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«La nouvelle est le genre qui a été le moins libéré»

Passionné de la nouvelle, M.Said Raihani multiplie les actions pour sa promotion.

«La nouvelle est le genre qui a été le moins libéré»
LE MATIN : Vous paraissez obsédé par la nouvelle. Quel est le secret de cette passion et quelles en sont les origines ?

MOHAMED SAID RAIHANI :
Mon premier amour, c'étaient les arts plastiques. Mais comme je n'ai pu accéder à l'école des Beaux-Arts pour des raisons familiales, je me suis orienté à la littérature, vers l'âge de 16 ans. J'ai d'abord tenté d'écrire mon autobiographie en langue française, par la suite j'ai commencé à écrite des pièces de théâtre en anglais, vu qu'à l'époque j'étais un passionné du grand dramaturge George Bernard Show. Je me suis également essayé à la nouvelle parce que j'étais fasciné par Ernest Hemingway. Toutefois, quand j'ai terminé mes études universitaires et que j'ai intégré le corps de l'enseignement, je suis passé de l'anglais comme langue d'écriture à l'arabe. J'ai, en revanche, gardé mon amour pour la nouvelle qui remontre à mon enfance.
En fait, quand j'étais petit, une amie de ma mère nous rendait visite tous les après-midi et nous racontait des contes merveilleux. J'ai appris par la suite qu'il s'agissait des «Mille et une nuits». Cette dame n'est autre que «Satidat al Haki» dont la photo est exposée au 1er chapitre de mon «autobio-photographie» intitulée «Quand la photo parle».

Comment cette femme vous a-t-elle influencé ?

Elle a aiguisé ma passion pour la réception des histoires dès mon jeune âge. Elle m'a également fait aimer l'écriture, surtout en matière d'expression écrite quand j'étais au lycée. Ce qui m'a encouragé à écrire des œuvres de fiction. Quant à la lecture des livres des grands écrivains, elle m'a ouvert les yeux sur le processus d'écriture, ses coulisses et ses mécanismes. En choisissant l'écriture, j'ai choisi la vie. Aujourd'hui, j'ai 39 ans et j'ai à mon effectif 39 œuvres dont seulement 6 ont été publiées entre 2001 et 2008, tandis que «Ainsi parlait Santa Lugar-Verde», le recueil de nouvelles qui a eu le prix de Naji Nouaman en 2005 au Liban ainsi que «Dialogue de deux générations», une œuvre coécrite avec l'écrivain Idriss Sghir, attendent toujours d'être éditées.

Quel regard jetez-vous sur la nouvelle au Maroc et quelle évaluation en faites-vous ?

Les expériences littéraires s'amplifient grâce au cumul des œuvres au fil des années. Au Maroc, les genres les plus stables et les plus soutenus en matière de production sont le roman d'expression française et la nouvelle en langue arabe, en plus de la poésie en dialectal et du théâtre. Contrairement au roman, la nouvelle reste le seul genre qui a eu un parcours ininterrompu depuis sa naissance dans les années 40. Ce qui lui a valu une production assez importante sur le plan quantitatif. Quant à la qualité, ce genre reste moins libéré que les autres en l'occurrence la poésie. La nouvelle n'a pas pu dépasser la forme rectangulaire. Quant au fond, les nouvellistes ont opté depuis le début, d'écrire à la troisième personne. Ce qui a eu pour conséquence de l'éloigner du «Soi». Les principales caractéristiques de cet «éloignement» dans la nouvelle sont une crise de liberté, de rêve et d'amour. C'est ce que j'ai appelé les «Trois clefs». Ces éléments sont les moins représentés dans les récits.

Vous œuvrez pour la promotion de la nouvelle au Maroc. Quelles sont les actions que vous avez entreprises jusque-là et quels sont vos projets la concernant ?

