C'est la région de Lille-Tournai-Dunkerque qui a accueilli la 36ème session de la conférence du Réseau habitat et francophonie (RHF), qui s'est tenue sous le thème «Mutations économiques, démographie et politiques de l'habitat», inaugurée par Michel Delebarre, président de l'Union sociale pour l'habitat (France), président de la communauté urbaine de Dunkerque, ancien ministre de l'Equipement et des Transports.
Cette rencontre a coïncidé avec le 20ème anniversaire de RHF créé en 1987, programme de coopération au développement centré sur l'habitat à faible coût, ouvert dans un premier temps aux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique et avec la nomination de la jeune Solveig Rakotomalalaau au poste de secrétaire exécutive.
En 1996, RHF élargit son audience à l'ensemble des pays francophones et diversifie ses membres: constructeurs, aménageurs, gestionnaires se réunissent aux côtés des financeurs des banques, des fonds nationaux ou des agences.
Parmi les 25 pays participants, le Maroc était représenté par une importante délégation de directeurs des ERAC du Nord et du Sud, du directeur général adjoint du CIH, Alamine Nejjar, qui est intervenu brillamment sur le thème «Développement économique au Maroc et adaptation en terme d'habitat», du directeur général d'Exprom, du directeur général de Dyar Al Madina, du président de Dyar El Mansour et d'une représentante de la CDG, qui a animé l'atelier «Coopération internationale» du séminaire stratégique de RHF.
Parallèlement à cette manifestation se sont tenus l'assemblée générale et le conseil d'administration du CIDH et la Coopération internationale pour le développement de l'habitat. C'est Mohamed Bastos, président de Dyar El Mansour, filiale de CDG Développement dont la notoriété s'est renforcée sur le plan international, qui a été élu président de cette association internationale créée sous le régime français le 30 décembre 2006, qui regroupe une vingtaine de membres fondateurs dans 3 continents et 10 pays.
Le but de cette association est d'organiser des moyens sur des missions d'expertise technique de maîtrise d'ouvrage, d'expertise technique d'urbanisme, d'expertise financière, d'expertise sociale en mobilisant les compétences disponibles dans les organisations membres. L'association du CIDH, en liaison avec les représentations des Etats, peut s'impliquer dans des initiatives de conseil pour les maîtresd'ouvrage et les pouvoirs publics des pays
membres et intervient à la demande de ces derniers.
Texte de M. Mouillard
Les conférences du Réseau ont souvent rappelé que la réalisation d'objectifs ambitieux mais nécessaires de production de logements abordables exigeait la mise en place de moyens à caractère durable, permettant d'entreprendre des actions qui s'inscrivent dans le temps.
Mais elles ont aussi insisté sur une double nécessité, celle de mobiliser tous les échelons de la décision publique, l'Etat central mais aussi les collectivités locales, autour d'un projet inscrit dans la durée et doté des moyens nécessaires, et ainsi que celle d'intégrer ces politiques de logement volontaristes dans des stratégies acceptables par tous les acteurs et portées par eux. Le développement d'un véritable partenariat d'action avec tous les acteurs du secteur est, en effet, de plus en plus souvent souhaité et mis en œuvre parce qu'il est devenu une nécessité: à côté des acteurs spécialisés traditionnellement engagés dans le combat pour la mise en œuvre du droit au logement, on trouve désormais les collectivités locales, les milieux associatifs et les organisations non gouvernementales, mais aussi les habitants eux-mêmes.
Parce que la mise en œuvre de toute politique du logement exige plusieurs acteurs, aux responsabilités différentes, aux capacités variées, parce que la mise en œuvre d'une bonne politique du logement exige une complémentarité des actions et une approche harmonisée pour atteindre des objectifs partagés.
Dans le cadre d'une stratégie concertée de décentralisation et de bonne gouvernance, l'action des collectivités locales est, en effet, essentielle: autant par l'apport de financements complémentaires, l'aide à la définition et à la réalisation des projets… que par le développement économique et social qu'elles portent dans leurs interventions.
