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Gaza : une guerre de surenchères

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Israël ne se résout donc pas à neutraliser simplement les jeteurs de roquettes artisanales, membres du Hamas, sur son territoire. Il étend et approfondit les opérations de destruction, il n'épargne aucun « objectif », civil, militaire ou humain. Nous sommes pour ainsi dire entrés de plain-pied dans ce qui s'apparente à la quatrième guerre israélo-palestinienne, une guerre d'un genre nouveau, marquée au coin du cynisme et d'un radicalisme inédit. Autrefois, elle mettait face à face l'Etat hébreu à l'ensemble des pays arabes, réunis sous la bannière du combat en faveur du peuple palestinien.

Aujourd'hui, excepté les déclarations de forme et sans doute des colères rentrées de gouvernements arabes, elle oppose Israël et le Hamas. Celui-ci, dépendant de plus en plus du soutien en tous genres de la Syrie et de l'Iran, chauffé à blanc également par les discours enflammés du leader du Hizbollah libanais, Hassan Nasrallah, joue la partie du radicalisme. Or, dans les raids violents et désastreux que l'armée israélienne vient et continuera vraisemblablement de lancer, aucun membre, ni dirigeant ni militant du Hamas n'a été touché, alors que des dizaines de palestiniens civils et ordinaires sont morts. Tout au plus, les raids ont-ils fait des victimes principalement dans les rangs de la police et, bien entendu, dans la population civile, touchant femmes, enfants et vieillards… Guerre de surenchères, donc ! Des deux côtés en effet.

En Israël, la Kadima s'est jurée de montrer au peuple israélien qu'elle est aussi sinon plus déterminée à faire une guerre radicale et aussi meurtrière que celle que prétend mener un certain Benjamin Netanyahu, nullement enclin à une tendresse quelconque envers les Palestiniens, fussent-ils aussi modérés que Yasser Arafat et Abou Mazen. En Palestine, le Hamas s'inscrit dans une logique qui, à coup sûr, le dépasse. Cette logique est quasiment tracée à la fois par ceux qui le soutiennent dans son radicalisme et paradoxalement par le gouvernement israélien qui, aujourd'hui, fait de la Palestine un enjeu électoral évident et qui, pour mieux conquérir la confiance des électeurs, souffle sur le feu en détruisant ce qui reste des infrastructures administratives, hospitalières et scolaires de la bande de Gaza.

Tant et si bien que deux jours de bombardements aériens meurtriers ne lui suffisent pas pour convaincre les mêmes électeurs de sa résolution à en finir avec le Hamas. L'image en boucle que la télévision a diffusée du triumvirat, Ehud Olmert, Tzipi Livni et Ehud Barak, justifiant l'intervention militaire a posteriori relève à vrai dire d'un exercice pathétique. Cependant, elle a le mérite de nous instruire sur le degré de peur panique qui s'est emparée de ce trio, malmené, traîné dans la pire surenchère par un certain Netanyahu qui incarne le sinistre visage de l'extrême droite israélienne.

La question qui se pose est désormais aussi logique : fallait-il tant de violences, tant de morts et de blessés palestiniens innocents pour convaincre le peuple israélien qu'il devrait voter pour la Kadima ? Le prix n'était-il pas fort élevé pour un scrutin et, en définitive, pour la coquetterie d'un trio ambitieux? Inversement, ceux qui n'ont de cesse d'inciter à des tirs de roquettes artisanaux, tout au plus dignes de feux d'artifices contre une armée israélienne puissante et hyper-équipée, mesurent-ils à quel point ils offrent aux généraux israéliens radicaux, aux membres fascistes du Likoud l'opportunité inestimable de déployer leurs armes sophistiquées, ce déluge infernal de feu et de bombes sur un peuple meurtri ? Dire que les efforts et les chances de paix sont compromis plus ou moins pour longtemps est un euphémisme. Cette guerre qui n'a pas de nom, ni conventionnelle ni déclarée, a fini par diviser les pays et les gouvernements arabes, placés dans l'œil du cyclone du Hezbollah qui en appelle ouvertement à leur renversement, comme c'est le cas pour l'Egypte.

Cette guerre d'un autre genre oppose deux radicalismes, celui de l'extrême-droite israélienne et du radicalisme islamique, incarné par le Hamas et soutenu par le Hezbollah.
Il convient, en revanche, de souligner que la guerre ravageuse que l'état-major israélien a décidé de lancer contre Gaza, constitue un net avertissement au président élu des Etats-Unis, Barack Obama. C'est une manière de lui signifier les limites de son action dans cette partie du monde, mieux encore, lui signaler jusqu'où il ne peut plus aller, si tant est qu'il ait nourri une sympathie quelconque pour le peuple palestinien. Ici même, à ce niveau de l'analyse, on voit comment le double message de mise en garde est adressé à Barack Obama et celui de reconnaissance pour son soutien au président en partance, George W. Bush. Israël ne pourra jamais réduire au silence, apaiser ou convertir les irréductibles adversaires de la paix, ceux du front du refus notamment. Israël, en revanche, pouvait un tant soit peu conforter les tenants de la ligne appelée « modérée » et partisane de la paix et de la négociation depuis ce jour historique où Anouar Sadate prononça son célèbre discours à la Knesset.

La politique israélienne d'une manière générale, conforte d'une certaine manière quelques-uns, mais exaspère beaucoup. S'il respecte ses engagements antérieurs d'une paix globale, d'une coexistence entre Juifs et Arabes, dans le cadre des frontières de 1967, en respectant les lois de retour des Palestiniens et le statut multiconfessionnel de la ville sainte d'Al-Qods, s'il mettait fin aux colonies de peuplement, il n'offrirait plus d'arguments aux adversaires de la paix. C'est en s'y engageant qu'il pourrait abattre, courageusement, le mur de ressentiments profonds et de préjugés tenaces qu'il nourrit. Or, pour le moment, c'est plutôt vers le contraire que tend son action, vers une barbarie que semblent verser ses efforts. La paix s'éloigne et les extrémismes de tous bords gagnent du terrain.
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