La saisie annoncée samedi par le gouvernement des deux hebdomadaires du même groupe, «Tel Quel» et sa version arabe «Nichane», pose de nouveau le lancinant problème de l'exercice de presse, de ses droits, de sa liberté et de ses responsabilités.
Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous apprenons, à chaque fois, la saisie d'une publication. Ce n'est pas non plus sans tomber à la renverse que nous constatons, avec une sorte d'impuissance, que ce qui constitue aujourd'hui une épreuve de force entre une certaine presse - dite commerciale, dite indépendante - tient en fait à des manquements graves par celle-ci à la déontologie et à l'éthique professionnelle, avant même qu'elle n'atteigne au paroxysme de la dérision envers les institutions et notamment la personne du Roi.
L'éditorial incriminé de l'hebdomadaire «Nichane», outre l'outrecuidance d'un rhéteur transformé en donneur de leçons, pèche par le premier manquement gravissime : la confusion, l'amalgame, l'incohérence et, surtout, la méconnaissance des textes, notamment de la Constitution. Il ne nous semble pas utile de reproduire les inepties érigées comme d'habitude «ex cathedra» en commentaire du discours que Sa Majesté le Roi a prononcé à l'occasion de la Fête du Trône.
En revanche, il convient de souligner la légèreté exubérante - si tant est que l'on puisse croire que lecture sérieuse et rigoureuse en ait été faite - avec laquelle le discours du Trône a été abordé. Elle dévoile un déficit aggravé de compréhension, d'assimilation et donc de prise en compte des tenants et aboutissants d'une allocution. La lecture spécieuse du discours royal par le responsable de «Nichane» est plus que partiale, arbitraire et sélective.
Elle pèche par une mauvaise foi évidente parce qu'elle est approximative – ce qui est grave en journalisme. Ensuite, parce qu'elle s'emploie à détacher des phrases de leur contexte, amalgame les unes aux autres pour tromper et désinformer les lecteurs. Acte constitutionnel, le discours du Trône annonce les orientations et le programme, à la limite fixe-t-il des choix stratégiques qui n'ont rien à voir avec les événements conjoncturels. Le discours du Trône s'inscrit dans la durée, conforte une vision mais ne saurait se réduire à des péripéties, celles-ci fussent-elles décisives comme des élections législatives.
Or, le commentateur de « Nichane », cédant à un rédhibitoire et impardonnable amalgame, semble mélanger les événements conjoncturels – aussi importants que les élections qui relèvent des partis, de leurs programmes, des chantiers et des réformes en cours, bref d'un processus qui déroule ses modes de fonctionnement propres - avec ce qu'on pourrait qualifier de structurel, et qui s'inscrit en revanche dans le durable. Le Roi n'intervient pas dans le débat électoral, parce qu'il est au-dessus de la mêlée, il ne prend pas parti, il trace et définit le cadre éthique et l'esprit pour tous.
Et le discours du Trône ne s'apparente jamais à un programme ou une prise de position partisane, parce qu'il survient une fois par an pour tracer le cadre d'action au gouvernement. L'ignorance est mère des confusions, elle engendre les malentendus. Mais elle ne saurait ériger des contre-vérités ou nous imposer la fausse information comme une vérité. Si de surcroît, une si mauvaise foi entend déplacer le débat sur les sentiers de la monarchie, autrement dit de la raison même d'être du Maroc, c'est se méprendre sur notre volonté de barrer la route aux infantilismes.
Le Maroc est une monarchie constitutionnelle et citoyenne, et celle-ci n'est pas un enjeu de pouvoir, elle ne saurait être « mise en équation », quelle que puisse être la fantasmagorie nourrie ici et là par des journalistes en mal de sensation. Nous sacrifierions par trop au triomphalisme béat, si nous disions que le Maroc réalise les prouesses que d'aucuns lui envient.
Mais, de l'avis même des observateurs étrangers, dont beaucoup ne sont pas forcément des partisans inconditionnels, le Maroc constitue un exemple de démocratie, une terre des libertés pour lesquelles les générations antécédentes se sont sacrifiées et sur lesquelles, qu'on le veuille ou non, les journalistes d'aujourd'hui s'appuient pour exercer librement leur métier. Bien au contraire, nous devrions en être fiers, car la liberté de la presse comme celle qui existe au Maroc n'a pas de prix, elle n'a pas non plus son équivalent dans le monde arabe ou en Afrique.
