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Le couloir de Taza, «route des Mérinides»

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Toute une série documentaire de «La musique dans la vie» est diffusée cet été sur 2M. Elle est consacrée au fameux « couloir de Taza » et à son arrière-pays ; une région stratégique et historique où s'est toujours joué le destin du pouvoir suprême des différentes dynasties qu'a connues le Maroc. C'est aussi le premier lieu de l'arabisation et de l'islamisation du Maghrib El Aqça. Le couloir de Taza, comme lieu de passage obligé entre l'Est et l'Ouest du Maghreb, en faisait aussi une étape où s'arrêtaient des personnages de renommée comme le poète Lissan Eddin Ibn El Khatib, qui y est venu d'Andalousie avec ses coutumes, ses traditions et sa culture. Ainsi que le célèbre séjour du grand voyageur Ibn Battouta, lors de son retour de Chine.

Les premiers Almohades semblent s'être intéressés à la surveillance du couloir de Taza, séparant le Gharb de l'Oriental, en fondant et entretenant régulièrement le ribât de Taza, considéré alors comme véritable plaque tournante séparant le Maghreb central du Maghreb extrême. C'est là que le pouvoir Béni Mérine fut instauré. Les troupes Almohades furent attaquées et poursuivies à Guercif. Après une telle déroute, la prise de Taza «verrou du Gharb et maintenant sa clé », devenait une simple formalité ouvrant la voie à la prise de Fès par les Mérinides au mois d'août 1248 C'est au 12ème siècle que s'amorce l'invasion zénètienne, s'avançant des Hauts Plateaux et de Figuig vers la Moulouya : c'est ainsi que sont arrivés à l'Est de Taza et dans la basse Moulouya, les Maghraoua, les Bni Waraïn, ainsi que les autres tribus Zénètes, dans le sillage des pasteurs – nomades Béni Mérines.

C'est à partir du 16e siècle, qu'on retrouve enfin les Bni Waraïn fixés dans ce Moyen Atlas Oriental, à l'Ouest de Bou – Iblâne, sur l'emplacement précis où vivent encore aujourd'hui leurs descendants. Au déclin des Almohades, leurs successeurs mérinides occupent Taza dés 1216, considérée alors comme « la clé et le verrou du Gharb », comme le souligne l'auteur du Bayân : «Une fois installé à Taza, Abû Yahya, prince mérinide, fit battre les tambours et hisser les bannières. De toutes parts, les chefs de tribus accompagnés de délégations vinrent lui présenter leur hommage. Car il avait auparavant occupé le rang d'émir au sein des tribus Banû Marîn, mais sans tambours ni étendards». C'est au méchouar que se situe la medersa mérinide, dont Abou El Hassan Ali dota la ville. Le linteau de la porte atteste de la splendeur de ce petit collège, qui recevait ses subsides des biens de la Qaraouiyne de Fès. Si la piété des princes mérinides se manifeste par ces collèges beaux comme des palais, c'est qu'ils en attendent une pépinière de gens efficaces pour leur gouvernement.

D'après le Musnad d'Ibn Marzouq, Abû Al Hassan, le Sultan mérinide qui régna de1331 à 1351, et qui construisit la belle médersa de Taza, «créa un nombre d'enceintes et de Vigies telles que si l'on allume un feu au sommet de l'une d'elles, le signal est répété sur toutes, dans une seule nuit, sur une distance que les caravanes mettent deux mois à parcourir de la ville d'Assafi au pays d'Alger...» Selon Ibn Khaldoun : «Les Beni-Merine, peuple dont la généalogie se rattache à celle des Zenata, avaient leurs lieux de parcours dans la région qui s'étend depuis Figuig à Sijilmassa et, de là, au Moulouya...Les Beni-Merine parcouraient en nomades le désert qui sépare Figuig du Moulouya.

Lors de l'établissement de l'empire Almohade, et même auparavant, ils avaient l'habitude de monter dans le Tell afin de visiter les localités qui s'étendent depuis Guercif jusqu'à Outat. Ces voyages leur permirent de faire connaissance avec les débris de l'ancienne race zénatienne qui habitait la région du Moulouya et de se lier d'amitié avec les Miknassa des montagnes de Taza et les Bni Waraïn tribu Maghraouienne qui occupait les bourgades d'outat, dans le haut Moulouya. Tous les ans, pendant le printemps et l'été, ils parcouraient ces contrées ; ensuite ils descendaient dans leur quartier d'hiver, emportant avec eux une provision de grains pour la subsistance de leurs familles.»
C'est en effet, au sud du couloir de Taza, que passait jadis « la route des mérinides » : la fameuse « Triq Sultan » qui unit Fès au Maroc Oriental via Sefrou, Rchida et Debdou. Le mausolée de Si El Haj Ali Ben Bari est le plus considérable de la plaine des tombeaux de Taza. L'édifice d'époque Mérinide, se situe au dessus de « Triq Sultan» qui sortait de la ville. Vers 1227, les mérinides étaient devenus les maîtres incontestés de « toutes les tribus et campagnes situées entre le Moulouya et le Bou Regreg ». Cette époque est restée liée à des souvenirs de magnificence et presque de légende. On connaît le vieux dicton : «Après les Banû Marîn et les Baû Wattas, il ne reste personne!»
Taza était une ville – caserne. Elle était toujours pleine des armées conquérantes et de visiteurs parce qu'elle était une étape essentielle : étape commerciale, étape militaire stratégique pour la défense de la patrie et pour contrecarrer les attaques venues de l'Est. A l'avènement d'Ahmed El Mansour, son premier acte fut de se poser, dès le début, en adversaire des Turcs.

