Le Matin : Quand on parle du dialogue social, la première doléance est relative à l'augmentation des salaires. Les offres gouvernementales ne semblent pas satisfaire les syndicats. Pourquoi ?
Hamid Chaibi : Si vous le permettez, j'aimerais d'abord mettre l'accent sur l'environnement dans lequel se déroule le dialogue social, qui se caractérise par une flambée sans précédent des prix du pétrole et des denrées alimentaires sur le marché international.
Face à cette situation, et en vue de protéger le pouvoir d'achat des citoyens marocains, le gouvernement a décidé de ne pas répercuter ces hausses sur le consommateur et de supporter la charge qui en découle à travers la compensation, ce qui va porter sa charge totale à près de 40 milliards de
dirhams (pour un cours du pétrole de 120$ le baril), soit un coût supplémentaire de 20 milliards de dirhams par rapport à la loi des finances 2008.
Il s'agit là d'une décision forte de signification qui met en exergue la politique sociale du gouvernement de façon générale et la contribution à la préservation du pouvoir d'achat des citoyens en particulier.
De plus et en dépit de la forte contrainte budgétaire qui découle de cette décision, le gouvernement a aussi décidé de ne pas réduire le budget d'investissement pour financer la charge additionnelle de la compensation.
Pourquoi a-t-on pris la décision de ne pas réduire le budget d'investissement ?
La décision de geler les prix des produits compensés et de ne pas répercuter les hausses intervenues sur le marché
mondial reflète la très forte volonté du gouvernement de préserver le pouvoir d'achat des citoyens marocains aussi bien les salariés des secteurs public et privé que les plus démunis qui n'ont pas de revenu permanent.
Concernant les dépenses d'investissement financées par le budget de l'Etat au titre de l'année 2008, il convient tout d'abord de rappeler qu'elles
ont enregistré une forte hausse de 42% par rapport à l'année 2007. La préservation de l'enveloppe consacrée à ces dépenses d'investissement répond quant à elle à une logique de développement du pays et vise à créer et à renforcer les conditions favorables pour une croissance forte et soutenue de l'économie nationale, qui permettra non seulement d'améliorer le revenu de ceux qui ont un emploi mais aussi, et surtout, de créer des possibilité additionnelles
d'emploi et donc de générer des revenus pour ceux qui n'en ont pas aujourd'hui.
Ces deux décisions majeures constituent, à mon sens, un gage de confiance du gouvernement dans les capacités de l'économie marocaine de relever les challenges auxquels elle est confrontée aujourd'hui.
Voici le cadre dans lequel se déroule le dialogue social aujourd'hui.
Le gouvernement signale que la démarche adoptée est différente en dépit des critiques des syndicats. Quelle est la particularité de l'offre gouvernementale ?
Par le passé et pour les fonctionnaires de l'Etat, le dialogue social revêtait souvent un caractère sectoriel ou catégoriel. De plus, il portait sur le salaire brut et intervenait après des périodes de gel des salaires plus ou moins longues.
Le présent dialogue social se base sur une approche novatrice qui vise l'amélioration du revenu, et donc du salaire net, d'une façon juste et équitable pour tous les fonctionnaires de l'Etat. Ainsi, la proposition du gouvernement est de revaloriser les revenus des fonctionnaires de l'Etat de 10,4% sur la période 2008- 2012. De plus, le gouvernement a proposé d'augmenter le montant des allocations familiales de 150 DH à 200 DH par mois pour les trois premiers enfants.
Sur quelle base s'est fait le calcul ?
La revalorisation des revenus de 10,4% est une proposition qui s'est basée à l'origine sur l'évolution de l'inflation constatée au cours des dernières années dans notre pays et qui tient compte aussi de la non répercussion des hausses des prix des produits compensés.
Toutefois, permettez moi de souligner que l'offre du gouvernement a réservé un traitement plus avantageux au profit des fonctionnaires classés dans les échelles à moyen et bas salaires (échelles 1à 7) qui souffrent, par conséquent, beaucoup plus du renchérissement d'un certain nombre de produits non compensés par l'Etat. Ainsi, l'augmentation sera de 10,4 % mais avec un minimum de 300 dirhams par mois. De ce fait, et à titre d'illustration, l'échelle 1 dont le salaire net actuel est de près de 1650 dirhams, verra son revenu net augmenter de 450 DH par mois, pour une personne ayant 3 enfants, soit une hausse de 20,4% représentant près du double de ce qui est proposé pour les hauts salaires.
Par ailleurs, le gouvernement propose d'accélérer les améliorations de revenus des échelles 1 à 9 qui seront débloquées en deux tranches : juillet 2008 et Juillet 2009 alors que celles des échelles 10 et plus n'interviendra qu'à partir de janvier 2009 à travers la réforme de l'impôt sur le revenu.