La presse dite « commerciale et indépendante », oublierait-elle cette réalité intangible qu'elle serait rappelée à l'ordre par les anciennes générations de journalistes qui mesurent, avec justesse et parfois nostalgie, le grand changement en cours. Or, la presse dite indépendante est plutôt obsédée, pour beaucoup de ses titres, par le « scoop », qui incite à « publier avant et mieux que les autres » et qui, au prétexte qu'il faut affronter les pouvoirs, nous fait prendre d'un cœur léger les risques inhérents à ce racolage nouvelle manière. Les yeux rivés sur le tirage, une certaine presse s'évertue à occulter, voire à piétiner les simples règles de base : celle de la responsabilité pour commencer.
Elle est le credo de tout journaliste qui se respecte, elle interdit la diffamation, le racolage des gros titres, la calomnie, le mensonge, et pour ce qui nous concerne l'atteinte délibérée et provocatrice aux institutions et à la personne du Roi, dont l'article 23 de notre Constitution prescrit pour qui sait lire et respecter « l'Esprit des lois » chères au comte de Montesquieu, qu'elle est « inviolable et sacrée ». L'adage affirme que « la loi libère et la liberté opprime », nous dirions qu'ici « la monarchie affranchit et protège, mais la liberté enferme ». La liberté nous enferme dans un prisme et une emprise, celle de croire que nous pourrions attenter impunément aux réputations des uns et des autres sans rendre compte à nos consciences, de nous en prendre aux institutions que des générations d'hommes et de femmes ont mis des années à bâtir, parfois au risque de leur carrière ou de leur vie.
L'information « coup de poing » ou « coup de gueule » est incompatible avec l'exigence de vérité. Si elle sert à accrocher, à racoler, elle est certainement le contraire de la vérité et de l'éthique, l'opposé d'une information fiable. Jamais en effet la mise en scène, inspirée de la provocation délibérée, n'a fondé le principe d'une information vraie.
Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous apprenons, à chaque fois, la saisie d'une publication. Ce n'est pas non plus sans tomber à la renverse que nous constatons, avec une sorte d'impuissance, que ce qui constitue aujourd'hui une épreuve de force entre une certaine presse - dite commerciale, dite indépendante - tient en fait à des manquements graves par celle-ci à la déontologie et à l'éthique professionnelle, avant même qu'elle n'atteigne au paroxysme de la dérision envers les institutions et notamment la personne du Roi.
L'éditorial incriminé de l'hebdomadaire «Nichane», outre l'outrecuidance d'un rhéteur transformé en donneur de leçons, pèche par le premier manquement gravissime : la confusion, l'amalgame, l'incohérence et, surtout, la méconnaissance des textes, notamment de la Constitution. Il ne nous semble pas utile de reproduire les inepties érigées comme d'habitude «ex cathedra» en commentaire du discours que Sa Majesté le Roi a prononcé à l'occasion de la Fête du Trône.
En revanche, il convient de souligner la légèreté exubérante - si tant est que l'on puisse croire que lecture sérieuse et rigoureuse en ait été faite - avec laquelle le discours du Trône a été abordé. Elle dévoile un déficit aggravé de compréhension, d'assimilation et donc de prise en compte des tenants et aboutissants d'une allocution. La lecture spécieuse du discours royal par le responsable de «Nichane» est plus que partiale, arbitraire et sélective.
Elle pèche par une mauvaise foi évidente parce qu'elle est approximative – ce qui est grave en journalisme. Ensuite, parce qu'elle s'emploie à détacher des phrases de leur contexte, amalgame les unes aux autres pour tromper et désinformer les lecteurs. Acte constitutionnel, le discours du Trône annonce les orientations et le programme, à la limite fixe-t-il des choix stratégiques qui n'ont rien à voir avec les événements conjoncturels. Le discours du Trône s'inscrit dans la durée, conforte une vision mais ne saurait se réduire à des péripéties, celles-ci fussent-elles décisives comme des élections législatives.
