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Le piratage dans la ligne de mire

Qui d'entre nous ne s'est pas «approvisionné» en DVD ou en CD chez un vendeur à la sauvette au coin d'une rue ou en faisant un petit tour du côté de Derb Ghallef ?

Le piratage dans la ligne de mire
Sans trop se poser de questions, on s'achète trois ou quatre produits piratés pour passer la soirée, découvrir les dernières productions et rester toujours in en terme d'actualité cinématographique ou musicale. Ce qu'on ne sait pas ou qu'on oublie souvent, c'est qu'on est tout à fait «out law». Le simple geste de s'acheter un produit piraté est une participation active à un ‘'crime'' que la loi internationale et celle marocaine pénalisent… en principe. Mais la réalité est autre chose. Le marché florissant du piratage a fait le bonheur de beaucoup de gens et surtout le malheur des ayants droit, y compris les artistes, les producteurs, les distributeurs et les exploitants.

Les ravages…
«Fatal! L'impact du piratage sur le secteur cinématographique est catastrophique, c'est un ''cancer'' qui ronge le cinéma à tous les niveaux, que ce soit à la production, la distribution ou l'exploitation». C'est en ces termes qu'Imane Mesbahi, distributrice marocaine, décrit la situation. Dans cet état d'esprit désespéré, elle n'est pas la seule. Depuis quelques temps, des voix commencent à s'élever ici et là pour dénoncer un secteur «parallèle» de production artistique… illégale. Des salles de cinéma qui disparaissent progressivement aux producteurs musique qui ont fermé boutique en passant par les artistes dégoûtés de voir perdre le fruit de leur travail, la situation n'augure rien de bon.

Le «tsunami» du piratage, comme aiment à le qualifier quelques-uns, n'épargne rien et emporte tout sur son passage. Cinéma, télévision, musique, logiciels… C'est une machine impitoyable qui est en train de broyer tous les genres de créations qu'elles soient nationales ou internationales. Mais si c'est l'avis des professionnels, le public ou plutôt le consommateur, lui, en pense autrement.
Il faut dire que le piratage, qui est en ce moment dans la ligne de mire de plusieurs institutions et associations, n'a pas que des ennemis. Il faut reconnaître que malgré toutes les tentatives de sensibilisation du public quant à la «criminalité» du simple geste d'aller acheter quelques DVD piratés, les choses n'ont pas trop changé. «Les consommateurs ne résistent pas à l'attrait du DVD à 10 ou à 8 DH, c'est abordable puisque le produit coûte beaucoup moins cher que celui original.

Pour le prix d'un seul film, on peut en avoir quatre», nous lance Rachid, jeune vendeur à la sauvette, qui a élu domicile au coin d'une rue bien animée de Belvédère. Un argumentaire qui met en colère les associations qui luttent contre le piratage. Nabil Ayouch, président de l'Association marocaine de lutte contre le piratage (AMLP), déplore cette logique et démontre la fausseté de ce calcul: «Il faut savoir qu'un DVD original coûte 39 DH et un CD de musique 25 à 30 DH. Quand on s'approvisionne chez un vendeur à la sauvette, on va acheter «en gros». C'est très courant comme attitude. Trois ou quatre films ou albums achetés: un ne marche pas, l'autre est sans menu, le troisième ne va même pas être visionné… Par chance, on aura un seul de valable». Des «pertes» qui ne dissuadent pas toutefois de passer chez son vendeur, au coin de la rue, le soir en rentrant chez soi.

