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L'opération «Intilaka», trois ans après

Ils ont quitté la fonction publique pour se mettre à leurs propres comptes. Témoignages

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En 2004, l'opération «Départ volontaire de la fonction publique», baptisée «Intilaka», a été lancée. Son objectif : mettre en application une nouvelle politique de rationalisation de la gestion des ressources humaines, maîtriser la masse salariale et augmenter le rendement des secteurs publics.

Plus concrètement, à travers cette opération, le but était de réduire le sureffectif dans certains secteurs de la fonction publique et d'établir un équilibre en maîtrisant quantitativement et qualitativement le redéploiement des compétences sur le plan géographique et sectoriel, d'adapter l'administration aux évolutions technologiques et à un changement de méthode de travail, et enfin de rajeunir le corps de l'administration pour permettre aux jeunes d'accéder à des postes de responsabilités.

De nombreuses personnes ont été tentées par l'opération Intikala, et beaucoup ont répondu présents. La plupart n'ont pas regretté leur décision. Mais, trois ans après, les buts tracés par le gouvernement ont-ils été atteints ? Les bénéficiaires du DVD ont-ils investi leur argent dans la création de petites et moyennes entreprises, comme cela était prévu par le gouvernement ?...

D'après des responsables au sein du ministère de la Modernisation des secteurs publics, principal initiateur de cette opération, les objectifs ont été atteints. De nombreux bénéficiaires le confirment d'ailleurs et les domaines investis par eux sont divers : les services, le commerce, l'enseignement, le tran114, l'immobilier…

«En étant fonctionnaire, jamais je n'aurais pu économiser autant d'argent et réaliser mon rêve : créer une petite affaire où je pourrai m'épanouir et être maîtresse de moi-même. Une fois l'argent en poche, j'ai sauté le pas et j'ai acheté un petit magasin pour vendre des produits et du matériel de coiffure et d'esthétique.

Ma sœur, étant du métier, m'a conseillée. Aujourd'hui, je n'ai pas à me plaindre, j'ai engagé une spécialiste pour conseiller les clientes et une autre pour aider. Je suis libre, je m'organise comme je veux et je n'ai plus les contraintes du bureau», témoigne une ex-inspectrice de travail qui a préféré garder l'anonymat.

Zoulikha, une ancienne fonctionnaire au ministère de la Justice, a préféré investir dans l'immobilier, comme beaucoup d'autres d'ailleurs. Elle a acheté une maison secondaire pour la louer ensuite. «C'était un placement sûr.

D'ailleurs, aujourd'hui, la valeur de l'appartement a augmenté. Nous sommes plusieurs à avoir investi dans ce domaine. De ce fait, mon mari a acheté un terrain dans la région de Settat pour le revendre une fois que le prix aura augmenté», dit-elle.

Pour ceux qui étaient dans l'enseignement, c'est le secteur du taxi qui a attiré leur attention. Selon eux, c'est un métier libre qui ne demande pas un grand investissement ni un grand effort. «J'ai loué un agrément pour dix ans et j'ai acheté une voiture neuve.

J'ai ensuite engagé un chauffeur pour m'aider et le tour est joué, je suis libre dans mon travail», raconte Mohamed, ancien professeur.
Cependant, nombreux sont ceux qui déplorent le manque de sérieux des chauffeurs qu'ils engagent. «Ils bousillent les voitures ou à la suite d'une panne ou d'un accident déposent le véhicule n'importe où et vont chercher du travail ailleurs. En fait, ils n'ont rien à perdre.
C'est nous qui payons les pots cassés. Ça fait deux ans que j'ai investi dans ce domaine et je n'ai pas gagné le sou !», souligne Mustapha avec amertume.

L'arrivée des bénéficiaires du DVD n'a pas fait que des heureux. Du côté des anciens taximen, ces deniers se plaignent de la hausse des prix des agréments suite au «débarquement» des anciens fonctionnaires. «Le nombre des taxis a presque doublé et on passe notre temps à tourner en rond dans les rues», déplore Ahmed, vieux dans le métier.