Or, le commentateur de « Nichane », cédant à un rédhibitoire et impardonnable amalgame, semble mélanger les événements conjoncturels – aussi importants que les élections qui relèvent des partis, de leurs programmes, des chantiers et des réformes en cours, bref d'un processus qui déroule ses modes de fonctionnement propres - avec ce qu'on pourrait qualifier de structurel, et qui s'inscrit en revanche dans le durable. Le Roi n'intervient pas dans le débat électoral, parce qu'il est au-dessus de la mêlée, il ne prend pas parti, il trace et définit le cadre éthique et l'esprit pour tous.
Et le discours du Trône ne s'apparente jamais à un programme ou une prise de position partisane, parce qu'il survient une fois par an pour tracer le cadre d'action au gouvernement. L'ignorance est mère des confusions, elle engendre les malentendus. Mais elle ne saurait ériger des contre-vérités ou nous imposer la fausse information comme une vérité. Si de surcroît, une si mauvaise foi entend déplacer le débat sur les sentiers de la monarchie, autrement dit de la raison même d'être du Maroc, c'est se méprendre sur notre volonté de barrer la route aux infantilismes.
Le Maroc est une monarchie constitutionnelle et citoyenne, et celle-ci n'est pas un enjeu de pouvoir, elle ne saurait être « mise en équation », quelle que puisse être la fantasmagorie nourrie ici et là par des journalistes en mal de sensation. Nous sacrifierions par trop au triomphalisme béat, si nous disions que le Maroc réalise les prouesses que d'aucuns lui envient.
Mais, de l'avis même des observateurs étrangers, dont beaucoup ne sont pas forcément des partisans inconditionnels, le Maroc constitue un exemple de démocratie, une terre des libertés pour lesquelles les générations antécédentes se sont sacrifiées et sur lesquelles, qu'on le veuille ou non, les journalistes d'aujourd'hui s'appuient pour exercer librement leur métier. Bien au contraire, nous devrions en être fiers, car la liberté de la presse comme celle qui existe au Maroc n'a pas de prix, elle n'a pas non plus son équivalent dans le monde arabe ou en Afrique.
La presse dite « commerciale et indépendante », oublierait-elle cette réalité intangible qu'elle serait rappelée à l'ordre par les anciennes générations de journalistes qui mesurent, avec justesse et parfois nostalgie, le grand changement en cours. Or, la presse dite indépendante est plutôt obsédée, pour beaucoup de ses titres, par le « scoop », qui incite à « publier avant et mieux que les autres » et qui, au prétexte qu'il faut affronter les pouvoirs, nous fait prendre d'un cœur léger les risques inhérents à ce racolage nouvelle manière. Les yeux rivés sur le tirage, une certaine presse s'évertue à occulter, voire à piétiner les simples règles de base : celle de la responsabilité pour commencer.
Elle est le credo de tout journaliste qui se respecte, elle interdit la diffamation, le racolage des gros titres, la calomnie, le mensonge, et pour ce qui nous concerne l'atteinte délibérée et provocatrice aux institutions et à la personne du Roi, dont l'article 23 de notre Constitution prescrit pour qui sait lire et respecter « l'Esprit des lois » chères au comte de Montesquieu, qu'elle est « inviolable et sacrée ». L'adage affirme que « la loi libère et la liberté opprime », nous dirions qu'ici « la monarchie affranchit et protège, mais la liberté enferme ». La liberté nous enferme dans un prisme et une emprise, celle de croire que nous pourrions attenter impunément aux réputations des uns et des autres sans rendre compte à nos consciences, de nous en prendre aux institutions que des générations d'hommes et de femmes ont mis des années à bâtir, parfois au risque de leur carrière ou de leur vie.
L'information « coup de poing » ou « coup de gueule » est incompatible avec l'exigence de vérité. Si elle sert à accrocher, à racoler, elle est certainement le contraire de la vérité et de l'éthique, l'opposé d'une information fiable. Jamais en effet la mise en scène, inspirée de la provocation délibérée, n'a fondé le principe d'une information vraie.