«Le facteur proximité est très important dans cette attitude. Ceci sans oublier que la plupart de nos concitoyens sont inconscients de la gravité de ce simple geste. Ils ne savent pas que c'est illégal et que c'est passible d'une amende ou même d'une peine de prison», explique Mehdi Benslim, président de l'Association marocaine des métiers de la musique (AMM) et directeur de la maison Clic Records. Le responsable insiste également sur le laisser-aller des pouvoirs publics qui a abouti à la crise. «Le minimum ne se fait pas!
Quand une estafette de police passe à côté de l'échoppe d'un vendeur de DVD piratés sans intervenir, cette attitude encourage et le commerçant et le consommateur. Il faut reconnaître que le secteur de la musique n'était pas pris trop au sérieux par l'Etat. La sonnette d'alarme lancée bien avant n'était pas pris en considération», s'insurge le responsable.

Plan d'action
Un constat triste mais qui ne l'empêche pas quand même d'entreprendre des actions en tant que producteur et qu'acteur associatif sous l'égide de l'AMLP. «Nous avons trois volets d'action pour éradiquer le piratage» annonce-t-il.
Parmi ces derniers, le volet répression en coopération avec le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice. Au-delà des petits vendeurs, les responsables vont chercher les «gros poissons», les véritables coupables. «Les coupables, ce sont ceux qui dupliquent à grande échelle.
Ceux qui, quand tu vas dans leurs appartements, leurs villas ou même leurs usines, tu trouves 20, 30 ou 40 tours de duplications en marche et dont chacun produit jusqu'à 300 CD ou DVD à longueur de la journée», précise Nabil Ayouch. Pour le réalisateur «engagé» à fond dans cette lutte, ces «criminels», qui ne sont pas nombreux d'ailleurs, ont réussi à industrialiser le processus de piratage d'où le grand danger. Répartis sur l'ensemble du territoire marocain, ils sont traqués par les éléments de la police.

Des «informateurs» employés par l'AMLP sont en permanence sur le terrain pour le repérage de ces producteurs à grande échelle. Des résultats ? «Une dizaine d'arrestations et des saisies de milliers de CD et de DVD piratés. Depuis quatre mois que l'AMLP existe maintenant, vous ne pouvez plus trouver de films marocains piratés à Derb Ghallef», lance avec fierté, N. Ayouch.
En plus de la répression, les détracteurs du piratage, misent sur le volet commercial qui consiste en la mise en place d'une traçabilité par rapport à l'importation des CD vierges. «Elaboré avec le ministère du Commerce, ce système
va nous permettre de savoir qui importe les supports
vierges, qui les garde en stock, qui les distribue et qui les industrialise.
Cela nous permet de remonter le circuit de production jusqu'aux coupables», expliquent Benslim et Ayouch. Le volet social va permettre d'accompagner les mesures répressives et les textes de loi en offrant aux petits vendeurs une autre alternative pour gagner leur vie d'une façon légale.

Les initiateurs de ce projet, en préparation actuellement, leur proposent des stands «pliables» mobiles avec de la marchandise «100% halal» comme la qualifie Nabil Ayouch. «Cette action de solidarité sociale entreprise en partenariat avec l'INDH respecte toute la chaîne des ayants droit, tout en offrant à ces «victimes» un gagne-pain qui n'enfreint pas la loi». Une bonne méthode, si toutefois le projet aboutit, de couper l'herbe sous les pieds des grands pirates en les privant de leurs distributeurs. D'après N. Ayouch, le prix d'un DVD «halal» ne dépassera pas les 40 DH, celui du CD 25 ou 30 DH. «Correct et abordable. On paie là la propriété intellectuelle, la qualité et surtout on respecte les droits des créateurs», résume-t-il.

Les «amis»
du piratage

Si l'AMLP, l'AMM, le BMDA et les autres font tout pour éradiquer le piratage, d'autres en ont «profité»… pour se lancer. ‘'C'est le bon côté des choses''. Plusieurs musiciens de la scène underground reconnaissent avoir été «promus» grâce aux manœuvres des pirates. D'après Nabil Jebbari, manager de Bigg, le fléau a en fait rendu service au rappeur le plus apprécié par la jeunesse. «Le premier album de Bigg n'a pas été distribué dans un réseau officiel. C'est surtout le piratage et l'Internet qui lui ont permis une large distribution à travers le pays. Cela lui a valu sa célébrité !», raconte Jebbari. Dans ce cas, Bigg n'est pas le seul. D'ailleurs, Réda Allali, le guitariste de Hoba Hoba Spirit, ne cesse pas de dire à qui veut l'entendre sa gratitude envers le piratage qui a rapproché le groupe casablancais de son public.