Il s'agit, en effet, de promouvoir «un droit au logement explicitement reconnu par chaque pays et par chaque gouvernement, assorti des moyens conséquents et permanents visant l'accès réel au logement. Cet accès au logement doit pouvoir se faire selon des conditions qui, tout en reflétant le niveau des ressources de chaque pays, conduisent à une réelle réduction des inégalités et contribuent à l'épanouissement des personnes comme au plein exercice de la citoyenneté.
Mais ce droit au logement ne saurait se réduire à un simple droit au toit, à un abri aléatoire et indigne de la personne». Le Réseau habitat et francophonie a donc souhaité réfléchir sur le rôle et la place que les acteurs des politiques locales de l'habitat peuvent avoir dans la mise en œuvre du droit au logement, et donc notamment dans la réalisation de programmes ambitieux de production de logements abordables, parce qu'il est convaincu que le marché ne sait ni ne veut répondre à toutes les demandes, donc a fortiori à celles dont les revenus les excluent de l'accès à un logement digne et confortable.
Les acteurs des politiques locales de l'habitat paraissent, en effet, aujourd'hui incontournables lorsqu'il s'agit de faire face aux crises du logement et de la ville, celles qui risquent de saper l'équilibre des sociétés jusqu'à un point de non retour, celui de la remise en cause de la cohésion des sociétés, celui de leur désintégration.
Cela avait été clairement exposé et débattu à Casablanca lors de la 31ème Conférence du Réseau, mais ces acteurs des politiques locales de l'habitat sont aussi incontournables lorsqu'il s'agit de préparer l'avenir et d'anticiper les conséquences des mutations économiques et des bouleversements démographiques qui s'annoncent.
D'ici 2050, le monde va connaître des bouleversements démographiques considérables. Selon la « Révision 2006 », des projections démographiques mondiales que vient de publier la Division de la population des Nations unies, la population mondiale va encore s'accroître fortement et passer de 6 515 millions de personnes en 2005 à 8 318 millions en 2030 et 9 191 millions en 2050. Le rythme de la hausse tend donc à s'infléchir: + 0,98 % par an de 2005 à 2030, puis 0,50% par an de 2030 à 2050.
Le monde est, en effet, au milieu d'une phase de transition démographique: d'un régime caractérisé par une mortalité et une fécondité élevées vers un autre avec une mortalité et une fécondité faibles:
* Durant le première phase de la transition, la mortalité a diminué et en particulier celle des enfants, de sorte que la population a augmenté fortement tout en rajeunissant;
* Dans la phase actuelle, le taux de fécondité fléchit;
* Dans la troisième et dernière phase, la conjonction d'une hausse de l'espérance de vie et d'une baisse de la fécondité entraînera un vieillissement accéléré de la population.
Globalement, le nombre des jeunes va donc tendre à plafonner et le nombre des personnes en âge de travailler va s'accroître, comme plus tardivement celui des personnes de plus de 65 ans: la population en âge de travailler estimée à 4 192 millions de personnes en 2005 atteindrait alors 5 430 millions en 2030
(+ 1,04 % par an) et 5 875 millions en 2050 (+ 0,39 % par an), mais les pays se trouvent à des stades différents de la transition démographique:
• L'Europe est caractérisée par une forte baisse de la population en âge de travailler et du nombre des jeunes. La montée des plus de 65 ans, dont les effectifs ont, dès 2005, dépassé ceux des jeunes, place cette zone géographique dans le configuration la plus défavorable. Sa population passera ainsi de 804 millions en 2005 à 799 millions en 2030 et à 763 millions en 2050:
1 - Les pays de l'Europe des 15 (avant l'élargissement intervenu entre mai 2004 et janvier 2007) sont appelés à connaître une quasi-stagnation de leur population entre 2005 et 2050 avec, dans le même temps, une diminution sensible de leur population en âge de travailler;
2 - Les pays de l'Europe des 12 (ayant adhéré entre mai 2004 et janvier 2007) connaîtront des évolutions plus défavorables encore.
La baisse de la population en âge de travailler sera très remarquée et de plus en plus rapide;
3 - La situation démographique de la Russie sera tout aussi catastrophique, avec une baisse de la population totale: 144 millions en 2005 et 108 millions en 2050…
• A l'autre bout du spectre, l'Afrique conjugue une forte progression de la population en âge de travailler et une hausse ralentie du nombre des jeunes.