Prendre conscience de l'existence d'une crise est le premier pas vers le salut. Mais brosser un tableau positif de l'écriture de la nouvelle de demain reste le meilleur moyen pour maîtriser la situation et contrôler son devenir. Pour ce, nous avons insisté sur l'importance de théoriser la nouvelle marocaine de demain, de manière à ce qu'elle puisse intégrer les trois éléments que nous avons cités et en faire des principes et des objectifs. Pour soutenir ce choix, j'ai traduit et publié sur Internet des œuvres qui servent cette vision. Dans une prochaine étape, je vais procéder à la sélection des prédécesseurs de la nouvelle de demain et proposer des lectures dans les «clefs» des pionniers marocains de la nouvelle. Je vais également sélectionner les porte-flambeaux de ce genre en lançant le prix de la nouvelle. Néanmoins, il ne faut pas que les choses se limitent à des initiatives individuelles. L'Etat doit assumer sa responsabilité et contribuer à cette action en programmant les trois œuvres en question au programme scolaire dans les lycées et les collèges et en les mettant à la disposition des élèves et des étudiants dans les bibliothèques, sachant que j'ai financé moi-même la publication de ces œuvres en l'absence de tout soutien matériel. Les médias ont également un rôle à jouer.

De quoi la nouvelle a-t-elle besoin le plus au Maroc pour se faire une place de choix dans le paysage littéraire et culturel dans notre pays et ailleurs ?

“Les trois clefs” renferment une philosophie de l'écriture romanesque. Elles tirent leur force de la nécessité de prendre conscience de la liberté d'expression, de l'amour de l'œuvre écrite et du fait de rêver de toucher le véritable lecteur.
C'est une volonté de réconcilier le texte avec sa fonction et sa nature libre. Quand la liberté en constituera la toile de fond, que l'amour en sera la matière et le rêve une forme de récit, la nouvelle aura fait un grand pas pour se libérer de ses jougs.
Par ailleurs quand le créateur prend conscience que l'immunité n'est pas le seul apanage des parlementaires et des politiciens et qu'il y a droit, il pourra écrire des textes libres où il pourra rêver et aimer jusqu'à la lie.

Vous avez écrit un livre autobiographique assez particulier. En fait, vous avez inventé un genre que vous avez baptisé «autobio-photographie». Parlez-nous un peu de ce genre hybride qui relie la lettre à la photo ?

La photo est une lueur qui permet à la vie de s'ouvrir sur des moments de bonheur oubliés qui nous entourent et ne demandent qu'à être vus grâce à un petit geste. Elle est, d'un côté, l'opposé de l'oubli et de l'autre synonyme de vérité. Dans les deux cas elle reste l'alliée du livre. Cette alliance date de longtemps grâce aux livres illustrés de photos et autres moyens dédiés aux enfants et aux débutants dans des domaines particuliers (cuisine, biologie, astronomie…). Cette liaison a été renforcée par le livre en ligne. Aujourd'hui, elle est couronnée par la naissance de la «Photo-autobiographie» ou l'autobiographie photographiée. Mon livre intitulé «Quand la photo parle» est une première contribution dans ce parcours. Elle se présente sous forme d'images qui racontent. Des photos présentes qui renvoient à celles absentes, des clichés figés qui redonnent vie à des scènes enfouies dans l'oubli. Toutefois la photo autobiographie reste caractérisée par son aspect fragmentaire, contrairement à l'autobiographie classique qui reste linéaire.
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Repousser les limites

Roland Barthes considère le titre comme un élément d'attraction et de séduction. Plus il est attirant, plus il est difficile de lui résister. C'est pour cette raison que Mohamed Said Raihani pense que la photo est un élément d'attraction dans l'œuvre littéraire. Là où elle est présente, une preuve y est comme témoin. Selon lui, l'image permet également une certaine intimité. Pour toutes ces raisons, la photo oriente la réception, la limite et l'encadre. «La limite la plus importante que ce genre permet de franchir c'est l'accord préalable entre l'auteur et le récepteur sur la lecture du texte écrit sous la photo. Si l'autobiographie permet de s'exprimer, la photo constitue un moyen efficace pour renforcer le plaisir de lecture et celui de l'expérience humaine racontée. Elle relève d'un cran l'intimité de l'œuvre écrite. C'est ce qui manque justement aux placards de nos librairies et de nos kiosques», conclut l'écrivain.
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