D'autres enseignants, par contre, ont préféré opter pour une continuité dans leur domaine en faisant profiter les nouvelles générations de leur expérience et de leur savoir. C'est le cas de Fouzia Tagmouti et Nabila Lahlou, biochimistes de formation et anciennes professeures à la faculté de médecine de Casablanca. Elles ont créé leur école de paramédical, spécialité en nutrition et en kinésithérapie. Une formation continue en nutrition et en diabétologie pour les médecins généralistes est programmée également.

Aujourd'hui, elles sont pleines d'entrain et de dynamise. Leur projet a réussi et elles en sont très fières.

«C'est notre deuxième rentrée et nous avons doublé le nombre d'étudiants inscrits. Sans cette donnée, nous n'aurions pas pu monter notre affaire. Mais, malheureusement vu l'absence d'accompagnement, de nombreux bénéficiaires du DVD n'ont pas osé investir leur argent de peur de tout perdre», commente Nabila Lahlou.

Un autre secteur d'activité a été investi par les anciens fonctionnaires : la restauration. Rachida, une ancienne employée au ministère de l'Intérieur, a profité de son indemnité pour créer une «mahlaba» à Hay Mohammadi, un quartier populaire de Casablanca où beaucoup d'usines sont installées et où de nombreux ouvriers cherchent désespérément où manger.

Très vite, l'affaire de Rachida marche et son chiffre d'affaires ne cesse d'augmenter. «J'ai commencé toute seule. Maintenant, on est six. Et malgré cela, on a du mal à s'en sortir, surtout entre midi et deux heures et à partir de dix-huit heures. Il m'arrive parfois de faire le marché deux fois par jour», dit Rachida, contente mais qui regrette toutefois de ne pas avoir investi dans un local plus grand. Chose qu'elle compte faire très bientôt.

Côté santé, de nombreux postes se sont aussi vidés. Aussi, beaucoup de médecins se sont as116iés pour créer des cliniques privées.
Du coup, de nombreux postes ont été créés. Quant aux anciens infirmiers de l'état, ils se sont installés à leur propre compte en créant des infirmeries à proximité afin de faciliter au citoyen l'accès à des soins de qualité pour un prix pas cher.

Ainsi, les objectifs de l'opération «Intikala» semblent avoir été atteints, en tout cas du point de vue financier, mais du point de vue ressources humaines, dans certains secteurs notamment celui de l'Education 110nale et la Santé, les choses se sont compliqués. Des départs ont été autorisés alors que la relève n'a pas été assurée.
Dommage, mais après tout si cela a permis à ces personnes de réaliser leurs rêves, alors tant mieux pour eux !

•Journaliste stagiaire
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Les retombées du DVD

Pour connaître les retombées de l'opération «Intikala», le ministère de la Modernisation des secteurs publics a réalisé en 2006 une étude relative à l'évaluation de l'opération départ volontaire de la fonction publique*.

Selon les chiffres, les objectifs ont pu être atteints globalement et cette opération n'a pas déséquilibré la fonction publique. «L'opération «Intikala» a donc eu de très bons effets positifs et a pleinement répondu aux objectifs du gouvernement. Nous avons pu réduire la masse salariale et avoir de nouvelles capacités pour assurer les recrutements de personnes plus qualifiées», souligne Mohamed Bousaid, ministre de la Modernisation des secteurs publics.

Le rapport indique que le départ volontaire a eu des effets positifs, notamment quant au «reprofilage» des ressources humaines et à la gestion des effectifs de l'administration. Ainsi, 75% de ceux qui ont dépassé 50 ans ont été bénéficiaires. Le départ volontaire a ainsi permis le rajeunissement des effectifs de l'administration.

Les fonctionnaires ayant bénéficié du départ volontaire sont constitués à hauteur de 35,39% de femmes et 64,61% d'hommes. Aussi, le taux de «féminisation» de la fonction publique a, de ce fait, légèrement chuté passant de 32,08% avant l'opération à 31,81% après l'opération. Quant au régime des retraites, il ne souffre d'aucune incidence suite au départ volontaire des fonctionnaires; le gouvernement s'était engagé à prendre en charge le coût que représente l'opération pour la CIMR.

*Source : http://www.mmsp.gov.ma/
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