Or la place forte dont la situation nécessitait le impérativement un armement défensif puissant était Taza. C'est à elle qu'El Mansour devait songer tout d'abord, puisqu'il voulait fermer la porte aux Turcs. C'est donc à ce moment qu'eut lieu semble – t – il la restauration des remparts de Taza, et leur adaptation aux nouvelles conditions de la guerre de siège, auxquelles répondait le Bastioun. Ce qui faisait de Taza une sentinelle du Maroc Oriental. En haute montagne, aux environs de Bou – Iblân, en arrière-pays de Taza, le paysage respire l'agréable fraîcheur de petits sites alpestres. Le montagnard ne parle jamais sans émotion des opulentes prairies de Meskeddâl, qu'embaume le parfum subtil et puissant d'innombrables fleurs champêtres. En langue berbère de haute montagne, « Meskeddâl» signifie «répartir les pâturages », il s'applique à l'ensemble des prairies ainsi réparties entre diverses fractions de tribus Bni Waraïn. La montagne, c'est le domaine de la transhumance d'été, qui commence au mois de mai et s'achève avec la tombée des premières neiges, qui oblige les transhumants à descendre vers la plaine.

C'est au mois de mai que les bergers avaient commencé de s'installer sur ses plantureux pâturages au vert sombre encore frangé de neige éblouissante. Dés les premières chutes de neige au début d'octobre, on commence à voir les transhumants se répandre dans les steppes de Taïzirt, dans la plaine de Tafrata et sur les plateaux de la Gada , que les pluies d'automne ont fait timidement verdoyer. Le transhumant doit fuir la neige et s'abriter du froid de l'hiver, se rapprocher des ses terres, les fumer les ensemencer de maïs, procéder aux emblavures d'automne. Les hommes achèvent à la hâte les labours d'automne, tandis que par petites étapes les Iâzzaben se sont rapprochés des grandes tentes ramenant du Jbel les moutons ayant brouté l'herbe fine et recherchée de la montagne.

Dans cette migration périodique dont la distance n'excède jamais soixante-quinze kilomètres, ils sont suivis peu de temps après par la tribu presque tout entière, qui vient hiverner sur ces pâturages de plaine. Déjà, au 12e siècle, Al Idrissi signale la qualité des laines produites en ce Moyen Atlas Oriental. Sous le règne du Sultan mérinide Abû Inan, les chroniqueurs vantent la beauté du tapis marocain, comparé aux parterres fleuris. La similitude est frappante entre les belles mosaïques romaines de Volubilis et les tapis Bni Waraïn. En ce Maroc des hauteurs enneigées, le tapis qui constitue le principal élément du trousseau de la mariée, permet une meilleure isolation du sol. Tout un cycle de légende est lié au massif de Bou-Iblâne, enneigé et inhabitable en hiver. Ainsi que de «Moussa Ou Saleh», son plus haut sommet, qui culmine à 3215 mètres d'altitude. Historiquement le nom de «Moussa Ou Saleh » évoque la vieille rivalité entre le roi fatimide de Tlemcen et les Baou Saleh du royaume de Nokour, qui fleurissait sur la basse Moulouya au 10e siècle. Le cèdre de l'Atlas, espèce essentiellement montagnarde, garnit le sommet de Bou – Iblâne à plus de 2000 mètres d'altitude. Arbre millénaire sur montagne légendaire, le cèdre est le symbole de l'éternelle jeunesse, puisqu'on en trouve des spécimens qui datent de 1200 ans.

*Ethnomusicologue

La danse du baroud

Chez les Ghiata, le printemps revêt une exubérance certaine. Avec cette végétation luxuriante, ces chants d'oiseaux au creux des bocages et aux cimes des arbres, on comprend
l'enthousiasme des anciens voyageurs andalous qui sont passés par là.
C'est une fraîche oasis qui fait un agréable contraste avec les paysages dénudés de l'Est, donnant à la campagne de Taza une dimension méditerranéenne particulièrement riante.

C'est le domaine de «la danse du baroud» : c'est une danse rythmique qui a des prolongements dans l'Oriental marocain, à Guercif, Oujda, Berkane, jusqu'en Algérie, où on retrouve une danse similaire. Echappée aux plis orientaux du Moyen Atlas où elle a sa source, la Moulouya irrigue de riches oasis, qui interrompent la monotonie désolée de ces steppes de l'Est, ce pays de l'armoise et du vent. C'est par ces paysages steppiques aux environs de Guercif, que commence véritablement, l'Oriental Marocain, qui s'oppose par son aridité aux plaines verdoyantes et humides du Maroc atlantique. Ici, on ressent davantage, les vents d'Est de la steppe, que les vents d'Ouest du Gharb.

C'est le territoire des Hawwâra Oulad Rahou, ces pasteurs nomades, attestés à l'Est de Taza, bien avant l'avènement des Idrissides. Ils firent partie des premiers berbères Zénètes, qui accompagnèrent Tariq Ibn Ziad(qui légua son nom à Gibraltar), dans sa campagne de l'Espagne. Le nom – même de Melilia, signalé dès le 10e siècle, provient d'une fraction Hawwâra.

Musicalement, ce qui prédomine à Guercif, ce sont plutôt des airs venus de l'Est. D'abord, la danse populaire – dite «Ras El Oued » - issue des hauts plateaux oranais, milieu steppique et semi – nomade. Ensuite le genre «Sseff», chant des femmes de l'Oriental, appelé par ailleurs « laâroubi» (le campagnard).
C'est de lui qu'est issu le raï oranais, qui a également ses émules à Guercif. L'oued Lahdar traverse tout le pays Branès depuis la vallée de l'Innaouen jusqu'au sommet du mont Taïneste .
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