Les élections générales en cours au Zimbabwe semblent confirmer, une fois de plus, une évidence : l'Afrique ne semble faire la une des journaux qu'à l'occasion de désastres : sécheresse, coup d'État, guerre, génocide ou dans le cas de Robert Mugabe, d'un gouvernement gravement incompétent. Mais au cours des dernières années, un certain nombre de pays subsahariens ont attiré un afflux sans précédent de capitaux étrangers. La récente tourmente sur les marchés financiers n'a fait qu'accroître l'attrait de l'Afrique, dont les marchés excentrés sont moins affectés par la volatilité internationale que ne le sont les marchés plus connus de la majorité des pays émergents.
La bonne performance de plusieurs pays subsahariens tient à trois raisons principales. Premièrement, le prix élevé des matières premières rapporte des bénéfices inattendus aux principaux producteurs de la région. La demande croissante en ressources énergétiques, en métaux et minerais – de la Chine en particulier – s'est traduite par des niveaux records d'investissements étrangers. Même les fonds de pension importants ont commencé à s'y intéresser. Un nombre élevé de pays africains parmi les plus pauvres ont par ailleurs profité d'une croissance exponentielle (principalement en provenance des Etats-Unis) de l'aide au développement.
S'il est probable que ces tendances positives se maintiennent, un troisième facteur positif risque d'être moins durable. Chaque année, les Africains de l'étranger envoient près de 30 milliards de dollars à leurs familles et amis du continent. Ces versements sont tout à fait essentiels à la stabilité économique de plusieurs pays africains. Un ralentissement économique aux Etats-Unis et en Europe pourrait avoir pour effet de tarir considérablement cet afflux de liquidités, les immigrés étant souvent les premiers à perdre leur emploi lorsque les signes avant-coureurs d'une récession se font sentir.
Dans le même temps, si les économies-frontières de l'Afrique sont moins vulnérables à l'instabilité financière mondiale que les marchés d'autres pays émergents, elles sont extrêmement vulnérables aux troubles politiques du continent même. Les trois pays piliers de la stabilité régionale ces dernières années – le Nigeria, le Kenya et l'Afrique du Sud – sont aujourd'hui trop préoccupés par leurs propres troubles politiques pour fournir les forces de maintien de la paix et les fonds de reconstruction, et pour exercer les pressions politiques qui contiennent souvent les désordres occasionnés par des conflits ailleurs dans la région.
La plupart des problèmes du Nigeria sont bien connus. Les rebelles de la région du delta du Niger, riche en pétrole, ont par période pu réduire de 30 % les exportations de pétrole du pays, une source de revenus vitale pour l'État. Le président Umaru Yar'Adua a pris des mesures concrètes pour s'attaquer à la
corruption des élites nigérianes, et semble avoir marqué des points en vue d'un accord de paix détaillé avec les rebelles du delta. Mais Yar'Adua risque de se retrouver sous peu face à un gros problème à court terme. Le tribunal électoral, qui a invalidé le résultat de plusieurs élections provinciales, pourrait encore invalider l'issue de l'élection présidentielle de l'an dernier, l'obligeant à se porter à nouveau candidat. Bien que Yar'Adua pourrait tirer parti des succès obtenus au cours de l'année pour l'emporter avec une marge plus confortable encore, nul doute qu'une campagne électorale de trois mois provoquerait des troubles et que le gouvernement serait trop préoccupé par les rivalités politiques internes pour s'occuper de conflits ailleurs en Afrique.
Les difficultés du Kenya sont plus complexes. Une expansion économique soutenue et une Bourse dont la croissance est l'une des plus rapides au monde n'ont pas empêché le pays de plonger dans une crise politique et des violences interethniques qui vont en s'aggravant depuis le résultat contesté de l'élection présidentielle de décembre. Le président Mwai Kibaki, que les observateurs internationaux ont accusé d'avoir truqué cette élection, a laissé entendre qu'il serait prêt à partager le pouvoir au sein d'un gouvernement d'unité nationale, mais le leader de l'opposition, Raila Odinga, n'est pas dupe de ces promesses. En 2002, Odinga a milité activement pour faire élire Kibaki, qui est ensuite revenu sur son engagement.
