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Moulay Mustapha Belarbi Alaoui, in memoriam

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En perdant Moulay Mustapha Belarbi Alaoui, ancien ministre de la Justice, ancien gouverneur de Casablanca, le Maroc a perdu un représentant de l'autorité citoyenne, un «gouverneur du peuple», une figure emblématique de l'engagement, de la rigueur morale et de la rectitude. Il est resté fidèle à son Roi, à son peuple, à son pays et à son corps, l'administration territoriale qu'il a servie depuis son jeune âge. L'évolution est un concept qui n'est applicable à une société que lorsque les indices de la mutation s'avèrent fonctionnels.

C'est-à-dire en mesure de générer une transformation qui affecterait la société tout entière. Au lendemain de l'indépendance du Maroc, dans un pays en pleine euphorie et agitation, il fallait lancer des initiatives évolutionnistes, mais en transition ou suivant un processus contrôlé. La tâche pour la mise en place d'une administration centrale s'est avérée moins difficile que l'instauration d'une administration territoriale.

Et, comme la démocratie n'a jamais été une conséquence immédiate de l'indépendance, qu'après un régime d'adaptation et d'éducation politique, il fallait gérer la transition d'une administration locale coloniale à une administration nationale par des cadres capables d'apaiser et d'apporter le meilleur palliatif aux problèmes nés de la nouvelle situation, c'est dans ces conditions que feu Mohammed V a fait appel à des personnalités parmi les résistants, les nationalistes de l'aristocratie et les figures ayant des prolongements ethniques pour administrer le territoire.

Le Libérateur de la nation, accompagné de feu Hassan II, alors Prince héritier, et à l'occasion de la première réunion des gouverneurs le 12 juin 1955, prononça un important discours qui constitue la toute première annonce du concept d'autorité du Maroc indépendant.

«Vous êtes investis, disait-il, d'une mission auprès du peuple, vous devez l'accomplir avec zèle et dévouement, le seul moyen de vous en acquitter et de vous mettre au service de nos sujets avec autant de bienveillance que de modestie en vous penchant sur leur cas, en entreprenant les réformes nécessaires et en portant le juste remède. C'est ainsi que vous parviendrez à jouir de l'estime du peuple et que la haute fonction à laquelle vous avez été promus sera nécessaire à la vie du pays.

C'est aussi cette attitude qui témoignera que, pour vous, la fonction publique n'est point un chemin qui conduit aux honneurs et à la puissance, ni un moyen pour faire fortune, mais que seul demeure votre but suprême, l'intérêt supérieur de la patrie et le souci de servir la communauté.»

A cette réunion, assistait un jeune cadre militant qui occupait les fonctions de directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur. Il s'appelait Mustapha Belarbi Alaoui. Il deviendra par la suite directeur des Affaires politiques, poste clé dans l'administration territoriale, en charge de l'application du concept royal. Il quitta l'Intérieur en 1960 pour un retour inattendu en 1971.

Feu S.M. Hassan II qui, comme d'habitude, prodiguait ses directives aux gouverneurs à l'occasion de chaque redéploiement dans l'administration territoriale, traita le cas de son nouveau gouverneur à la tête de la préfecture de Casablanca avec un protocole particulier.

Connaissant parfaitement sa capacité naissante d'une formation profonde et de la conscience claire d'un idéal, le défunt souverain, en lui remettant son dahir, se contenta de lui dire : «Tout ce que j'ai à te dire, tu l'as entendu de la bouche du caïd du Méchouar, que Dieu t'aide et te bénisse.» De 1971 à 1977, Moulay Mustapha s'est distingué par un comportement qui faisait école, à la différence de certains responsables qui épousent des manières, des façons de penser, des attitudes politiques et jusqu'aux vêtements et un style les différenciant du commun et les séparant des populations gouvernées.

Moulay Mustapha avait cette devise, une citation, que «toute œuvre humaine, pour être vraiment grande, est une liaison d'amour et d'abnégation». Otage de l'éducation de son père et maître, fqih Belarbi Alaoui, il a toujours accompli sa mission selon le concept défini par feu Mohammed V auprès duquel il a commencé sa carrière.

Dans un contexte différent et une conjoncture tout à fait particulière, quarante-trois ans après le discours du Libérateur, son petit-fils, Sa Majesté Mohammed VI, entama les premiers mois de son règne le 12 octobre 1999 par un important discours sur le «nouveau concept d'autorité». Pour le Souverain, la responsabilité de l'autorité, dans ses différents domaines de compétence, consiste à assurer la protection des libertés, à préserver les droits, à veiller à l'accomplissement des devoirs et à réunir les conditions nécessaires qu'exige l'Etat de droit et ce, à la lumière des choix pour lesquels nous avons optés, à savoir la Monarchie constitutionnelle, le multipartisme le libéralisme économique et les obligations sociales, tels que consacrés dans la pratique.

Cette responsabilité ne saurait être assumée depuis l'intérieur des bureaux administratifs feutrés qui doivent, au demeurant, rester ouverts aux citoyens. Elle exige un contact direct avec ces derniers et un traitement adéquat sur le terrain même de leurs problèmes, en les associant à la recherche des solutions appropriées. L'autorité doit trouver un jeu quasi instinctif, appréhendant l'insaisissable, l'éphémère et même l'impondérable.

A l'heure où le Maroc met en œuvre un système local d'innovation et de développement régional de décentralisation et de déconcentration, ce qui implique un changement d'approche au niveau des profils de responsables territoriaux, l'éthique de la chose publique repose et reposera toujours sur le respect déontologique de l'intérêt général.
Celui-ci ne peut être assumé que par une autorité citoyenne telle que son concept a été tour à tour défini par feu Mohammed V et par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Un credo auquel adhérait avec un militantisme à toute épreuve Mustapha Belarbi Alaoui.
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