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Le maillon manquant

Le film marocain fait recette dans nos salles, mais peine à s'exporter

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Avec une quinzaine de longs-métrages et une quarantaine de courts par an, le Maroc est-il en passe de devenir « une puissance » cinématographique à l'échelle arabe et africaine ?
C'est du moins ce que pense le premier responsable de la production filmique nationale, le directeur général du Centre cinématographique marocain (CCM), Noureddine Saïl. En tout cas, d'après lui, « le secteur cinématographique se professionnalise énormément ».

Noureddine Saïl tient compte non seulement de la production nationale, mais aussi de l'ensemble de l'activité reliée à la production cinématographique, dont les créations étrangères sur le sol marocain qui semble en passe de devenir une destination très prisée par les producteurs internationaux. «Le Maroc constitue toujours une destination intéressante pour les producteurs étrangers, et ce phénomène va aller en s'améliorant, vu le nombre de demandes de tournage parvenues au CCM.»

Il fait allusion par ailleurs à l'importance que prend d'année en année le Festival international du film de Marrakech, devenu un rendez-vous incontournable sur le plan international, ajoutant du coup à la ville ocre un supplément d'âme qui lui manquait tant.
Fallait-il également rappeler le nombre de sociétés de
production, une trentaine qui se partagent un marché
prometteur.

En cinéphile averti, critique cinématographique bien avant d'être un responsable administratif, Saïl ne peut pas non plus oublier la production nationale proprement dite. En 2005, lors du festival de Tanger, il déclarait déjà : «Nos cinéastes prouvent de plus en plus, par la diversité de leurs œuvres, la richesse de leur imaginaire, qu'ils sont en train de jeter les fondements d'une véritable cinématographie nationale. Lors de cette édition, le 7e art national s'est présenté dans toute sa réalité, sa diversité et sa fécondité», assurant que 2005 aura été «une année de confirmation pour le cinéma national par excellence». Le cinéma marocain se professionnalise-t-il pour autant ?

Il est certain que l'on puisse déjà parler de la naissance d'une industrie cinématographique marocaine au regard des équipements et des structures afférentes, dont les laboratoires rénovés du Centre cinématographique marocain, de la quantité des productions nationales et étrangères réalisés, de l'engouement du public marocain pour le film national, chose qu'on oublie souvent.

Faut-il rappeler que certains films, comme «A la recherche du mari de ma femme», «Femmes et femmes» de Saâd Chraïbi ou encore « Ali Zaoua» et «Elle est diabétique, hypertendue et elle refuse de crever » et bien d'autres ont battu le record d'affluence avec, pour certains, 400.000 spectateurs, bien devant le meilleur film américain qui ne fait que 100.000 entrées.

La production marocaine souffre toutefois de quelques tares qu'elle n'en finit pas de traîner depuis sa naissance et qui font que nos films restent encore des petits -quoique certains goûtent de temps en temps, ici ou là, au plaisir d'escalader les marches du podium- qui peinent à tenir la comparaison avec les grandes productions internationales, et par là, à être un produit exportable. Nos cinéastes ont encore du mal à se départir de la fâcheuse tendance à vouloir tout faire par eux-mêmes.

On ne peut pas être à la fois producteur, réalisateur, scénariste, dialoguiste, voire comédien et monteur, tout en prétendant s'inscrire dans le professionnalisme.

C'est la première tare qui fait qu'il y a toujours quelque chose à reprocher à un produit marocain. Si ce n'est pas le scénario, ce sont les dialogues, la réalisation ou le montage, et malheureusement souvent le tout à la fois.

Le cinéma marocain peine encore à raconter une belle histoire qui fait rêver et s'émouvoir, quoiqu'il ait fait beaucoup de progrès par rapport aux années 1970, où, se voulant un cinéma intimiste, il se refusait tout bonnement à se faire support d'une histoire, comme la peinture qui se refusait à la même époque à la figuration.

C'est au milieu des années 80 et surtout 90 que la fiction est finalement rentrée en grâce chez nos cinéastes, avec beaucoup de peine d'ailleurs. «Fiction première » le titre d'un film de Mustapha Darkaoui est révélateur de ce tournant.
Ce qui explique sans doute les petites maladresses qui entachent ces premières fictions.

Il a fallu en fait attendre l'arrivée d'une nouvelle génération de cinéastes pour que la conciliation avec l'art de la fiction soit définitivement scellée sans toutefois être totalement intégrée.
Nabil Ayouch, Mohamed Asli, Fawzi Bensaïd, Narjiss Nejjar, Leïla Marrakchi, Nouredine Lakhmari font partie de cette génération.
Il faut sans doute un peu de temps pour que les exigences d'un cinéma de spectacle prennent le pas sur les préoccupations du réel.
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Petits joyaux

On ne saurait dénier à notre cinéma le fait d'avoir eu quelques petits joyaux dans la masse d'images produites depuis une dizaine années. En vrac, pour ne citer que les plus récents : « Mille mois » de Fawzi Bensaïd ; « Les yeux secs » de Narjiss Nejjar ; « A Casablanca les anges ne volent pas » de Mohamed Asli ; « L'enfant endormi » de Yasmina Kessari sans oublier « Marock » de la jeune cinéaste Leïla Marrakchi qui a eu le mérite de soulever une polémique jamais provoquée jusque-là par un autre film. Et puis surtout le beau film de Noureddine Lakhmari : « Le Regard » qui fait l'unanimité de la critique en tant que grand film.

A cette liste on peut également ajouter « Un Amour à Casablanca » de Abdelkader Lagtaâ ; « Ali Zaoua » de Nabil Ayouch ; « Adieu Forain » de Daoud Aoulad Sayed ; « A la recherche du Mari de ma femme » de Abderrahmane Tazi, tous produits dans les années 90 et qui augurent déjà d'un bon avenir.
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