Et comme beaucoup de gens, il a toujours remis le projet à plus tard
pour reprendre les termes consacrés.
Sauf que lui est effectivement passé à l'acte : il a mis son projet à exécution. Résultat : un livre de quelque 240 pages affublé d'un titre des plus communs : «Un parcours singulier».
Lui, c'est Kamil El Kholti, personnage à casquettes multiples dont celles de Directeur des écoles Pigier à travers le Maroc, ancien cadre supérieur d'Esso, ancien président des Lion's club, ancien champion du Rally automobile, et même ancien Officier des Forces armées royales. Excusez du peu : Kamil El Kholti fait partie du premier noyau d'officiers marocains formés au lendemain de l'indépendance en 1956.
C'est dire qu'il a des choses à raconter, à nous raconter ! Et il nous les narre dans ce livre de la manière la plus simple : en commençant par le commencement, c'est à dire, la naissance, les parents, la famille, l'époque et le reste.
Le titre a beau être commun, il exprime fidèlement le parcours de Kamil : la singularité, à commencer par la naissance : Combien de marocains sont-ils nés à Paris dans les années 30 ? Qui plus est d'un père marocain et d'une mère française, fille d'officier français. Kamil est de ceux-là. Il voit le jour en 1938, en pleine guerre mondiale dans un couple «mixte» avant le mot. Deuxième singularité et pas des moindres, le père. Mohamed El kholti, l'un des premiers lauréats du lycée Moulay Idriss à Fès qui avaient été admis à poursuivre des études supérieures en France à la fin des années 20. Camarade de classe de Mohamed El Fassi, Mohamed Mekouar, Et les frères Benabdeljalil dont l'un d'eux, devint catholique et plus tard évêque de l'Eglise romaine, il fut également l'ami de Pompidou et de Senghor.
Nationaliste de la première heure, il collabore en 1932, avec Mohamed Balafrej à la création de la revue Maghreb et en 1933, il fonde avec Mohamed Bel Hassan El Ouazzani, l'Action du peuple qui militera pour des réformes au Maroc.
Rentré au Maroc avec sa famille, Mohamed El Kholti devint fonctionnaire aux Affaires chérifiennes et en 1951, il est nommé par S.M. le Roi Mohammed V, délégué du grand vizir aux PTT et à la Radiodiffusion. Une belle carrière en perspective, si ce n'est les aléas de la politique, et d'après Kamil El Kholti, l'injustice des hommes. Toujours est-il que El Kholti père, l'indépendance survenue, se retrouva au banc de touche pour ne pas dire au banc des accusés. Resté en poste après la déposition de Mohammed V le 20 août 53, on lui reprocha sa fidélité à Ben Arafa, le sultan fantoche que le peuple avait unanimement exécré.
Il dut prendre le chemin de l'exil en France où il fit une belle carrière d'enseignant à la Sorbonne. Kamil lui, ainsi que sa mère Marcelle, qui fut directrice de l'école Pigier de Rabat, firent le choix de rester et de faire leur vie au Maroc.
«A la vérité, les péripéties du moment avaient servi de révélateur aux profondes dissenssions qui existaient entre mon père et ma mère. En quelques semaines, une famille en apparence unie allait complètement se désagréger».
El Kholti père ne part pas seul en France, son fils aîné Hedi l'accompagne pour de études supérieures en médecine. Rentré au Maroc, quelques années plus tard, une belle carrière de chirurgien en perspective, il aura à vivre la même deception que le père.
Mais pour l'heure, Le jeune Kamil, alors élève en terminale prend la décision de s'engager dans l'armée en construction : «A cette époque, j'avais décidé de complètement occulter l'incontournable partie française de ma personnalité, mais, à la vérité, il s'agissait beaucoup plus d'une prise de position intellectuelle que d'une réalité factuelle. Déjà ma connaissance plus qu'approximative de l'arabe constituait en soi un handicap quasi insurmontable.»
