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«Un conte de Noël». Cynique

Avec «Un conte de Noël», il ne faut pas s'attendre à un film féerique et euphorisant, à l'américaine, comme seul Disney sait le faire. Ces espèces de comédies musicales où les comédiens chantent et dansent, alors que la neige ''envahit par sa blancheur les paysages ainsi que l'écran''.

«Un conte de Noël». Cynique
Le spectateur est, quant à lui, toujours gratifié d'un happy end qui lui permet de prolonger ce doux rêve même quand il quitte la salle obscure. Ceux qui ont eu l'occasion de le voir, dernièrement, à l'Institut français de Casablanca s'en sont bien rendu compte. Avec «Un conte de Noël» du réalisateur français, Arnaud Desplechin, il faut oublier toute cette ambiance de fête. Car si, effectivement, le temps du film correspond à cette période de l'année, l'esprit qui s'en dégage n'en est rien caractéristique.

L'histoire qu'il raconte est faite de déchirement, de haine et de rancune. Des sentiments peu communs chez les membres d'une famille normale.
Loin d'être un long fleuve tranquille, la vie de la famille Vuillard est d'abord secouée par la mort du petit Joseph, des suites d'une maladie génétique rare. Devant recevoir une greffe de moelle osseuse de la part d'un proche, il n'a pas eu la chance d'être compatible ni avec sa maman, Junon (Catherine Deneuve) ni avec son papa, Abel (Jean-Paul Roussillon) ni avec sa sœur, Elisabeth (Anne Consigny).

En désespoir de cause, les parents décident de concevoir un autre enfant pour sauver le premier. Mais encore une fois, la chance les boude et met fin à leurs espérances. Joseph meurt et Henri (Mathieu Amalric) n'arrive pas à sauver son frère. Après avoir fait le deuil du petit Joseph, le couple se console en mettant au monde un autre enfant, Ivan. Les années passent, les enfants grandissent et les choses se compliquent. Les rapports qui relient les membres de la famille sont étranges. Entre Henri et sa maman, ce n'est pas le grand amour. Ils se haïssent à mort et font tout pour entretenir la flamme de cette haine le plus longtemps possible. Entre le même Henri et Elisabeth, c'est carrément la guerre. Les relations s'enveniment entre le frère indigne et la sœur outrée par l'insouciance et la mauvaise gestion du premier. C'est alors qu'elle décide de recourir à la justice pour ''le bannir solennellement''. C'est au tribunal qu'elle enterre ce parent abject et immoral. Elle ne veut plus entendre parler de lui et l'interdit d'approcher sa petite famille. Les ponts sont définitivement coupés entre eux.

Mais le destin fait que la famille se réunisse pendant un Noël. Catherine est atteinte de ''la maudite maladie'' et a besoin de la moelle osseuse d'un parent. La fratrie se réunit et c'est alors qu'un magma de sentiments contradictoires et complexes émergent à la surface. La maman, ''forte comme roc'', n'est pas anéantie par la maladie. La rencontre avec le fils haï est un véritable choc des titans. L'apogée de ce rapport hors norme est perceptible à travers une scène emblématique des plus fortes du film. Le fils et sa génitrice son assis comme de vieux amis dans le jardin de la maison. En toute douceur et sérénité, ils étalent leurs ressentiments comme ils parleraient de la pluie et du beau temps.

Les horreurs qu'ils prononcent ne paraissent pas les affecter. «Tu ne m'aimes toujours pas, hein?», interroge le fils. «Mais je ne t'ai jamais aimé», répond la maman. «Moi non plus!», rétorque le fils, fier d'avoir enfin vaincu cette femme qui va bientôt mourir mais qui avoue ne pas dire son dernier mot puisqu'elle espère être greffée par ce même fils qu'elle a toujours rejeté.
En parallèle, on voit défiler des histoires d'amour auxquelles on ne comprend rien, alors que d'autres sortent de l'ombre petit à petit et révèlent des sentiments occultés.

Certains personnages s'enfoncent dans un gouffre sans fond, alors que d'autres tentent par tous les moyens de s'en sortir. Le mal et le bien se côtoient sans que les limites entre les deux soient étanches ou bien définies. Au milieu de ce foisonnement de sentiments complexes, beaucoup de choses échappent au spectateur. Les raisons de cette haine qui dissout cette famille ne sont pas totalement révélées. Elles entretiennent le mystère de cette fable cruelle jusqu'à la fin. Le spectateur est secoué et choqué. La cruauté, qui caractérise les rapports entre des personnages qui ne cessent de régler leurs comptes, ne manque pas d'ambivalence. Ce qui est certain, c'est que l'oeuvre «Un conte de Noël» n'est pas un film de tout repos. On le suit avec un sentiment de malaise face aux personnages étranges qui ne livrent pas tous leurs secrets. On en sort tourmenté par des milliers de questions qui envahissent nos têtes. Somme toute, il ne manque pas de nous emballer.
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Desplechin, l'existentialiste

Dès son premier moyen métrage « La vie des morts » (1991), Arnaud Desplechin est récompensé par le prix Jean Vigo et remarqué par l'ensemble de la profession. Déjà, les thèmes principaux du réalisateur sont présents : distance problématique entre sensualité et intellect, relations hommes-femmes, difficulté de l'aboutissement d'une œuvre. On y voit également nombre d'acteurs avec lesquels il retravaillera ensuite.

Il y a là Emmanuel Salinger, acteur qu'il fera jouer dans La Sentinelle, premier long métrage réalisé en 1992. Très vite, Desplechin est propulsé chef de file d'une nouvelle génération baptisée «Nouveau Cinéma Français» par Les Cahiers du Cinéma. Si Salinger est aussi de l'aventure «Comment je me suis disputé ( ou ma vie sexuelle)», long métrage réalisé en 1996, c'est Mathieu Amalric qui en tient cette fois le premier rôle, ce qui lui vaudra également un César du meilleur jeune espoir. Le succès public de ce film place le réalisateur au rang d'intello tendance existentialiste mondain.

En décembre 2004, Desplechin sortait son 4e long métrage, «Rois et reine» avec comme actrice principale, Emmanuelle Devos. C'est pourtant Mathieu Amalric, par ailleurs époustouflant qui recevra cette année un César du meilleur acteur. En 2008, son Conte de Noël a fait partie de la Sélection officielle du Festival de Cannes.
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