C'est cette différenciation qui met en valeur l'effort du gouvernement en faveur des couches les plus démunies dans une vision d'équité sociale.
Comment se fera l'augmentation de revenu proposée par le gouvernement ?
La proposition d'amélioration de revenu sera obtenue selon différentes approches en fonction des catégories de fonctionnaires.
Ainsi, la hausse des revenus des échelles 1à 7 sera obtenue par une augmentation des salaires bruts, sachant que cette catégorie n'est pas soumise actuellement à l'impôt sur le revenu. Les augmentations des salaires nets de cette catégorie de fonctionnaires varieront entre 300 à 359 DH par mois, soit une hausse de 10,4% à 18%. Pour les échelles 8 et 9, l'amélioration du revenu sera générée par l'effet conjugué de la baisse de l'impôt sur le revenu et d'une augmentation des salaires bruts. Les augmentations des salaires nets de cette catégorie varieront entre 316 à 459 DH par mois, soit une hausse de 10,4%.
Enfin, pour les échelles 10 et au-delà, l'amélioration du revenu proviendra essentiellement de la baisse de l'impôt sur le revenu. Les augmentations de salaires qui en résulteront varieront entre 432 et 4138 dirhams par mois.
A ces augmentations viendront s'ajouter, bien sûr, la hausse des allocations familiales dont j'ai parlé précédemment.
Il est à signaler que la baisse de l'impôt sur le revenu, qui s'inscrit dans le processus de la réforme fiscale préconisée par le programme gouvernemental, permettra de faire baisser la pression fiscale dans notre pays et de générer par conséquent des revenus additionnels dont vont bénéficier aussi bien les fonctionnaires de l'Etat que les salariés du secteur privé.
Elle permettra aussi de favoriser le recrutement de cadres par l'entreprise privée tout en améliorant l'attractivité de notre pays. Je soulignerai pour conclure sur cet aspect que le personnel des établissements publics à caractère administratifs et des collectivités locales bénéficiera également des mesures proposées par le gouvernement.
Mais, on parle d'une augmentation de 4.000 dirhams pour des hauts cadres. Cela ne va-t-il pas creuser davantage le fossé social entre les salariés ?
Le montant que vous citez n'est dévolu qu'à une cinquantaine de personnes sur les 570.000 fonctionnaires concernés par l'amélioration de revenu. Il s'agit dans les faits des professeurs d'enseignement supérieur en médecine qui jouent un rôle important dans la mise en œuvre de la réforme de la santé dans notre pays. Autrement, l'amélioration de revenu des échelles 11 et plus tournera autour de 1300 DH par mois. De plus, vous constaterez que le taux d'amélioration du revenu proposé par le gouvernement est plus élevé pour les échelles à bas salaires que pour les hauts salaires.
En dépit des chiffres avancés, les travailleurs sont confrontés à la hausse du coût de la vie qui dépasse les augmentations proposées…
Je pense que les propositions gouvernementales sont de nature, notamment pour les échelles à revenus faibles et intermédiaires, à permettre aux citoyens de faire face à l'augmentation des prix de certains produits surtout que l'amélioration des revenus de cette catégories est élevée (20% pour l'échelle1) et que l'Etat a décidé de ne pas répercuter les hausses des cours mondiaux pour les produits compensés.
De plus, il convient de souligner que la proposition du gouvernement correspond à un important effort sur le plan budgétaire puisqu'elle représente un coût de plus de 15 milliards de dirhams par an, et le rythme moyen annuel d'augmentation des revenus sur la période 2008-2012 est plus élevé que ce qui a été accordé par le passé. Cet important effort reflète la volonté du gouvernement de permettre aux citoyens marocains de faire face aux augmentations que vous avez citées.
Mais, au niveau du privé, on sent qu'il y a eu moins d'efforts. Pourquoi ?
Concernant les salariés du privé, il y a lieu de souligner qu'ils vont bénéficier, de la même manière que le personnel de l'Etat, de l'amélioration de salaire générée par la baisse de l'impôt sur le revenu, pour ceux qui y sont assujettis.
Maintenant, pour ce qui est des salariés payés au SMIG, l'augmentation de revenu recherchée doit aussi tenir compte des capacités de l'entreprise marocaine à faire face à la hausse proposée, surtout dans certains secteurs qui sont soumis à une forte concurrence internationale et qui subissent aussi les effets de l'évolution du taux de change de certaines devises.
Il faut, à mon sens, éviter qu'une trop forte hausse du SMIG n'aboutisse à l'effet inverse de ce qui est recherché, à savoir des pertes d'emploi plutôt qu'une amélioration de revenu. Il faut enfin veiller à ce que l'entreprise marocaine soit en position d'améliorer les revenus de ses salariés actuels mais aussi créer plus d'emplois nouveaux au profit des chômeurs et des jeunes en cours de formation qui vont arriver sur le marché du travail.