Et voilà notre jeune homme avec le grade de sous lieutenant après une formation à Saint-Cyr et à Tours en France, il a à peine 18 ans : «nous jouissions d'une grande considération auprès de la population d'un Maroc plein d'enthousiasme savourant cette indépendance retrouvée». Inutile d'espérer des confidences plus ou moins croustillantes sur la grande muette qu'il quitte d'ailleurs au terme de son contrat de cinq ans. Il a 23 ans, et une bonne formation militaire ? Ce qu'il fallait pour entamer une carrière civile avec brio.
C'est à Esso qu'il atterrit comme directeur commercial, mais qu'il ne tarda pas à quitter après une quinzaine d'années de service, à la suite de sa marocanisation en 1973 : «Nous allions passer du concept de gestion américaine d'une société, basé sur la productivité, l'autoformation permanente et la récompense du mérite à celui des influences extérieures, du lobbying de salon, des intrigues et manœuvres de toutes sortes.» Sévère jugement qui dit la médiocrité rampante depuis le temps. Qui dit également la perversité en train de naître et dont le pays peine encore à s'en dégager : «Nous traversions une période irréelle, le pays semblait s'être transformé, pour certains, en un gigantesque casino, on achetait un terrain avec un prêt bancaire à la valeur du jour, on le revendait quelques semaines plus tard, sans avoir même entamé le remboursement du prêt».
A part quelques petites révélations, quelques coups de gueule qui émaillent ici et là le texte, le livre est sans grande prétention.
C'est le genre de projet dont tout un chacun, au soir de la vie, rêve d'entreprendre avant la tombée de rideau, et où on prend plaisir à se raconter, à passer en revue des moments plus ou agréables de sa vie, plus ou moins douloureux ; relater aussi ses amours, ses passions, ses succès, ses frustrations, mais aussi se poser des questions sur son parcours, sur son expérience, sur soi-même.
Ce que fit Kamil El Kholti, avec brio, mais également avec les mêmes tares inhérentes à tout discours autobiographique . Parler de soi a toujours été une entreprise problématique, tout simplement parce qu'on est dans une position inconfortable, à la fois juge et partie. Ce envers quoi, l'indulgence est recommandée.
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pour reprendre les termes consacrés.
Sauf que lui est effectivement passé à l'acte : il a mis son projet à exécution. Résultat : un livre de quelque 240 pages affublé d'un titre des plus communs : «Un parcours singulier».
Lui, c'est Kamil El Kholti, personnage à casquettes multiples dont celles de Directeur des écoles Pigier à travers le Maroc, ancien cadre supérieur d'Esso, ancien président des Lion's club, ancien champion du Rally automobile, et même ancien Officier des Forces armées royales. Excusez du peu : Kamil El Kholti fait partie du premier noyau d'officiers marocains formés au lendemain de l'indépendance en 1956.
C'est dire qu'il a des choses à raconter, à nous raconter ! Et il nous les narre dans ce livre de la manière la plus simple : en commençant par le commencement, c'est à dire, la naissance, les parents, la famille, l'époque et le reste.
Le titre a beau être commun, il exprime fidèlement le parcours de Kamil : la singularité, à commencer par la naissance : Combien de marocains sont-ils nés à Paris dans les années 30 ? Qui plus est d'un père marocain et d'une mère française, fille d'officier français. Kamil est de ceux-là. Il voit le jour en 1938, en pleine guerre mondiale dans un couple «mixte» avant le mot. Deuxième singularité et pas des moindres, le père. Mohamed El kholti, l'un des premiers lauréats du lycée Moulay Idriss à Fès qui avaient été admis à poursuivre des études supérieures en France à la fin des années 20. Camarade de classe de Mohamed El Fassi, Mohamed Mekouar, Et les frères Benabdeljalil dont l'un d'eux, devint catholique et plus tard évêque de l'Eglise romaine, il fut également l'ami de Pompidou et de Senghor.
Nationaliste de la première heure, il collabore en 1932, avec Mohamed Balafrej à la création de la revue Maghreb et en 1933, il fonde avec Mohamed Bel Hassan El Ouazzani, l'Action du peuple qui militera pour des réformes au Maroc.