Mais une fois cette connexion établie avec ce public convoité, les choses se gâtent. C'est ce que Nabil Jebbari confirme: «Une fois la célébrité acquise, les enjeux changent et le piratage devient alors très dangereux. Les droits d'auteur et de productions sont menacés et on se trouve obligés d'élaborer une stratégie de protection pour le lancement du 2e album de Bigg prévu fin 2008». Une petite idée sur cette stratégie? «Pas question de dévoiler nos plans en ce moment, sinon, on sera obligé d'en élaborer d'autres», se défend le manager qui garde jalousement sa recette secrète pour contrecarrer les rafales du piratage.
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Les gardiens de la loi

«La loi nous a confié le rôle de la protection des droits d'auteur. Le BMDA est le premier impliqué dans cette lutte sans merci contre le piratage», nous explique avec véhémence Abdellah Ouadrhiri, directeur général du Bureau marocain des droits d'auteur. D'après le responsable, une stratégie à plusieurs axes est déjà mise en place et en application pour lutter contre le fléau. La sensibilisation des citoyens à travers les différents supports audiovisuels et écrits vient en tête. L'instruction des lois et l'éducation sont les moyens de choix de cette stratégie.

«Le piratage est l'affaire de tout le monde d'où le deuxième axe qui consiste en l'étroite coordination entre les différents départements concernés, à savoir le BMDA, le CCM, le ministère de l'Intérieur, celui de la Justice, la gendarmerie, les professionnels et le corps associatif», explique le directeur qui rappelle le rôle important que joue la commission interministérielle dans cette lutte acharnée. Le troisième axe serait la modernisation et l'actualisation des textes de loi. «Nous oeuvrons pour renforcer les sanctions», lance Ouadrhiri, tout en se félicitant d'avoir habilité les douanes pour effectuer un contrôle permanent au niveau des postes frontières. Il explique aussi qu'afin de renforcer la protection des droits d'auteur, le ministère peut désormais engager des poursuites automatiques contre les pirates sans qu'il y ait une plainte.

D'après le responsable, toutes ces dispositions ont abouti à des décentes policières et des saisies à travers le Royaume. Le volet social serait également pris en considération pour réintégrer économiquement les jeunes vendeurs qui vivent de ce commerce illégal.
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A chacun sa petite solution!

En attendant les solutions radicales à grande échelle, chacun y va de sa petite idée pour contrecarrer les man?uvres des pirates. Pour Mehdi Benslim, patron de Clic Records, l'Internet serait son cheval de bataille.

En lançant «Itoubmusic», un site de téléchargement de musique à 6 DH, l'homme propose «une alternative légale» aux mélomanes. D'après lui, le succès de sa manœuvre est certain, d'ailleurs le responsable est en train de développer un autre site du même genre «Itoub play» avec plus de 300.000 titres nationaux et internationaux avec, tenez-vous bien, un accès libre et sans limites. Imane Mesbahi, elle, pense à changer les mentalités pour sauver les salles de cinéma «entrouvertes» et agonisantes. Sensibilisation et responsabilisation sont ses maîtres mots. «Je mise également sur une bonne campagne de communication quand je lance un film. Mais parfois, c'est à double tranchant, car les pirates en profitent pour commercialiser le même film et drainer ‘'mon'' public», explique la distributrice. Elle insiste également sur la réconciliation des spectateurs avec les salles de cinéma à travers la proposition de formules abonnement ou de billets adaptés à chaque segment du public avec des prix pour enfants, étudiants, jeunes, adultes, couples…
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