L'augmentation du nombre des personnes de plus de 65 ans sera, en revanche, plus tardive qu'ailleurs. L'Afrique devrait donc voir sa population totale augmenter de 596 millions entre 2005 et 2030, soit au rythme annuel moyen de 2,02 % (respectivement 1 076 millions à l'horizon 2050 et + 1,38 % par an);
• En Amérique et en Asie, mais avec des différences parfois sensibles entre les pays de ces zones géographiques, des évolutions intermédiaires sont attendues: l'Amérique du Nord sera en avance dans le processus de transition, étant déjà entrée dans la troisième phase de la transition.
Les insuffisances de l'offre de logements en France, qui se soldent par un déficit estimé à plus de 800 000 logements, ont en effet nettement accentué les tendances à la hausse des prix constatée au cours des dix dernières années; elles ont renforcé les mécanismes de production des exclusions et de la ségrégation sociale et urbaine; elles ont amplifié les déséquilibres entre les zones centrales convoitées qui se dépeuplent (du fait notamment du vieillissement des ménages qui les occupent) et les banlieues ou les zones périurbaines en expansion démographique et vers lesquelles l'emploi de déplace (faute d'espace mais du fait des coûts de l'accès à la ville).
Partout et logiquement, ces transformations se sont alors accompagnées de la disparition des commerces de proximité (ou au mieux de leur déplacement en périphéries); des zones d'entrepôt se sont développées à proximité des centres commerciaux qui ont «suivi» la demande, les uns et les autres considérant avec attention les différences de coût d'implantation entre le centre et la périphérie…
Aussi est-il à craindre, au regard des désordres humains et environnementaux constatés avec le développement des transports individuels, que le développement d'une offre de maisons individuelles à proximité de la plupart des pôles urbains n'ait constitué en France comme partout que la simple réponse de la demande à une situation qui lui était imposée. L'observation de la situation des villes françaises durant l'«entre-deux guerres» est édifiante à cet égard, si besoin en était.
Faute d'une réponse institutionnelle appropriée et en l'absence d'une écoute de la part des pouvoirs publics, la demande se satisfait toujours d'elle-même: ainsi, entre 1919 et 1939, «pour fuir des conditions de logement bien souvent éprouvantes, dans un parc collectif obsolète et mal entretenu, les classes populaires vont investir les parcelles foncières des banlieues découpées à la hâte et pour leur plus grand profit par les nouveaux spéculateurs.
Ce sont presque toujours des baraques sans confort, sur des terrains non viabilisés qui occupent l'espace et défigurent les villes».
En un mot, une insuffisance généralisée de l'offre et une absence de réflexion sur les enjeux de sa programmation sont trop souvent les causes d'un déséquilibre, qui a altéré l'harmonie des villes et la cohésion sociale.
Les rythmes de construction et d'amélioration des parcs de logements existants sont partout insuffisants et les conditions d'accès au logement sont devenues encore plus difficiles pour les ménages les moins aisés… Ainsi, plus d'un milliard de personnes dans le monde, aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines, sont toujours privées d'un logement convenable et des éléments du confort minimum nécessaire (notamment un accès à l'eau potable impossible).
La nécessité de construire massivement des logements abordables, c'est-à-dire «des logements de qualité qui n'exigent pas un effort financier démesuré pour leurs occupants» pour reprendre la définition débattue à Sherbrooke, lors de la 34ème conférence du Réseau habitat et francophonie, constitue partout une réalité. Même au Québec, la pression des besoins reste forte: le vieillissement de la population, le maintien de flux migratoires élevés, le renforcement des pratiques de décohabitation (séparation, divortialité…) et les exigences de plus de confort vont renforcer la demande de logements dans les prochaines années.
Car il ne faudrait pas se tromper: il ne s'agit pas simplement d'un problème de «pays riches»…«dans ces pays où l'offre de bons logements est abondante, en comparaison de la situation qui s'observe souvent ailleurs, les problèmes demeurent: le «mal-logement» est une réalité pour une proportion non négligeable de la population, dans certaines zones…où ressurgissent même des bidonvilles.