Rentré au Maroc avec sa famille, Mohamed El Kholti devint fonctionnaire aux Affaires chérifiennes et en 1951, il est nommé par S.M. le Roi Mohammed V, délégué du grand vizir aux PTT et à la Radiodiffusion. Une belle carrière en perspective, si ce n'est les aléas de la politique, et d'après Kamil El Kholti, l'injustice des hommes. Toujours est-il que El Kholti père, l'indépendance survenue, se retrouva au banc de touche pour ne pas dire au banc des accusés. Resté en poste après la déposition de Mohammed V le 20 août 53, on lui reprocha sa fidélité à Ben Arafa, le sultan fantoche que le peuple avait unanimement exécré.
Il dut prendre le chemin de l'exil en France où il fit une belle carrière d'enseignant à la Sorbonne. Kamil lui, ainsi que sa mère Marcelle, qui fut directrice de l'école Pigier de Rabat, firent le choix de rester et de faire leur vie au Maroc.
«A la vérité, les péripéties du moment avaient servi de révélateur aux profondes dissenssions qui existaient entre mon père et ma mère. En quelques semaines, une famille en apparence unie allait complètement se désagréger».
El Kholti père ne part pas seul en France, son fils aîné Hedi l'accompagne pour de études supérieures en médecine. Rentré au Maroc, quelques années plus tard, une belle carrière de chirurgien en perspective, il aura à vivre la même deception que le père.
Mais pour l'heure, Le jeune Kamil, alors élève en terminale prend la décision de s'engager dans l'armée en construction : «A cette époque, j'avais décidé de complètement occulter l'incontournable partie française de ma personnalité, mais, à la vérité, il s'agissait beaucoup plus d'une prise de position intellectuelle que d'une réalité factuelle. Déjà ma connaissance plus qu'approximative de l'arabe constituait en soi un handicap quasi insurmontable.»
Et voilà notre jeune homme avec le grade de sous lieutenant après une formation à Saint-Cyr et à Tours en France, il a à peine 18 ans : «nous jouissions d'une grande considération auprès de la population d'un Maroc plein d'enthousiasme savourant cette indépendance retrouvée». Inutile d'espérer des confidences plus ou moins croustillantes sur la grande muette qu'il quitte d'ailleurs au terme de son contrat de cinq ans. Il a 23 ans, et une bonne formation militaire ? Ce qu'il fallait pour entamer une carrière civile avec brio.
C'est à Esso qu'il atterrit comme directeur commercial, mais qu'il ne tarda pas à quitter après une quinzaine d'années de service, à la suite de sa marocanisation en 1973 : «Nous allions passer du concept de gestion américaine d'une société, basé sur la productivité, l'autoformation permanente et la récompense du mérite à celui des influences extérieures, du lobbying de salon, des intrigues et manœuvres de toutes sortes.» Sévère jugement qui dit la médiocrité rampante depuis le temps. Qui dit également la perversité en train de naître et dont le pays peine encore à s'en dégager : «Nous traversions une période irréelle, le pays semblait s'être transformé, pour certains, en un gigantesque casino, on achetait un terrain avec un prêt bancaire à la valeur du jour, on le revendait quelques semaines plus tard, sans avoir même entamé le remboursement du prêt».
A part quelques petites révélations, quelques coups de gueule qui émaillent ici et là le texte, le livre est sans grande prétention.
C'est le genre de projet dont tout un chacun, au soir de la vie, rêve d'entreprendre avant la tombée de rideau, et où on prend plaisir à se raconter, à passer en revue des moments plus ou agréables de sa vie, plus ou moins douloureux ; relater aussi ses amours, ses passions, ses succès, ses frustrations, mais aussi se poser des questions sur son parcours, sur son expérience, sur soi-même.
Ce que fit Kamil El Kholti, avec brio, mais également avec les mêmes tares inhérentes à tout discours autobiographique . Parler de soi a toujours été une entreprise problématique, tout simplement parce qu'on est dans une position inconfortable, à la fois juge et partie. Ce envers quoi, l'indulgence est recommandée.
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