Malgré l'escalade inquiétante de la violence, les craintes d'une guerre civile au Kenya sont probablement exagérées. Le mouvement d'opposition démocratique orange a récemment obtenu des postes clés au Parlement et tient compte, pour le moment, des appels au calme de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan et des représentants de l'Union africaine. Il ne faut pas pour autant s'attendre à ce que le Kenya joue à nouveau un rôle stabilisateur dans un avenir proche. Le troisième pilier du continent, l'Afrique du Sud, passera l'année 2008 englué dans une querelle politique venimeuse entre Thabo Mbeki, le canard boîteux de la présidence, et Jacob Zuma, ancien membre du Parlement et nouveau dirigeant élu du Congrès national africain au pouvoir, et le principal candidat pressenti pour succéder l'an prochain à Mbeki, son implacable rival.
Les accusations de corruption portées par Mbeki et ses alliés contre Zuma pour tenter de ruiner sa candidature ont transformé les tribunaux sud-africains en théâtre d'une guerre des tranchées politique. Zuma sera peut-être alors obligé de compter sur le soutien de ses alliées proches au sein du mouvement syndical et du Parti communiste, remettant ainsi en cause le consensus favorable au marché libre de l'élite politique et provoquant un débat sur l'avenir de la politique économique de l'Afrique du Sud.
À court terme, aucun pays de l'Afrique subsaharienne n'aura le poids ou la confiance en soi politiques nécessaires pour remplacer le Nigeria, le Kenya et l'Afrique du Sud comme piliers de la stabilité régionale. Des blocs régionaux comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union douanière d'Afrique australe (SACU), et la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) joueront peu à peu un rôle plus important pour résoudre les problèmes diplomatiques et économiques les plus irréductibles du continent. Mais cela ne se fera pas dans le courant de l'année.
Il reste suffisamment de bonnes raisons pour inciter les investisseurs à tenter leur chance sur les marchés-frontières de l'Afrique. Mais il ne faudra pas nécessairement une sécheresse, un coup d'État, une guerre ou un génocide pour qu'ils y réfléchissent à deux fois.
La bonne performance de plusieurs pays subsahariens tient à trois raisons principales. Premièrement, le prix élevé des matières premières rapporte des bénéfices inattendus aux principaux producteurs de la région. La demande croissante en ressources énergétiques, en métaux et minerais – de la Chine en particulier – s'est traduite par des niveaux records d'investissements étrangers. Même les fonds de pension importants ont commencé à s'y intéresser. Un nombre élevé de pays africains parmi les plus pauvres ont par ailleurs profité d'une croissance exponentielle (principalement en provenance des Etats-Unis) de l'aide au développement.
S'il est probable que ces tendances positives se maintiennent, un troisième facteur positif risque d'être moins durable. Chaque année, les Africains de l'étranger envoient près de 30 milliards de dollars à leurs familles et amis du continent. Ces versements sont tout à fait essentiels à la stabilité économique de plusieurs pays africains. Un ralentissement économique aux Etats-Unis et en Europe pourrait avoir pour effet de tarir considérablement cet afflux de liquidités, les immigrés étant souvent les premiers à perdre leur emploi lorsque les signes avant-coureurs d'une récession se font sentir.
Dans le même temps, si les économies-frontières de l'Afrique sont moins vulnérables à l'instabilité financière mondiale que les marchés d'autres pays émergents, elles sont extrêmement vulnérables aux troubles politiques du continent même. Les trois pays piliers de la stabilité régionale ces dernières années – le Nigeria, le Kenya et l'Afrique du Sud – sont aujourd'hui trop préoccupés par leurs propres troubles politiques pour fournir les forces de maintien de la paix et les fonds de reconstruction, et pour exercer les pressions politiques qui contiennent souvent les désordres occasionnés par des conflits ailleurs dans la région.
