Menu
Search
Samedi 20 Décembre 2025
S'abonner
close
Samedi 20 Décembre 2025
Menu
Search

Quand Oulad Sayed attend Pasolini

Quand l'univers du cinéma est raconté par le cinéma, on s'attend toujours à beaucoup d'émotion, à une dose d'intimité et à une histoire livrée sur le ton de la confidence.

Quand Oulad Sayed attend Pasolini
Ce sont là les ingrédients du nouvel opus du réalisateur marocain Daoud Oulad Sayed. «En attendant Pasolini» est le 4e long-métrage de ce cinéaste à prix qui a également signé «Adieu Forain» (1998), «Le Cheval de Vent» (2001) et «Tarfaya» (2003). Thami, figurant en série originaire de Ouarzazate, est en état d'apothéose. Il vient d'apprendre que l'équipe d'un film italien arrive dans la région pour un nouveau tournage. Pour lui c'est l'occasion enfin de retrouver son ami Paolo Pasolini. En 1966, arrivé dans le sud marocain pour le tournage de «œdipe Roi», le grand réalisateur italien s'est lié d'amitié avec le figurant Thami, endossé dans le film par l'incomparable Mohamed Majd. Les trois mois de tournage vont suffire au cinéaste italien pour marquer le jeune homme à jamais. Depuis, Thami, profondément lié à son mentor, attend son retour impatiemment… durant 40 ans ! Il n'a jamais su que son ami s'en est allé depuis de longues années. L'annonce de l'arrivée des artistes italiens ne va que raviver sa nostalgie et sa grande admiration qu'il n'hésitera pas à partager avec les habitants de son village.

C'est là que commencent les événements de cette fresque sociale livrée avec émotion, humour et surtout sur un ton satirique bien digeste. Adapté de l'histoire vraie d'un figurant originaire de Ouarzazate, le film nous emmène dans le milieu de la figuration des studios d'une ville convoitée par les cinéastes du monde entier. Avec un certain détachement, la caméra d'Oulad Sayed va rapporter les aventures de ces simples citoyens qui s'improvisent acteurs par besoin. Des personnages atypiques qui, chacun à sa façon, vont livrer leur «petit» combat à leur façon pour décrocher un rôle ou plusieurs rôles dans cette production synonyme d'argent.
Si Thami reste fidèle à la mémoire et aux valeurs de son ancien copain, les autres ne cherchaient par là qu'un accomplissement purement matériel. Avec humour, le réalisateur donnera la parole à ces personnages bien complexes malgré leurs airs simplets. Sous la pression du casting, trafiqué d'ailleurs par les intermédiaires, hommes, femmes et, même, enfants vont déployer tous leurs moyens pour figurer dans ce film sauveur.

Mohamed Majd, alias Thami, Mohammed Bastaoui en père de famille submergé par ses responsabilités, Mostapha Tahtah en «Fquih» schizophrène et manipulateur seront les meneurs de tout ce beau monde. Des protagonistes que le scénariste a pris le soin de peindre minutieusement. Vivants, profondément humains et bien travaillés par leurs ambitions respectives chacun d'eux va servir une intrigue dans l'intrigue. La rencontre de leurs histoires et de leurs vies conférera au film sa structure croisée bien chère au cœur de Daoud Oulad Sayed. Une façon de travail qui évitera au spectateur de s'ennuyer et de marquer des absences. Car il faut le reconnaître tout de même : le rythme des films «daoudiens» est assez lent malgré leur grande valeur esthétique qu'on ne peut nier. Dans «En attendant Pasolini», le point culminant serait l'heure de vérité, qui sera douloureuse d'ailleurs pour le fidèle figurant. Lorsque Thami apprend enfin que son idole est bel et bien morte, c'est tout son univers qui s'effondre. Entre nostalgie insoutenable et flash-back affectés, le personnage rentre en état de déni. Majd joue cette scène avec un excès de théâtralisation.

Un moment qui devrait émouvoir se retrouve ainsi «caricaturé». Peut être que le réalisateur et son acteur cherchaient à servir la sauce sur un ton ironisant, qu'on retrouve d'ailleurs un peu partout dans ce récit. Mais l'effet n'était pas tout à fait réussi. Dommage, vu le grand talent de Majd et son jeu juste et d'habitude bien dosé. Mais cela n'empêche pas que la prestation de ce grand acteur reste toujours aussi convaincante. Dans cette manœuvre, il était bien épaulé par l'inclassable Bastaoui bien à l'aise dans le rôle du père de famille dépassé par les événements, en plus d'un Mostapha Tahtah surprenant et si juste dans le rôle du «Fqih» du village.
------------------------------------

Un film primé

Daoud Oulad Sayed vient de livrer là une comédie dramatique à la couleur locale sur un milieu marginal souvent boudé par les projecteurs, à savoir celui des figurants dans une ville destination du 7e art international. Entre satire, émotion et humour, son quatrième opus a déjà gagné l'estime de la critique. Il a décroché le Prix du meilleur film arabe au Festival international du film au Caire et le «Ousfour d'or», le grand prix de la 6e édition du Festival international du film francophone “Lumière de Safi” en avril dernier. Il lui reste à séduire le grand public et réaliser la difficile équation du succès.
Lisez nos e-Papers