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Maroc-Algérie : « Où est ton oreille, Jeha ! »

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Ce qui pourrait s'apparenter à un simple incident de parcours, a valeur de symbole. Ce qui est un simple fait divers, véniel et dérisoire prend une dimension politique. Car voilà un citoyen suisse, spécialiste de « sport extrême » qui, à Hassi Khebi, aux confins de Tindouf et Bechar, voulait simplement franchir la fragile ligne de démarcation pour entrer au Maroc et qui s'est vu refoulé par la police algérienne des frontières. Andrea Vogel ne croyait pas si bien faire : il pensait franchir la ligne comme il l'eut fait, aisément et même inconsciemment, entre la Suisse et la France ou l'Italie…Une simple enjambée, une belle embardée aussi ! Que n'a-t-il pas été désillusionné ?

Par cette frontière algéro-marocaine, il croyait aussi boucler son challenge et son parcours entamé le 3 février à partir de Tombouctou vers Marrakech, en empruntant la fameuse route des caravanes comme le faisaient autrefois plusieurs convoyeurs de marchandises, d'or et d'épices. Les autorités algériennes, ces polices de frontières renforcées expressément depuis que le Maroc a invité dernièrement et de manière officielle l'Algérie à rouvrir les frontières côté algérien, ont refoulé le citoyen suisse. Elles l'ont contraint à emprunter un parcours digne de Kafka, autrement dit à aller jusqu'à la ville d'Oran pour entrer au Maroc. Simple coïncidence, signe de destin : le refoulement du sportif suisse a eu lieu le jour même où le Maroc a appelé le gouvernement algérien à coopérer pour une réouverture des frontières. C'est l'anecdote marocaine : « Où est ton oreille, Jeha ! »

C'est une péripétie singulière que celle que vient de vivre l'arpenteur helvétique, mais elle a valeur de symbole à la fois politique et humain. Se voir fermer le passage à quelques mètres du Maroc par les autorités algériennes, emprunter ce long chemin de Damas, bravant toutes les tracasseries et les obstacles factices dressés ici et là, avant de pouvoir accéder au Maroc, ne relèvent-ils pas de l'aberration ? Il y a des siècles, des décennies et des années seulement, la frontière n'existait pas et la transhumance était la caractéristique essentielle d'une vie libre, donnant aux populations plus de champ et de possibilités d'enjamber les frontières. La constitution des Etats modernes a bouleversé le vieil et paisible équilibre et plus les peuples croyaient s'enferrer dans une logique nationale, mieux ils croyaient se protéger. Pis encore : la mondialisation, supposée incarner l'ouverture et le libre-échange, produit chez nous l'effet inverse, parce que l'Algérie, signataire de la charte et membre de l'UMA, verrouille non sans arrogance les frontières avec le Maroc.

Ce qui relève d'un incident banal à Hassi Khebi dévoile encore les tristes dessous d'un immense iceberg de frustrations pour nos peuples. Ceux-ci ne sont pas seulement privés de leurs droits élémentaires et immédiats, mais ils sont nourris d'une culture de haine, de cette haine antimarocaine dont l'establishment politico-militaire algérien a fait depuis toujours son fonds de commerce et son cheval de bataille. Tandis que l'Europe revoit régulièrement ses contours géopolitiques et économiques, élargit chaque jour son champ et renforce la prospérité de ses peuples, au Maghreb on en est encore à l'hostilité moyenâgeuse, matinée de clichés et de surenchères.
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