Entretien réalisé par Jihane Gattioui
Hamid Chaibi : Si vous le permettez, j'aimerais d'abord mettre l'accent sur l'environnement dans lequel se déroule le dialogue social, qui se caractérise par une flambée sans précédent des prix du pétrole et des denrées alimentaires sur le marché international.
Face à cette situation, et en vue de protéger le pouvoir d'achat des citoyens marocains, le gouvernement a décidé de ne pas répercuter ces hausses sur le consommateur et de supporter la charge qui en découle à travers la compensation, ce qui va porter sa charge totale à près de 40 milliards de
dirhams (pour un cours du pétrole de 120$ le baril), soit un coût supplémentaire de 20 milliards de dirhams par rapport à la loi des finances 2008.
Il s'agit là d'une décision forte de signification qui met en exergue la politique sociale du gouvernement de façon générale et la contribution à la préservation du pouvoir d'achat des citoyens en particulier.
De plus et en dépit de la forte contrainte budgétaire qui découle de cette décision, le gouvernement a aussi décidé de ne pas réduire le budget d'investissement pour financer la charge additionnelle de la compensation.
Pourquoi a-t-on pris la décision de ne pas réduire le budget d'investissement ?
La décision de geler les prix des produits compensés et de ne pas répercuter les hausses intervenues sur le marché
mondial reflète la très forte volonté du gouvernement de préserver le pouvoir d'achat des citoyens marocains aussi bien les salariés des secteurs public et privé que les plus démunis qui n'ont pas de revenu permanent.
Concernant les dépenses d'investissement financées par le budget de l'Etat au titre de l'année 2008, il convient tout d'abord de rappeler qu'elles
ont enregistré une forte hausse de 42% par rapport à l'année 2007. La préservation de l'enveloppe consacrée à ces dépenses d'investissement répond quant à elle à une logique de développement du pays et vise à créer et à renforcer les conditions favorables pour une croissance forte et soutenue de l'économie nationale, qui permettra non seulement d'améliorer le revenu de ceux qui ont un emploi mais aussi, et surtout, de créer des possibilité additionnelles
d'emploi et donc de générer des revenus pour ceux qui n'en ont pas aujourd'hui.
Ces deux décisions majeures constituent, à mon sens, un gage de confiance du gouvernement dans les capacités de l'économie marocaine de relever les challenges auxquels elle est confrontée aujourd'hui.
Voici le cadre dans lequel se déroule le dialogue social aujourd'hui.
Le gouvernement signale que la démarche adoptée est différente en dépit des critiques des syndicats. Quelle est la particularité de l'offre gouvernementale ?
Par le passé et pour les fonctionnaires de l'Etat, le dialogue social revêtait souvent un caractère sectoriel ou catégoriel. De plus, il portait sur le salaire brut et intervenait après des périodes de gel des salaires plus ou moins longues.
Le présent dialogue social se base sur une approche novatrice qui vise l'amélioration du revenu, et donc du salaire net, d'une façon juste et équitable pour tous les fonctionnaires de l'Etat. Ainsi, la proposition du gouvernement est de revaloriser les revenus des fonctionnaires de l'Etat de 10,4% sur la période 2008- 2012. De plus, le gouvernement a proposé d'augmenter le montant des allocations familiales de 150 DH à 200 DH par mois pour les trois premiers enfants.
Sur quelle base s'est fait le calcul ?
La revalorisation des revenus de 10,4% est une proposition qui s'est basée à l'origine sur l'évolution de l'inflation constatée au cours des dernières années dans notre pays et qui tient compte aussi de la non répercussion des hausses des prix des produits compensés.
Toutefois, permettez moi de souligner que l'offre du gouvernement a réservé un traitement plus avantageux au profit des fonctionnaires classés dans les échelles à moyen et bas salaires (échelles 1à 7) qui souffrent, par conséquent, beaucoup plus du renchérissement d'un certain nombre de produits non compensés par l'Etat. Ainsi, l'augmentation sera de 10,4 % mais avec un minimum de 300 dirhams par mois. De ce fait, et à titre d'illustration, l'échelle 1 dont le salaire net actuel est de près de 1650 dirhams, verra son revenu net augmenter de 450 DH par mois, pour une personne ayant 3 enfants, soit une hausse de 20,4% représentant près du double de ce qui est proposé pour les hauts salaires.
Par ailleurs, le gouvernement propose d'accélérer les améliorations de revenus des échelles 1 à 9 qui seront débloquées en deux tranches : juillet 2008 et Juillet 2009 alors que celles des échelles 10 et plus n'interviendra qu'à partir de janvier 2009 à travers la réforme de l'impôt sur le revenu.
C'est cette différenciation qui met en valeur l'effort du gouvernement en faveur des couches les plus démunies dans une vision d'équité sociale.
