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Transferts des immigrés et développement

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Un important séminaire sur le thème «Maroc-Espagne : transferts et développement» a été organisé récemment à Casablanca par des ONG espagnoles : Remesas, le comité Averroès, et l'Institut européen de la Méditerranée de Barcelone.

Des experts marocains et espagnols ont tout d'abord fait un diagnostic des transferts, étudié la relation entre les transferts et le développement, et proposé des projets et initiatives à prendre tant sur le plan institutionnel que local. Il a tout d'abord été mis l'accent sur l'importance des transferts des immigrés sur le plan mondial, puisqu'ils ont représenté en 2005 160 milliards de dollars, soit un montant supérieur à l'aide publique globale, qui ne s'est élevée qu'à 70 milliards de dollars.

Le montant de transferts des immigrés ne cesse d'augmenter d'année en année, et atteindra les 200 milliards de dollars en 2006. Les pays émetteurs de fonds sont principalement les Etats riches de l'OCDE. Les pays réceptionnaires appartiennent à la région méditerranéenne, à l'Amérique latine, à l'Afrique, et aux Caraïbes.

En 1970, l'Espagne recevait de ses immigrés à l'étranger 4,7% de son PIB. En 2005, la situation s'est inversée, puisqu'elle n'a reçu de l'étranger que 4,3 milliards d'euros, et a transféré à l'étranger 4,6 milliards d'euros. En 2005, elle s'est positionnée comme le premier fournisseur de transferts des immigrés de l'Union européenne et le 4e fournisseur mondial.

Les destinataires des transferts espagnols sont principalement les pays d'Amérique latine (69,5%), les pays d'Afrique (9,2%) et les pays européens de l'Est (8,0%).

C'est ainsi que les transferts en provenance d'Espagne ont représenté en 2005 : 5,7% du PIB de la Bolivie et 3,6% du PIB de l'Equateur.
Au Maroc, les transferts totaux des MRE ont connu une forte croissance de 13,5% entre 2000 et 2005. Ils ont représenté 40,7 milliards de dirhams en 2005, soit 8,9% du PIB et l'équivalent de 42,9% des exportations totales.

Ils ont contribué à la couverture de 46,8% du déficit commercial.
C'est grâce à eux et au tourisme que la balance des paiements marocaine est excédentaire depuis 2001. Ces transferts proviennent essentiellement d'Europe, où résident environ 2 millions de MRE, soit 78% de la population marocaine résidant à l'étranger. Les fonds proviennent essentiellement de France (43%), d'Espagne (12,6%) et d'Italie (11,9%). Le Maroc se place ainsi au 4e rang des réceptionnaires de fonds des immigrés après l'Inde, le Mexique et les Philippines.

Plus particulièrement en ce qui concerne l'Espagne, le nombre des MRE est estimé à 600.000, soit 13% de l'ensemble des étrangers résidant en Europe. Les effectifs ont été multipliés par 3 durant les 5 dernières années et ont bénéficié d'un grand mouvement de régularisation. Les régions de résidence sont surtout la Catalogne, Madrid et l'Andalousie ; et les secteurs d'activités : le bâtiment, l'agriculture et le tertiaire. On assiste, ces dernières années, à une féminisation accrue et un rajeunissement de la population marocaine résidant en Espagne. Les montants transférés par les MRE d'Espagne sont passés de 550 millions d'euros en 1999 à 5.140 millions d'euros en 2005.

Enfin 70,9% des transferts d'Espagne sont effectués par virement bancaire.

A propos de la relation entre les transferts et développement au Maroc, il a été constaté que la majeure partie des transferts des MRE est affectée en priorité à leur famille résidant au Maroc et à leurs besoins quand ils séjournent au Royaume pendant la période estivale.
Ces transferts ont un impact direct sur le développement humain, notamment dans les régions défavorisées. En effet, ils contribuent à réduire la pauvreté, en améliorant les conditions de vie d'une large partie de la population, au niveau de l'alimentation, du logement, de l'éducation et de la santé.

Une partie de ces transferts est réservée à l'épargne et affectée à l'investissement dans le pays d'origine.
De source officielle, 84% de l'ensemble des investissements des MRE sont dirigés vers l'immobilier, 7,5% vers l'agriculture et le reste vers l'achat d'actions cotées en Bourse et la création d'entreprises commerciales et industrielles (notamment dans le domaine des Ntic).
Comment améliorer la relation entre transferts et développement dans notre pays ?

Il faut tout d'abord respecter un principe fondamental, qui est que ces transferts sont d'abord privés, et que les MRE sont absolument libres de disposer de leur argent comme ils l'entendent. Cependant, des politiques doivent être mises en œuvre pour faciliter les canaux et l'utilisation des transferts de fonds.

Cela passe par une large information sur les canaux de transferts de fonds, qui doivent être peu coûteux, rapides et transparents. La concurrence qui s'exerce actuellement entre circuits bancaires, postaux, et sociétés privées, est bénéfique pour ces transferts, notamment par l'utilisation des nouvelles technologies.

Il faut encourager les alliances entre banques marocaines et banques étrangères situées dans les pays d'accueil. Il y a lieu également d'informer les MRE sur les opportunités d'investissements, par le biais de la Direction des investissements, des Centres régionaux d'investissements, et des banques. Outre l'information, il faut soutenir et accompagner les MRE qui souhaitent s'engager dans la création d'entreprises, notamment par l'élaboration d'études de faisabilité et l'octroi de crédits à des conditions favorables.

Les autorités locales et les ONG ont également un rôle à jouer pour informer, accompagner et assurer un suivi des projets lancés par les MRE, notamment quand ils sont à l'étranger. Il y a lieu également d'encourager la création de fonds d'investissements communautaires, à l'instar de l'expérience mexicaine «tres por uno» (trois pour un), où le fonds est financé pour 1/3 par l'émigré, 1/3 par l'Etat, 1/3 par la région.

En conclusion, toute l'attention doit être portée aux transferts des MRE qui constituent une composante fondamentale de l'économie nationale, tant au niveau macroéconomique que microéconomique.
Tout en favorisant l'expansion de ces transferts, il y a lieu d'améliorer la relation entre transferts et développement pour tirer le maximum de profit de ces transferts sur les plans économique et social de notre pays.

* Jawad KERDOUDI Président de l'IMRI (Institut marocain des relations internationales)
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