La question du logement est donc loin d'être totalement réglée et les problèmes sont encore devant nous». Mais c'est une crise que tous les pays connaissent et qui exprime les conséquences de l'abandon des politiques globales…avec une ampleur toute inquiétante dans les pays du continent africain. Le directeur général de Dyar Al Madina (Maroc) rappelait, d'ailleurs, à Rennes, lors de la 33ème conférence de RHF, que l'existence d'un profond déséquilibre entre l'offre et la demande est maintenant pleinement reconnu au Maroc: le déséquilibre se résume en un chiffre, celui d'un déficit de 700 à 800 000 logements…sans oublier les populations vivant dans des bidonvilles, celles habitant des logements en état de sur-occupation ou dans des logements insalubres menaçant ruine et qui représentent au total plus de 500 000 ménages.
Alors que l'accroissement de la population marocaine reste soutenu (29,9 millions de personnes en 2004 dont 55% en milieu urbain et 33,3 millions de personnes attendues en 2012 dont 60 % en milieu urbain), les besoins en logements sont estimés à 91 500 unités par an. Ainsi, rajoutait-il, que «de détermination il faut au gouvernement du Maroc pour décider et mettre en œuvre un plan d'actions que les grandes organisations internationales ont du mal à reconnaître dans le contexte de la mondialisation»: c'est le programme «Villes sans bidonvilles» concernant 72 villes, 1000 bidonvilles et plus de 270 000 ménages à l'horizon 2010.
Dans le cas de la France, le constat est comparable. Ainsi, la Fondation Abbé Pierre estime-t-elle dans son rapport 2007 sur «L'état du mal- logement en France» à plus d'un million le nombre de personnes sans domicile fixe ou privées de logement personnel: 100 000 sans domicile fixe, 41 000 en habitats de fortune (cabanes, constructions provisoires …), 100 000 en structures d'hébergement et d'insertion (CHRS, CADA, CPH, résidences sociales…), 100 000 en camping ou en «mobile home», 150 000 hébergées chez des tiers dans des conditions de logement très difficiles, 533 000 dans des hôtels meublés trop souvent insalubres ou inconfortables… Aussi les pouvoirs publics ont-ils, dans ces conditions, estimé nécessaire de légiférer pour promouvoir un droit au logement opposable.
Cette rencontre a coïncidé avec le 20ème anniversaire de RHF créé en 1987, programme de coopération au développement centré sur l'habitat à faible coût, ouvert dans un premier temps aux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique et avec la nomination de la jeune Solveig Rakotomalalaau au poste de secrétaire exécutive.
En 1996, RHF élargit son audience à l'ensemble des pays francophones et diversifie ses membres: constructeurs, aménageurs, gestionnaires se réunissent aux côtés des financeurs des banques, des fonds nationaux ou des agences.
Parmi les 25 pays participants, le Maroc était représenté par une importante délégation de directeurs des ERAC du Nord et du Sud, du directeur général adjoint du CIH, Alamine Nejjar, qui est intervenu brillamment sur le thème «Développement économique au Maroc et adaptation en terme d'habitat», du directeur général d'Exprom, du directeur général de Dyar Al Madina, du président de Dyar El Mansour et d'une représentante de la CDG, qui a animé l'atelier «Coopération internationale» du séminaire stratégique de RHF.
Parallèlement à cette manifestation se sont tenus l'assemblée générale et le conseil d'administration du CIDH et la Coopération internationale pour le développement de l'habitat. C'est Mohamed Bastos, président de Dyar El Mansour, filiale de CDG Développement dont la notoriété s'est renforcée sur le plan international, qui a été élu président de cette association internationale créée sous le régime français le 30 décembre 2006, qui regroupe une vingtaine de membres fondateurs dans 3 continents et 10 pays.
Le but de cette association est d'organiser des moyens sur des missions d'expertise technique de maîtrise d'ouvrage, d'expertise technique d'urbanisme, d'expertise financière, d'expertise sociale en mobilisant les compétences disponibles dans les organisations membres. L'association du CIDH, en liaison avec les représentations des Etats, peut s'impliquer dans des initiatives de conseil pour les maîtresd'ouvrage et les pouvoirs publics des pays
membres et intervient à la demande de ces derniers.
