Par la truculence de l'expression, l'acuité de l'observation, Gabriel Veyre, au-delà des détails croustillants qu'il raconte, rend compte au quotidien de « l'ambiguïté profondément intériorisée des Marocains face à la modernité », comme dit l'historien Mostafa Bouaziz dans la préface qu'il consacre au livre.
Arrivé au Maroc pour apprendre au Sultan l'art de la photographie, dont il s'était épris, Veyre devait y rester trois mois. Il y passera le reste de sa vie.
A Marrakech puis à Fès, il enseigne au jeune Sultan la photographie, le cinéma avant de l'initier aux nouvelles technologies (bicyclette, pétrolette, automobile, téléphone, électricité, éclairage au gaz..;). Il gagne rapidement la confiance de Moulay Abdelaziz et joue également auprès de lui un rôle diplomatique. C'est à partir de ses souvenirs personnels qu'il écrit en 1905 un livre intitulé « Au Maroc : dans l'intimité du Sultan ». On y découvre un autre sultan que celui que la chronique historique a souvent terni, injustement dénigré par tant d'anecdotes le ridiculisant. C'est un jeune sultan, intronisé par la volonté du despote Grand vizir Ba Ahmed (Ahmed Ben Moussa), intelligent, bienveillant, grandement ouvert au modernisme que décrit Gabriel Veyre.
A travers les neuf chapitres de ce livre, Gabriel Veyre nous plonge dans le Maroc du début du siècle. Il offre ainsi au lecteur le plaisir de découvrir cette page de l'histoire de notre pays.
La vision subtile et neuve de l'auteur trace un portrait attachant de Moulay Abdelaziz. Victime d'abord de l'orgue Ba Ahmad qui le maintient à l'écart de la réalité du pouvoir, il fit également, après la mort de ce dernier, victime de son ami Mehdi Mnebhi qui lui cacha sans cesse ce qui se passait dans le Royaume. De telle sorte que disposant de beaucoup de temps, le sultan s'intéressa davantage à l'art et au jeu qu'à la politique.
Lorsque Moulay Abdelaziz quitte le pouvoir en 1908, Gabriel Veyre s'installe définitivement au Maroc, à Casablanca plus précisément. Il fut un véritable pionnier de la modernité, en y introduisant des innovations techniques, comme la première « usine du Grand Socco ». Il importe par ailleurs la première voiture Ford, il fonde le garage Auto Hall. Tant d'innovations qui ont changé le quotidien des Marocains de l'époque.
Éditions Afrique Orient, 2008 Prix : 80 DH
Disponisble au Carrefour des livres
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Tout de blanc vêtu, blanc de la tête aux pieds, à l'exception des babouches jaune citron et du mince liséré qui apparaissait, de son fez rouge enfoncé sur les sourcils, au-dessous du capuce rabattu de sa djellaba de fine laine, il était assis sous la véranda vitrée qui en occupait le fond, sans apparat, n'ayant à ses côtés qu'un seul homme : El Menebhy, son ministre de la guerre, son familier de toutes les heures.
Je m'avançait, faisant trois fois le salut militaire, la main au front. Puis j'attendis.
Rarement j'éprouvai, au premier abord, une impression de sympathie comparable à celle que je reçus en présence du jeune Sultan qui m'apparaissait dans cet appareil si simple, si différent de l'idée que je m'en étais formée en venant vers lui. Il avait alors vingt ans à peine.
Grand, bien proportionné, imberbe encore, le teint clair, les yeux noirs, le regard puéril et très doux, il produisait l'effet d'un bon grand enfant rieur.
Bien vite il me questionna, avec le secours de l'interprète, me fit demander mon nom, mon âge, quelques détails sur ma vie, et si j'étais marié, notamment. Il avait déjà quelques notions vagues de la photographie et se préoccupait de savoir quels appareils, quelles nouveautés, quels jouets allais-je dire, je lui apportais.
Puis s'informa des conditions dans lesquelles s'était accompli mon voyage. Moi, souriant, hésitant un peu, craignant de déplaire, peut-être, au despote qu'on m'avait dépeint, je lui fis répondre que pour le satisfaire, j'étais venu très rapidement en brûlant les étapes ; je confessai que j'étais très fatigué et, timidement, laissai comprendre que je serais heureux de jouir de quelques heures de repos. Mais, avec une bienveillance à laquelle je fus, à ce moment, particulièrement sensible, imposant silence à ses impatiences, que je connaissais de reste, il voulut bien me dire que je pouvais me reposer toute la journée du lendemain. Mais que, par exemple, il m'attendait le surlendemain sans faute. »
Arrivé au Maroc pour apprendre au Sultan l'art de la photographie, dont il s'était épris, Veyre devait y rester trois mois. Il y passera le reste de sa vie.