Comment se fera l'augmentation de revenu proposée par le gouvernement ?
La proposition d'amélioration de revenu sera obtenue selon différentes approches en fonction des catégories de fonctionnaires.
Ainsi, la hausse des revenus des échelles 1à 7 sera obtenue par une augmentation des salaires bruts, sachant que cette catégorie n'est pas soumise actuellement à l'impôt sur le revenu. Les augmentations des salaires nets de cette catégorie de fonctionnaires varieront entre 300 à 359 DH par mois, soit une hausse de 10,4% à 18%. Pour les échelles 8 et 9, l'amélioration du revenu sera générée par l'effet conjugué de la baisse de l'impôt sur le revenu et d'une augmentation des salaires bruts. Les augmentations des salaires nets de cette catégorie varieront entre 316 à 459 DH par mois, soit une hausse de 10,4%.
Enfin, pour les échelles 10 et au-delà, l'amélioration du revenu proviendra essentiellement de la baisse de l'impôt sur le revenu. Les augmentations de salaires qui en résulteront varieront entre 432 et 4138 dirhams par mois.
A ces augmentations viendront s'ajouter, bien sûr, la hausse des allocations familiales dont j'ai parlé précédemment.
Il est à signaler que la baisse de l'impôt sur le revenu, qui s'inscrit dans le processus de la réforme fiscale préconisée par le programme gouvernemental, permettra de faire baisser la pression fiscale dans notre pays et de générer par conséquent des revenus additionnels dont vont bénéficier aussi bien les fonctionnaires de l'Etat que les salariés du secteur privé.
Elle permettra aussi de favoriser le recrutement de cadres par l'entreprise privée tout en améliorant l'attractivité de notre pays. Je soulignerai pour conclure sur cet aspect que le personnel des établissements publics à caractère administratifs et des collectivités locales bénéficiera également des mesures proposées par le gouvernement.
Mais, on parle d'une augmentation de 4.000 dirhams pour des hauts cadres. Cela ne va-t-il pas creuser davantage le fossé social entre les salariés ?
Le montant que vous citez n'est dévolu qu'à une cinquantaine de personnes sur les 570.000 fonctionnaires concernés par l'amélioration de revenu. Il s'agit dans les faits des professeurs d'enseignement supérieur en médecine qui jouent un rôle important dans la mise en œuvre de la réforme de la santé dans notre pays. Autrement, l'amélioration de revenu des échelles 11 et plus tournera autour de 1300 DH par mois. De plus, vous constaterez que le taux d'amélioration du revenu proposé par le gouvernement est plus élevé pour les échelles à bas salaires que pour les hauts salaires.
En dépit des chiffres avancés, les travailleurs sont confrontés à la hausse du coût de la vie qui dépasse les augmentations proposées…
Je pense que les propositions gouvernementales sont de nature, notamment pour les échelles à revenus faibles et intermédiaires, à permettre aux citoyens de faire face à l'augmentation des prix de certains produits surtout que l'amélioration des revenus de cette catégories est élevée (20% pour l'échelle1) et que l'Etat a décidé de ne pas répercuter les hausses des cours mondiaux pour les produits compensés.
De plus, il convient de souligner que la proposition du gouvernement correspond à un important effort sur le plan budgétaire puisqu'elle représente un coût de plus de 15 milliards de dirhams par an, et le rythme moyen annuel d'augmentation des revenus sur la période 2008-2012 est plus élevé que ce qui a été accordé par le passé. Cet important effort reflète la volonté du gouvernement de permettre aux citoyens marocains de faire face aux augmentations que vous avez citées.
Mais, au niveau du privé, on sent qu'il y a eu moins d'efforts. Pourquoi ?
Concernant les salariés du privé, il y a lieu de souligner qu'ils vont bénéficier, de la même manière que le personnel de l'Etat, de l'amélioration de salaire générée par la baisse de l'impôt sur le revenu, pour ceux qui y sont assujettis.
Maintenant, pour ce qui est des salariés payés au SMIG, l'augmentation de revenu recherchée doit aussi tenir compte des capacités de l'entreprise marocaine à faire face à la hausse proposée, surtout dans certains secteurs qui sont soumis à une forte concurrence internationale et qui subissent aussi les effets de l'évolution du taux de change de certaines devises.
Il faut, à mon sens, éviter qu'une trop forte hausse du SMIG n'aboutisse à l'effet inverse de ce qui est recherché, à savoir des pertes d'emploi plutôt qu'une amélioration de revenu. Il faut enfin veiller à ce que l'entreprise marocaine soit en position d'améliorer les revenus de ses salariés actuels mais aussi créer plus d'emplois nouveaux au profit des chômeurs et des jeunes en cours de formation qui vont arriver sur le marché du travail.
Entretien réalisé par Jihane Gattioui
