des pièces mécaniques, visiblement usées, subsistent encore de dérisoires témoignages de la vie qui habitait ce cercueil de tôle quelques secondes avant l'impact. Une écharpe aux couleurs du FC Barcelone, un paquet de biscuits éventré, une babouche, une brosse à dents, une cassette fondue de Warda, une poupée d'enfant maculée de tâches sombres…

Ahmed, venu à bicyclette coiffé de son bonnet rouge, observe ce sinistre spectacle avec un regard grave. «J'habite à côté» explique ce quadragénaire, «le matin de l'accident, nous avons entendu comme une explosion, puis des cris horribles».

Il est un peu plus de six heures, ce mardi quand l'autocar de la compagnie «Mogador» franchit l'oued Tansift et traverse le bourg endormi de Loudaya en direction d'Essaouira. Il fait encore nuit. Nous sommes à 27 kilomètres de la ville rouge. La route est droite. Le marquage au sol autorise les dépassements. La vitesse est limitée à 80 kh. Selon les témoignages recueillis sur place, un second autocar, assurant la liaison Agadir-Casablanca, circule dans l'autre sens à vive allure. Les deux chauffeurs et leur centaine de passagers, certainement pensant tous aux préparatifs de l'Aïd el Kebir, ignorent qu'ils roulent vers un funeste destin. Dans le faisceau des phares du deuxième autocar se dessine une masse sombre. C'est un tracteur agricole avec une charrue, conduit par deux hommes.

Probablement surpris par la lenteur de l'attelage qui était , semble-t-il, dépourvu de feu arrière, le chauffeur du deuxième car déboîte pour doubler. En face de lui, surgissent les phares du «Mogador». C'est le choc, frontal. Et fatal pour au moins 26 personnes. En dépit de la rapidité des secours, qui ont organisé un véritable pont routier d'ambulances à destination de l'hôpital Ibn Tofail, le bilan s'est révélé particulièrement lourd: 26 morts, dont les deux chauffeurs, une soixantaine de blessés dont au moins une vingtaine, grièvement atteints. La présence au chevet des victimes des ministres des Transports et de la Santé, Karim Ghellab et Mohamed Cheikh Biadillah, témoigne de l'émotion suscitée par ce nouveau drame de la route jusqu'au plus haut niveau de l'Etat.

Les premiers éléments de l'enquête, communiqués par les services de gendarmerie, concluent à une vitesse excessive d'au moins un des deux autocars. L'état général des véhicules impliqués devrait permettre d'affiner ces conclusions. Freins, pneumatiques et horaires de service des chauffeurs pourraient également avoir joué dans la conclusion du drame. Le chronographe du «Mogador» a été arraché du tableau de bord, sans doute pour les besoins de l'enquête. L'expertise du dispositif d'éclairage des autocars, mais aussi celui du tracteur, probablement défaillant, figure aussi dans le spectre des investigations.

Dès vendredi, le conducteur du tracteur était placé en garde à vue sur ordre du parquet.
Sa responsabilité semble en effet très lourde : en pleine nuit, il roulait au milieu de la route et sans feux arrière.

De plus, le conducteur n'a pu présenter ni les papiers du tracteur ni le contrat d'assurance. Face à l'hécatombe sur les routes marocaines, les autorités de Marrakech avaient toutes les raisons de se montrer impitoyable après cette tragédie qui a endeuillé le pays à la veille de la Fête du Sacrifice.
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