Texte de M. Mouillard
Les conférences du Réseau ont souvent rappelé que la réalisation d'objectifs ambitieux mais nécessaires de production de logements abordables exigeait la mise en place de moyens à caractère durable, permettant d'entreprendre des actions qui s'inscrivent dans le temps.
Mais elles ont aussi insisté sur une double nécessité, celle de mobiliser tous les échelons de la décision publique, l'Etat central mais aussi les collectivités locales, autour d'un projet inscrit dans la durée et doté des moyens nécessaires, et ainsi que celle d'intégrer ces politiques de logement volontaristes dans des stratégies acceptables par tous les acteurs et portées par eux. Le développement d'un véritable partenariat d'action avec tous les acteurs du secteur est, en effet, de plus en plus souvent souhaité et mis en œuvre parce qu'il est devenu une nécessité: à côté des acteurs spécialisés traditionnellement engagés dans le combat pour la mise en œuvre du droit au logement, on trouve désormais les collectivités locales, les milieux associatifs et les organisations non gouvernementales, mais aussi les habitants eux-mêmes.
Parce que la mise en œuvre de toute politique du logement exige plusieurs acteurs, aux responsabilités différentes, aux capacités variées, parce que la mise en œuvre d'une bonne politique du logement exige une complémentarité des actions et une approche harmonisée pour atteindre des objectifs partagés.
Dans le cadre d'une stratégie concertée de décentralisation et de bonne gouvernance, l'action des collectivités locales est, en effet, essentielle: autant par l'apport de financements complémentaires, l'aide à la définition et à la réalisation des projets… que par le développement économique et social qu'elles portent dans leurs interventions.
Il s'agit, en effet, de promouvoir «un droit au logement explicitement reconnu par chaque pays et par chaque gouvernement, assorti des moyens conséquents et permanents visant l'accès réel au logement. Cet accès au logement doit pouvoir se faire selon des conditions qui, tout en reflétant le niveau des ressources de chaque pays, conduisent à une réelle réduction des inégalités et contribuent à l'épanouissement des personnes comme au plein exercice de la citoyenneté.
Mais ce droit au logement ne saurait se réduire à un simple droit au toit, à un abri aléatoire et indigne de la personne». Le Réseau habitat et francophonie a donc souhaité réfléchir sur le rôle et la place que les acteurs des politiques locales de l'habitat peuvent avoir dans la mise en œuvre du droit au logement, et donc notamment dans la réalisation de programmes ambitieux de production de logements abordables, parce qu'il est convaincu que le marché ne sait ni ne veut répondre à toutes les demandes, donc a fortiori à celles dont les revenus les excluent de l'accès à un logement digne et confortable.
Les acteurs des politiques locales de l'habitat paraissent, en effet, aujourd'hui incontournables lorsqu'il s'agit de faire face aux crises du logement et de la ville, celles qui risquent de saper l'équilibre des sociétés jusqu'à un point de non retour, celui de la remise en cause de la cohésion des sociétés, celui de leur désintégration.
Cela avait été clairement exposé et débattu à Casablanca lors de la 31ème Conférence du Réseau, mais ces acteurs des politiques locales de l'habitat sont aussi incontournables lorsqu'il s'agit de préparer l'avenir et d'anticiper les conséquences des mutations économiques et des bouleversements démographiques qui s'annoncent.
D'ici 2050, le monde va connaître des bouleversements démographiques considérables. Selon la « Révision 2006 », des projections démographiques mondiales que vient de publier la Division de la population des Nations unies, la population mondiale va encore s'accroître fortement et passer de 6 515 millions de personnes en 2005 à 8 318 millions en 2030 et 9 191 millions en 2050. Le rythme de la hausse tend donc à s'infléchir: + 0,98 % par an de 2005 à 2030, puis 0,50% par an de 2030 à 2050.
