Depuis que les Talibans et Al-Qaïda se sont revigorés et opèrent à partir des zones tribales sous administration fédérale (Federally Administered Tribal Areas/FATA) du Pakistan, celles-ci se trouvent au-devant de la scène dans la guerre que les Etats-Unis mènent « contre la terreur ». Pour sécuriser ces zones, le gouvernement civil du Pakistan cherche à négocier avec les tribus afin de mettre un terme au combat, de procéder au retrait de l'armée et de n'y recourir qu'en dernier ressort, tout en promouvant le développement économique de ces régions.
Or cette stratégie se soldera par un échec si le Pakistan n'aborde pas de manière complète le problème du système d'administration régressif et de plus en plus affaibli des zones tribales. Des réformes politiques et juridiques s'imposent pour étendre la compétence de l'Etat, faire respecter les droits constitutionnels et freiner le soutien croissant de la population aux Talibans, tout en sécurisant la région à long terme.
Situées le long de la frontière avec l'Afghanistan dans le nord-ouest du pays, les zones tribales sont divisées en sept agences et six régions frontalières et leur population est de plus de 3 millions d'habitants. L'Empire britannique qui exerçait peu de contrôle sur cette région redoutablement indépendante utilisait la force et les pots de vin pour pouvoir garder l'accès aux routes et aux cols stratégiques mais négligeait le reste du territoire – le statu quo fut préservé après l'indépendance du Pakistan. Le militantisme dans ces zones tribales est attribué à un grand nombre de facteurs comme son histoire en tant que théâtre de la résistance antisoviétique, l'invasion de l'Afghanistan après les événements du 11 septembre et ses conséquences, les manœuvres du Pakistan en Afghanistan et enfin l'appauvrissement et l'analphabétisme de sa nombreuse population. Or aujourd'hui, l'administration défectueuse de cette région joue en faveur des Talibans de trois manières :
premièrement, l'Etat n'a jamais pu exercer son autorité sur la totalité de ces zones tribales. Il y existe depuis toujours des secteurs inaccessibles où l'Etat n'est pas représenté et qui servent de refuge aux criminels ainsi qu'aux militants.
Deuxièmement, là où l'administration est présente, les Talibans et l'armée la démantèlent. Depuis 2004, les Talibans auraient tué plus de 300 maliks ou chefs de clan. De nombreux maliks se rallient désormais à la cause des Talibans, et non pas au gouvernement central. Les Talibans remplissent maintenant le vide politique qui règne depuis un certain temps.
Troisièmement, là où le système est encore en place, ses caractéristiques principales alimentent le sentiment anti-étatique. Dans une enquête de 2008, financée par le gouvernement britannique, 73% des personnes interrogées ont dit que la jirga (ou assemblée de l'Etat) n'est pas assez rapide dans le traitement des affaires judiciaires. La législation de la région frontalière datant d'une centaine d'années et étant désuète, cela justifie aux yeux de ses habitants, le recours aux tribunaux religieux des Talibans pour obtenir justice, une justice dure mais au moins rapide.
Heureusement, d'une manière générale, tous les principaux partis politiques reconnaissent la nécessité de réformes dans les régions tribales – et cela s'est reflété dans leurs manifestes électoraux de 2008. Mais la reconnaissance du problème ne se traduit pas forcément en actes.
Cinq facteurs sont souvent cités pour expliquer l'échec des initiatives de réformes : la dégradation de la sécurité, le fait que des éléments de l'administration agissent selon leurs intérêts politiques ou financiers, la peur du gouvernement central de perdre le contrôle d'une zone stratégique, une instabilité politique grandissante au Pakistan et le rejet du changement de la part des tribus et leur méfiance à l'égard du gouvernement.
En ce moment, le Cabinet Committee on Frontier Crimes Regulations Reforms (comité du gouvernement chargé d'élaborer des réformes en matière de droit pénal dans les régions frontalières) se réunit avec son président, le ministre fédéral de la Justice, dans le but de soumettre prochainement des recommandations au gouvernement.
Les réformes politiques essentielles impliquent d'étendre aux FATA l'application du Political Parties Act (loi sur les partis politiques) pour soutenir les forces politiques modérées et déposer une requête auprès de la cour suprême.
En supprimant progressivement le système des maliks, l'Etat devrait mettre en place des conseils au niveau des agences qui soient plus compétents et représentatifs que les conseils dont le mandat a expiré l'an dernier.
Un conseil pour l'ensemble des zones tribales sous administration fédérale devrait être créé avec le mandat clair de fournir une tribune pour exprimer des intérêts divers, débattre de réformes et voter sur des questions comme le statut final des FATA au sein de la fédération – point sur lequel les habitants de ces régions devraient se prononcer.
Toutes ces questions ont une portée à la fois nationale et internationale. La situation critique des zones tribales pèse lourdement sur le Pakistan; face à celle-ci, le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Mike Mullen, a fait une sévère mise en garde, disant que la prochaine attaque terroriste contre l'Amérique émanera certainement de ces régions retirées. La cause de ces problèmes est en partie la gestion désuète et inefficace des zones tribales – exemple flagrant qui illustre la façon dont un problème local peut avoir des répercussions sur la sécurité internationale.
Les opérations anti-terroristes ou les aides au développement – aussi nombreuses soient-elles – ne pourront régler à elles seules la situation. C'est à Islamabad de normaliser la situation dans cette région conjointement avec ses habitants. Car un des points forts des Talibans aujourd'hui dans ces zones, c'est justement la faiblesse du gouvernement.