A Marrakech puis à Fès, il enseigne au jeune Sultan la photographie, le cinéma avant de l'initier aux nouvelles technologies (bicyclette, pétrolette, automobile, téléphone, électricité, éclairage au gaz..;). Il gagne rapidement la confiance de Moulay Abdelaziz et joue également auprès de lui un rôle diplomatique. C'est à partir de ses souvenirs personnels qu'il écrit en 1905 un livre intitulé « Au Maroc : dans l'intimité du Sultan ». On y découvre un autre sultan que celui que la chronique historique a souvent terni, injustement dénigré par tant d'anecdotes le ridiculisant. C'est un jeune sultan, intronisé par la volonté du despote Grand vizir Ba Ahmed (Ahmed Ben Moussa), intelligent, bienveillant, grandement ouvert au modernisme que décrit Gabriel Veyre.
A travers les neuf chapitres de ce livre, Gabriel Veyre nous plonge dans le Maroc du début du siècle. Il offre ainsi au lecteur le plaisir de découvrir cette page de l'histoire de notre pays.
La vision subtile et neuve de l'auteur trace un portrait attachant de Moulay Abdelaziz. Victime d'abord de l'orgue Ba Ahmad qui le maintient à l'écart de la réalité du pouvoir, il fit également, après la mort de ce dernier, victime de son ami Mehdi Mnebhi qui lui cacha sans cesse ce qui se passait dans le Royaume. De telle sorte que disposant de beaucoup de temps, le sultan s'intéressa davantage à l'art et au jeu qu'à la politique.
Lorsque Moulay Abdelaziz quitte le pouvoir en 1908, Gabriel Veyre s'installe définitivement au Maroc, à Casablanca plus précisément. Il fut un véritable pionnier de la modernité, en y introduisant des innovations techniques, comme la première « usine du Grand Socco ». Il importe par ailleurs la première voiture Ford, il fonde le garage Auto Hall. Tant d'innovations qui ont changé le quotidien des Marocains de l'époque.
Éditions Afrique Orient, 2008 Prix : 80 DH
Disponisble au Carrefour des livres
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Extrait du Livre
« ….On m'introduisit dans la cour où le Sultan donnait ses audiences, et qui, recouverte en partie d'une tente bariolée, servait en même temps de salle de billard.Tout de blanc vêtu, blanc de la tête aux pieds, à l'exception des babouches jaune citron et du mince liséré qui apparaissait, de son fez rouge enfoncé sur les sourcils, au-dessous du capuce rabattu de sa djellaba de fine laine, il était assis sous la véranda vitrée qui en occupait le fond, sans apparat, n'ayant à ses côtés qu'un seul homme : El Menebhy, son ministre de la guerre, son familier de toutes les heures.
Je m'avançait, faisant trois fois le salut militaire, la main au front. Puis j'attendis.
Rarement j'éprouvai, au premier abord, une impression de sympathie comparable à celle que je reçus en présence du jeune Sultan qui m'apparaissait dans cet appareil si simple, si différent de l'idée que je m'en étais formée en venant vers lui. Il avait alors vingt ans à peine.
Grand, bien proportionné, imberbe encore, le teint clair, les yeux noirs, le regard puéril et très doux, il produisait l'effet d'un bon grand enfant rieur.
Bien vite il me questionna, avec le secours de l'interprète, me fit demander mon nom, mon âge, quelques détails sur ma vie, et si j'étais marié, notamment. Il avait déjà quelques notions vagues de la photographie et se préoccupait de savoir quels appareils, quelles nouveautés, quels jouets allais-je dire, je lui apportais.
Puis s'informa des conditions dans lesquelles s'était accompli mon voyage. Moi, souriant, hésitant un peu, craignant de déplaire, peut-être, au despote qu'on m'avait dépeint, je lui fis répondre que pour le satisfaire, j'étais venu très rapidement en brûlant les étapes ; je confessai que j'étais très fatigué et, timidement, laissai comprendre que je serais heureux de jouir de quelques heures de repos. Mais, avec une bienveillance à laquelle je fus, à ce moment, particulièrement sensible, imposant silence à ses impatiences, que je connaissais de reste, il voulut bien me dire que je pouvais me reposer toute la journée du lendemain. Mais que, par exemple, il m'attendait le surlendemain sans faute. »