Le monde est, en effet, au milieu d'une phase de transition démographique: d'un régime caractérisé par une mortalité et une fécondité élevées vers un autre avec une mortalité et une fécondité faibles:
* Durant le première phase de la transition, la mortalité a diminué et en particulier celle des enfants, de sorte que la population a augmenté fortement tout en rajeunissant;
* Dans la phase actuelle, le taux de fécondité fléchit;
* Dans la troisième et dernière phase, la conjonction d'une hausse de l'espérance de vie et d'une baisse de la fécondité entraînera un vieillissement accéléré de la population.
Globalement, le nombre des jeunes va donc tendre à plafonner et le nombre des personnes en âge de travailler va s'accroître, comme plus tardivement celui des personnes de plus de 65 ans: la population en âge de travailler estimée à 4 192 millions de personnes en 2005 atteindrait alors 5 430 millions en 2030
(+ 1,04 % par an) et 5 875 millions en 2050 (+ 0,39 % par an), mais les pays se trouvent à des stades différents de la transition démographique:
• L'Europe est caractérisée par une forte baisse de la population en âge de travailler et du nombre des jeunes. La montée des plus de 65 ans, dont les effectifs ont, dès 2005, dépassé ceux des jeunes, place cette zone géographique dans le configuration la plus défavorable. Sa population passera ainsi de 804 millions en 2005 à 799 millions en 2030 et à 763 millions en 2050:
1 - Les pays de l'Europe des 15 (avant l'élargissement intervenu entre mai 2004 et janvier 2007) sont appelés à connaître une quasi-stagnation de leur population entre 2005 et 2050 avec, dans le même temps, une diminution sensible de leur population en âge de travailler;
2 - Les pays de l'Europe des 12 (ayant adhéré entre mai 2004 et janvier 2007) connaîtront des évolutions plus défavorables encore.
La baisse de la population en âge de travailler sera très remarquée et de plus en plus rapide;
3 - La situation démographique de la Russie sera tout aussi catastrophique, avec une baisse de la population totale: 144 millions en 2005 et 108 millions en 2050…
• A l'autre bout du spectre, l'Afrique conjugue une forte progression de la population en âge de travailler et une hausse ralentie du nombre des jeunes.
L'augmentation du nombre des personnes de plus de 65 ans sera, en revanche, plus tardive qu'ailleurs. L'Afrique devrait donc voir sa population totale augmenter de 596 millions entre 2005 et 2030, soit au rythme annuel moyen de 2,02 % (respectivement 1 076 millions à l'horizon 2050 et + 1,38 % par an);
• En Amérique et en Asie, mais avec des différences parfois sensibles entre les pays de ces zones géographiques, des évolutions intermédiaires sont attendues: l'Amérique du Nord sera en avance dans le processus de transition, étant déjà entrée dans la troisième phase de la transition.
Les insuffisances de l'offre de logements en France, qui se soldent par un déficit estimé à plus de 800 000 logements, ont en effet nettement accentué les tendances à la hausse des prix constatée au cours des dix dernières années; elles ont renforcé les mécanismes de production des exclusions et de la ségrégation sociale et urbaine; elles ont amplifié les déséquilibres entre les zones centrales convoitées qui se dépeuplent (du fait notamment du vieillissement des ménages qui les occupent) et les banlieues ou les zones périurbaines en expansion démographique et vers lesquelles l'emploi de déplace (faute d'espace mais du fait des coûts de l'accès à la ville).
Partout et logiquement, ces transformations se sont alors accompagnées de la disparition des commerces de proximité (ou au mieux de leur déplacement en périphéries); des zones d'entrepôt se sont développées à proximité des centres commerciaux qui ont «suivi» la demande, les uns et les autres considérant avec attention les différences de coût d'implantation entre le centre et la périphérie…
Aussi est-il à craindre, au regard des désordres humains et environnementaux constatés avec le développement des transports individuels, que le développement d'une offre de maisons individuelles à proximité de la plupart des pôles urbains n'ait constitué en France comme partout que la simple réponse de la demande à une situation qui lui était imposée. L'observation de la situation des villes françaises durant l'«entre-deux guerres» est édifiante à cet égard, si besoin en était.
Faute d'une réponse institutionnelle appropriée et en l'absence d'une écoute de la part des pouvoirs publics, la demande se satisfait toujours d'elle-même: ainsi, entre 1919 et 1939, «pour fuir des conditions de logement bien souvent éprouvantes, dans un parc collectif obsolète et mal entretenu, les classes populaires vont investir les parcelles foncières des banlieues découpées à la hâte et pour leur plus grand profit par les nouveaux spéculateurs.