La plupart des problèmes du Nigeria sont bien connus. Les rebelles de la région du delta du Niger, riche en pétrole, ont par période pu réduire de 30 % les exportations de pétrole du pays, une source de revenus vitale pour l'État. Le président Umaru Yar'Adua a pris des mesures concrètes pour s'attaquer à la
corruption des élites nigérianes, et semble avoir marqué des points en vue d'un accord de paix détaillé avec les rebelles du delta. Mais Yar'Adua risque de se retrouver sous peu face à un gros problème à court terme. Le tribunal électoral, qui a invalidé le résultat de plusieurs élections provinciales, pourrait encore invalider l'issue de l'élection présidentielle de l'an dernier, l'obligeant à se porter à nouveau candidat. Bien que Yar'Adua pourrait tirer parti des succès obtenus au cours de l'année pour l'emporter avec une marge plus confortable encore, nul doute qu'une campagne électorale de trois mois provoquerait des troubles et que le gouvernement serait trop préoccupé par les rivalités politiques internes pour s'occuper de conflits ailleurs en Afrique.
Les difficultés du Kenya sont plus complexes. Une expansion économique soutenue et une Bourse dont la croissance est l'une des plus rapides au monde n'ont pas empêché le pays de plonger dans une crise politique et des violences interethniques qui vont en s'aggravant depuis le résultat contesté de l'élection présidentielle de décembre. Le président Mwai Kibaki, que les observateurs internationaux ont accusé d'avoir truqué cette élection, a laissé entendre qu'il serait prêt à partager le pouvoir au sein d'un gouvernement d'unité nationale, mais le leader de l'opposition, Raila Odinga, n'est pas dupe de ces promesses. En 2002, Odinga a milité activement pour faire élire Kibaki, qui est ensuite revenu sur son engagement.
Malgré l'escalade inquiétante de la violence, les craintes d'une guerre civile au Kenya sont probablement exagérées. Le mouvement d'opposition démocratique orange a récemment obtenu des postes clés au Parlement et tient compte, pour le moment, des appels au calme de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan et des représentants de l'Union africaine. Il ne faut pas pour autant s'attendre à ce que le Kenya joue à nouveau un rôle stabilisateur dans un avenir proche. Le troisième pilier du continent, l'Afrique du Sud, passera l'année 2008 englué dans une querelle politique venimeuse entre Thabo Mbeki, le canard boîteux de la présidence, et Jacob Zuma, ancien membre du Parlement et nouveau dirigeant élu du Congrès national africain au pouvoir, et le principal candidat pressenti pour succéder l'an prochain à Mbeki, son implacable rival.
Les accusations de corruption portées par Mbeki et ses alliés contre Zuma pour tenter de ruiner sa candidature ont transformé les tribunaux sud-africains en théâtre d'une guerre des tranchées politique. Zuma sera peut-être alors obligé de compter sur le soutien de ses alliées proches au sein du mouvement syndical et du Parti communiste, remettant ainsi en cause le consensus favorable au marché libre de l'élite politique et provoquant un débat sur l'avenir de la politique économique de l'Afrique du Sud.
À court terme, aucun pays de l'Afrique subsaharienne n'aura le poids ou la confiance en soi politiques nécessaires pour remplacer le Nigeria, le Kenya et l'Afrique du Sud comme piliers de la stabilité régionale. Des blocs régionaux comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union douanière d'Afrique australe (SACU), et la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) joueront peu à peu un rôle plus important pour résoudre les problèmes diplomatiques et économiques les plus irréductibles du continent. Mais cela ne se fera pas dans le courant de l'année.
Il reste suffisamment de bonnes raisons pour inciter les investisseurs à tenter leur chance sur les marchés-frontières de l'Afrique. Mais il ne faudra pas nécessairement une sécheresse, un coup d'État, une guerre ou un génocide pour qu'ils y réfléchissent à deux fois.