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Une frange sociale très mal connue

Difficile de dire qu'il existe une classe moyenne au Maroc. Les indicateurs permettant de définir cette frange de la société n'ont jamais été précis, changeant au grès des périodes et de la situation économique du pays.

Une frange sociale très mal connue
Toutefois, les spécialistes de la question s'accordent tous à dire que la classe moyenne porte en elle les germes du décollage économique et que sans elle, notamment à travers la consommation et les impôts, l'économie resterait boiteuse. Le discours du Trône est venu pour le rappeler, lancer la réflexion à ce sujet et baliser le terrain pour une nouvelle prise de conscience de l'importance de cette frange sociale : «Aussi, réaffirmons-Nous Notre ferme volonté de veiller à ce que toutes les politiques publiques soient stratégiquement vouées à l'élargissement de la classe moyenne, pour qu'elle soit le socle de l'édifice social, la base de la stabilité, et un puissant catalyseur de la production et de la créativité». Et le Souverain d'annoncer, «Nous sommes, donc, fermement déterminé à oeuvrer pour que les classes moyennes constituent désormais l'épine dorsale de la société équilibrée que nous nous employons à construire». Il s'agit là d'une conviction qui ne tolère pas la moindre équivoque. L'avenir est donc à entrevoir à travers le prisme de l'apport de Marocains, économiquement et socialement, engagés dans le processus de développement.

La vision royale est encore plus large et harmonieuse dans la mesure où ses orientations n'omettent pas le rôle des catégories nanties en matière d'investissement profitant aux autres strates de la société pour un vécu plus digne. Dès son accession au trône, le Souverain a donné toute son attention aux couches démunies. Il a fallu injecter une dose d'espoir suffisamment forte pour lever l'injustice. Aujourd'hui, c'est un autre palier auquel S.M. le Roi s'est attaqué pour donner une nouvelle impulsion à la classe moyenne ayant longtemps souffert de marginalisation pour des raisons politiques, économiques et même sécuritaires. Elle est bel et bien passée par des périodes de fastes et d'autres de rechutes douloureuses. Rappelons que dans les années 1960, la classe moyenne urbaine était une réalité. A l'époque, l'administration avait besoin de recrues moyennant des salaires qui permettaient de vivre plus ou moins décemment.

Dix ans plus tard, la mobilité sociale offerte par l'éducation a permis aux enfants de familles modestes de devenir cadres et même responsables politiques. Ce n'est qu'au début des années 1980 que l'on a commencé à sentir les prémices de régression et paupérisation de la classe moyenne. Les réformes imposées au Maroc, par le Plan d'ajustement structurel (PAS), ont conduit au recul de cette classe, sans oublier la multiplication de l'emploi précaire et du chômage des jeunes diplômés. Dans les années 1990, la situation a empiré. Les partis politiques commençaient à se désengager de leur rôle d'encadrement, tandis que la cherté de la vie se faisait sentir provoquant frustrations voire repli identitaire et dislocations des valeurs de modernité et de citoyenneté. Pour l'économiste Said Essaâdi, cette évolution malencontreuse des choses a fini par provoquer un phénomène de polarisation sociale dans la mesure où l'ascenseur social qui fonctionnait à une certaine époque a fini par se bloquer.

En effet, l'exemple des enseignants est probant dans ce cas de figure. Menant une vie décente dans les années 1960 et 1970, ils ont été prolétarisés au fur et à mesure que les politiques économiques privilégiaient les équilibres macro. Quant au politologue Mohamed Tozy, il regrette le déficit en connaissance de la classe moyenne qui en s'accumulant a fini par complexifier les tentatives de déceler les entrées de compréhension. Pour lui, l'on peut compter dans la même cellule familiale une promiscuité entre trois classes, nantie, moyenne et vulnérable. Sachant aussi que celle qui se trouve au milieu peut facilement basculer vers les deux autres ou bien par l'enrichissement brutal et illicite ou alors en croulant sous le poids de la cherté de la vie. Et c'est là le danger. Contrainte au conservatisme, cette classe est devenue vulnérable facilement influençable par les courants obscurantistes. En effet, à force de l'ignorer, cette frange sociale s'est tournée vers le secteur informel.

Les banques ayant longtemps rechigné à soutenir les PME, par voie de cause à effet, ce basculement dans l'informel s'explique naturellement. Même schéma pour l'industrie. Ce secteur qui pouvait être le récipiendaire d'une classe moyenne stable, puisque plus pérenne, a été tout simplement relégué au second plan face au boom des grands chantiers, de l'immobilier et des télécoms. Aujourd'hui, il est clair que la relance de la classe moyenne nécessite d'abord une nouvelle hiérarchisation des politiques de développement. La réflexion doit donc être multiple et ouverte sur toutes les bonnes idées.
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Réflexions

Après l'orientation royale au sujet de la classe moyenne, l'on s'attend à ce que la réflexion s'intensifie. Pour l'économiste Saïd Essaâdi, au-delà des vœux moralisateurs destinés au privé, l'Etat doit jouer son rôle pour garantir une distribution équitable et une fiscalité plus juste. Selon lui, la fiscalité reste trop lourde pour le salarié, combinée à la cherté de la vie. Le politologue, Mohamed Tozy, quant à lui, pense que des actions montrent déjà l'exemple comme l'accès à des crédits garantis par l'Etat. Et d'ajouter qu'il est temps de s'attaquer à cette énorme pierre d'achoppement qu'est l'informel à travers des encouragements et un traitement personnifié. Aujourd'hui, quelques bribes d'informations peuvent être exploitées pour mieux cibler les priorités en matière d'encouragement de la classe moyenne, en attendant que des études et des enquêtes de qualité suivent.
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