Ce sont presque toujours des baraques sans confort, sur des terrains non viabilisés qui occupent l'espace et défigurent les villes».
En un mot, une insuffisance généralisée de l'offre et une absence de réflexion sur les enjeux de sa programmation sont trop souvent les causes d'un déséquilibre, qui a altéré l'harmonie des villes et la cohésion sociale.
Les rythmes de construction et d'amélioration des parcs de logements existants sont partout insuffisants et les conditions d'accès au logement sont devenues encore plus difficiles pour les ménages les moins aisés… Ainsi, plus d'un milliard de personnes dans le monde, aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines, sont toujours privées d'un logement convenable et des éléments du confort minimum nécessaire (notamment un accès à l'eau potable impossible).
La nécessité de construire massivement des logements abordables, c'est-à-dire «des logements de qualité qui n'exigent pas un effort financier démesuré pour leurs occupants» pour reprendre la définition débattue à Sherbrooke, lors de la 34ème conférence du Réseau habitat et francophonie, constitue partout une réalité. Même au Québec, la pression des besoins reste forte: le vieillissement de la population, le maintien de flux migratoires élevés, le renforcement des pratiques de décohabitation (séparation, divortialité…) et les exigences de plus de confort vont renforcer la demande de logements dans les prochaines années.
Car il ne faudrait pas se tromper: il ne s'agit pas simplement d'un problème de «pays riches»…«dans ces pays où l'offre de bons logements est abondante, en comparaison de la situation qui s'observe souvent ailleurs, les problèmes demeurent: le «mal-logement» est une réalité pour une proportion non négligeable de la population, dans certaines zones…où ressurgissent même des bidonvilles.
La question du logement est donc loin d'être totalement réglée et les problèmes sont encore devant nous». Mais c'est une crise que tous les pays connaissent et qui exprime les conséquences de l'abandon des politiques globales…avec une ampleur toute inquiétante dans les pays du continent africain. Le directeur général de Dyar Al Madina (Maroc) rappelait, d'ailleurs, à Rennes, lors de la 33ème conférence de RHF, que l'existence d'un profond déséquilibre entre l'offre et la demande est maintenant pleinement reconnu au Maroc: le déséquilibre se résume en un chiffre, celui d'un déficit de 700 à 800 000 logements…sans oublier les populations vivant dans des bidonvilles, celles habitant des logements en état de sur-occupation ou dans des logements insalubres menaçant ruine et qui représentent au total plus de 500 000 ménages.
Alors que l'accroissement de la population marocaine reste soutenu (29,9 millions de personnes en 2004 dont 55% en milieu urbain et 33,3 millions de personnes attendues en 2012 dont 60 % en milieu urbain), les besoins en logements sont estimés à 91 500 unités par an. Ainsi, rajoutait-il, que «de détermination il faut au gouvernement du Maroc pour décider et mettre en œuvre un plan d'actions que les grandes organisations internationales ont du mal à reconnaître dans le contexte de la mondialisation»: c'est le programme «Villes sans bidonvilles» concernant 72 villes, 1000 bidonvilles et plus de 270 000 ménages à l'horizon 2010.
Dans le cas de la France, le constat est comparable. Ainsi, la Fondation Abbé Pierre estime-t-elle dans son rapport 2007 sur «L'état du mal- logement en France» à plus d'un million le nombre de personnes sans domicile fixe ou privées de logement personnel: 100 000 sans domicile fixe, 41 000 en habitats de fortune (cabanes, constructions provisoires …), 100 000 en structures d'hébergement et d'insertion (CHRS, CADA, CPH, résidences sociales…), 100 000 en camping ou en «mobile home», 150 000 hébergées chez des tiers dans des conditions de logement très difficiles, 533 000 dans des hôtels meublés trop souvent insalubres ou inconfortables… Aussi les pouvoirs publics ont-ils, dans ces conditions, estimé nécessaire de légiférer pour promouvoir un droit au logement opposable.
