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Le bac à tout prix

L'épreuve du baccalauréat est bien derrière et l'heure est à la patience pour tous les prétendants, ceux qui se sont bien préparés à leurs examens, les autres qui ont furtivement révisé leurs leçons et, aussi, ceux qui ont passé l'année à se la couler douce sans se soucier de ce qui s'annonce en perspective.

Le bac à tout prix
Les adeptes de cette dernière caste comptent sur autre chose que l'assimilation de leurs cours : ce sont les as de la triche. Mais le phénomène semble en régression, si l'on se fie aux chiffres relayés par la presse nationale, faisant état de quelque 500 cas de triche, contre plus de 1.300 l'année précédente. Combien seraient-ils à avoir pris part aux examens de manière déloyale sans se faire coincer ? Dieu seul le sait. L'évolution technologique n'a pas manqué de mettre entre leurs mains de nouveaux « outils de travail». C'est ainsi que le téléphone portable a fait une entrée fracassante dans les épreuves du baccalauréat. «SMS» et «Bluetooth» ont été d'un grand secours pour les adeptes de la triche. Aussi, des mobiles ont été saisis par dizaines cette année, lorsque leurs propriétaires ont été pris main dans le… combiné. Révolus les temps où l'on gribouillait quelques formules sur un petit bout de papier, le fameux «harz» (talisman), qui tenait dans le creux de la main mais dont l'écriture était tellement petite.

Mais ce procédé était, somme toute, basique, car les as de la triche avaient plus d'un tour dans leur sac. Le cas de Rachid et Mounir est édifiant à ce propos.
Amis d'enfance, les deux jeunes n'avaient pas de prédisposition à tricher, ni à hériter de sérieux ennuis, encore moins à figurer dans ce fait divers. C'était il y a quelques années de cela. Les deux amis étaient confrontés à la plus grande épreuve de leur courte vie : le bac. Rachid et Mounir étaient, plutôt, studieux. Ayant tous deux opté pour la branche «sciences expérimentales», ils révisaient ensemble et les choses allaient bon train. Ils étaient prêts pour le grand saut. Les examens se sont bien passés et les deux amis rêvassaient, chacun de son côté, en attendant les résultats. Tous deux espéraient entamer leurs études universitaires à l'étranger, une fois le bac en poche.

Le jour où les résultats ont été rendus publics, c'était la désillusion totale. Enfin, pour l'un d'entre eux. En effet, Rachid avait décroché le sésame, tandis que Mounir fut recalé. Il éprouva un sentiment d'injustice, lui qui avait pourtant bien préparé ses examens. Mais les choses étant ce qu'elles étaient, il finit par accepter la réalité, retroussa ses manches et plongea dans ses manuels scolaires, en perspective de la deuxième session. Le jour «J» approchait à grands pas et Mounir ne le sentait pas vraiment. Psychologiquement, il avait été ébranlé par son premier échec. C'est ainsi que, même au-delà de ses séances de préparation intensives, il ressentait un profond doute au fin fond de lui-même. Le rêve de se retrouver dans d'autres contrées prenait des allures de chimère.

C'est parti pour la deuxième session et les prétendants recalés reprennent le chemin de l'école. Il leur fallait saisir cette seconde chance et réussir à tout prix. Le deuxième jour, les élèves passaient l'épreuve des mathématiques. Dans cette classe sise dans un lycée à El Jadida, avant de remettre les épreuves aux « examinés », l'un des enseignants surveillants était en train d'effectuer un exercice de routine : vérifier l'identité des étudiants qui entameront, dans quelques minutes, l'épreuve des maths. Tout se passait le plus normalement du monde, si ce n'était cet élève au comportement louche. D'une tergiversation à l'autre, il finira par annoncer au surveillant qu'il n'avait pas de carte d'identité nationale. En revanche, il disposait bien d'un reçu délivré suite à la déclaration de perte effectuée auprès du commissariat de police.Le surveillant resta, toutefois, perplexe, le comportement et l'hésitation de l'élève ayant éveillé ses suspicions.

Il demanda alors à vérifier sa carte d'étudiant. Contrôle auquel le jeune se prêta avec assurance cette fois-ci. Ladite carte portait bel et bien sa photo. Lui, le jeune, portait le prénom de Mounir. Là encore, le surveillant doubla de méfiance, car la carte avait quelque chose de douteux. Le surveillant garda les documents sur lui et quitta la salle de classe. Il y revint un petit quart d'heure plus tard, accompagné du directeur de l'établissement et de deux répétiteurs. Mounir fut interpellé et fut accompagné dans l'un des locaux de l'administration. La carte d'étudiant qu'il détenait était fausse ou, disons, falsifiée. Ce n'était pas Mounir, en fait, mais plutôt son meilleur ami, Rachid, qui avait pourtant décroché son bac quelques jours auparavant.

Nous ne sommes plus dans une logique de tricherie, mais de faux et usage de faux. C'est ainsi que Rachid fut cueilli par la police, tout comme Mounir. Ils reconnaîtront que quelques jours avant le début des examens de la deuxième session, ils avaient convenu que Rachid se fasse passer pour son ami Mounir, rien que pour l'épreuve des maths. Ce dernier n'était pas sûr de lui pour réussir cette matière et demanda à son ami, matheux sur les bords, d'y aller à sa place. Sauf que la supercherie a rapidement été démasquée.
L'affaire a été portée devant la justice et les deux compères écoperont de 4 mois de prison chacun : Rachid pour «faux et usage de faux», Mounir pour «complicité». Comme quoi tricher peut s'avérer être un exercice périlleux.
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Textes de loi

Article 360
Quiconque contrefait, falsifie ou altère les permis, certificats, livrets, cartes, bulletins, récépissés, passeports, ordres de mission, feuilles de route, laissez-passer ou autres documents délivrés par les administrations publiques en vue de constater un droit, une identité ou une qualité, ou d'accorder une autorisation, est puni de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 150 à 1 500 dirhams. Le coupable peut, en outre, être frappé de l'interdiction de l'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 40 pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. La tentative est punie comme le délit consommé. Les mêmes peines sont appliquées:
1° A celui qui, sciemment, fait usage desdits documents contrefaits, falsifiés ou altérés ;
2° A celui qui fait usage d'un des documents visés à l'alinéa premier, sachant que les mentions qui y figurent sont devenues incomplètes ou inexactes.

Article 129
Sont considérés comme complices d'une infraction qualifiée crime ou délit ceux qui, sans participation directe à cette infraction, ont :
1° Par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, provoqué à cette action ou donné des instructions pour la commettre ;2° Procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l'action sachant qu'ils devaient y servir ; 3° Avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action, dans les faits qui l'ont préparée ou facilitée ; 4° En connaissance de leur conduite criminelle, habituellement fourni logement, lieu de retraite ou de réunions à un ou plusieurs malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l'Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés. La complicité n'est jamais punissable en matière de contravention.

Article 130
Le complice d'un crime ou d'un délit est punissable de la peine réprimant ce crime ou ce délit.
Les circonstances personnelles d'où résultent aggravation, atténuation ou exemption de peine n'ont d'effet qu'à l'égard du seul participant auquel elles se rapportent. Les circonstances objectives, inhérentes à l'infraction, qui aggravent ou diminuent la peine, même si elles ne sont pas connues de tous ceux qui ont participé à cette infraction, ont effet à leur charge ou en leur faveur.
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