C'est pourquoi le gouvernement fédéral doit tenir compte de la mise en garde d'un de ses propres membres issu d'un des partis appartenant à la coalition. Il s'agit d'Afrasiab Khattak, du Awami National Party dominant dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, qui a dit : «La question du démantèlement des sanctuaires des militants dans les FATA et la mise en place de mesures à court et à long termes pour ouvrir ces zones et les intégrer au reste du pays demande une attention immédiate si nous voulons empêcher une catastrophe imminente».
Or cette stratégie se soldera par un échec si le Pakistan n'aborde pas de manière complète le problème du système d'administration régressif et de plus en plus affaibli des zones tribales. Des réformes politiques et juridiques s'imposent pour étendre la compétence de l'Etat, faire respecter les droits constitutionnels et freiner le soutien croissant de la population aux Talibans, tout en sécurisant la région à long terme.
Situées le long de la frontière avec l'Afghanistan dans le nord-ouest du pays, les zones tribales sont divisées en sept agences et six régions frontalières et leur population est de plus de 3 millions d'habitants. L'Empire britannique qui exerçait peu de contrôle sur cette région redoutablement indépendante utilisait la force et les pots de vin pour pouvoir garder l'accès aux routes et aux cols stratégiques mais négligeait le reste du territoire – le statu quo fut préservé après l'indépendance du Pakistan. Le militantisme dans ces zones tribales est attribué à un grand nombre de facteurs comme son histoire en tant que théâtre de la résistance antisoviétique, l'invasion de l'Afghanistan après les événements du 11 septembre et ses conséquences, les manœuvres du Pakistan en Afghanistan et enfin l'appauvrissement et l'analphabétisme de sa nombreuse population. Or aujourd'hui, l'administration défectueuse de cette région joue en faveur des Talibans de trois manières :
premièrement, l'Etat n'a jamais pu exercer son autorité sur la totalité de ces zones tribales. Il y existe depuis toujours des secteurs inaccessibles où l'Etat n'est pas représenté et qui servent de refuge aux criminels ainsi qu'aux militants.
Deuxièmement, là où l'administration est présente, les Talibans et l'armée la démantèlent. Depuis 2004, les Talibans auraient tué plus de 300 maliks ou chefs de clan. De nombreux maliks se rallient désormais à la cause des Talibans, et non pas au gouvernement central. Les Talibans remplissent maintenant le vide politique qui règne depuis un certain temps.
Troisièmement, là où le système est encore en place, ses caractéristiques principales alimentent le sentiment anti-étatique. Dans une enquête de 2008, financée par le gouvernement britannique, 73% des personnes interrogées ont dit que la jirga (ou assemblée de l'Etat) n'est pas assez rapide dans le traitement des affaires judiciaires. La législation de la région frontalière datant d'une centaine d'années et étant désuète, cela justifie aux yeux de ses habitants, le recours aux tribunaux religieux des Talibans pour obtenir justice, une justice dure mais au moins rapide.
Heureusement, d'une manière générale, tous les principaux partis politiques reconnaissent la nécessité de réformes dans les régions tribales – et cela s'est reflété dans leurs manifestes électoraux de 2008. Mais la reconnaissance du problème ne se traduit pas forcément en actes.
Cinq facteurs sont souvent cités pour expliquer l'échec des initiatives de réformes : la dégradation de la sécurité, le fait que des éléments de l'administration agissent selon leurs intérêts politiques ou financiers, la peur du gouvernement central de perdre le contrôle d'une zone stratégique, une instabilité politique grandissante au Pakistan et le rejet du changement de la part des tribus et leur méfiance à l'égard du gouvernement.
En ce moment, le Cabinet Committee on Frontier Crimes Regulations Reforms (comité du gouvernement chargé d'élaborer des réformes en matière de droit pénal dans les régions frontalières) se réunit avec son président, le ministre fédéral de la Justice, dans le but de soumettre prochainement des recommandations au gouvernement.
Les réformes politiques essentielles impliquent d'étendre aux FATA l'application du Political Parties Act (loi sur les partis politiques) pour soutenir les forces politiques modérées et déposer une requête auprès de la cour suprême.
En supprimant progressivement le système des maliks, l'Etat devrait mettre en place des conseils au niveau des agences qui soient plus compétents et représentatifs que les conseils dont le mandat a expiré l'an dernier.
Un conseil pour l'ensemble des zones tribales sous administration fédérale devrait être créé avec le mandat clair de fournir une tribune pour exprimer des intérêts divers, débattre de réformes et voter sur des questions comme le statut final des FATA au sein de la fédération – point sur lequel les habitants de ces régions devraient se prononcer.
Toutes ces questions ont une portée à la fois nationale et internationale. La situation critique des zones tribales pèse lourdement sur le Pakistan; face à celle-ci, le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Mike Mullen, a fait une sévère mise en garde, disant que la prochaine attaque terroriste contre l'Amérique émanera certainement de ces régions retirées. La cause de ces problèmes est en partie la gestion désuète et inefficace des zones tribales – exemple flagrant qui illustre la façon dont un problème local peut avoir des répercussions sur la sécurité internationale.
Les opérations anti-terroristes ou les aides au développement – aussi nombreuses soient-elles – ne pourront régler à elles seules la situation. C'est à Islamabad de normaliser la situation dans cette région conjointement avec ses habitants. Car un des points forts des Talibans aujourd'hui dans ces zones, c'est justement la faiblesse du gouvernement.
C'est pourquoi le gouvernement fédéral doit tenir compte de la mise en garde d'un de ses propres membres issu d'un des partis appartenant à la coalition. Il s'agit d'Afrasiab Khattak, du Awami National Party dominant dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, qui a dit : «La question du démantèlement des sanctuaires des militants dans les FATA et la mise en place de mesures à court et à long termes pour ouvrir ces zones et les intégrer au reste du pays demande une attention immédiate si nous voulons empêcher une catastrophe imminente».
