Meutya Hafid est une journaliste de dimension mondiale. Elle a été prise en otage par un groupe militant alors qu'elle faisait un reportage sur la guerre en Irak. Tout récemment, lauréate du Prix Elizabeth O'Neil de journalisme, elle a voyagé en Australie dans le cadre d'un programme d'échange de trois semaines. Ce prix, décerné à un Indonésien et à un Australien, vise à favoriser la compréhension entre ces deux pays, en insistant sur la promotion d'une couverture journalistique exacte et informée. Ici, Meutya Hafid parle avec le journaliste Wahyuana de ses expériences en Australie et au Moyen-Orient, ainsi que de ses opinions sur la démocratie, les relations entre juifs et musulmans et le rôle que les médias devraient jouer: encourager le dialogue plutôt que la division.
Qu'avez-vous fait pendant votre séjour en Australie?
Comme chacun le sait, l'Australie est un pays doté d'une société complexe et multiculturelle issue de l'émigration. Pendant mon séjour, j'ai noué le dialogue avec des minorités juives et musulmanes, comme aussi avec certaines minorités raciales.
Comment se présente la vie des groupes minoritaires en Australie, plus particulièrement celle des musulmans?
Structurellement et officiellement, les minorités bénéficient du même traitement. Socialement, cependant, elles sont l'objet d'une discrimination de la part des groupes minoritaires. Ainsi, les musulmanes australiennes sont parfois en butte aux insultes et à la moquerie lorsqu'elles portent le «hijab». Toutefois, les groupes minoritaires ont le droit de présenter leurs griefs en débat public, ou devant un Conseil des droits de l'Homme, où les solutions sont soit le règlement à l'amiable soit le recours aux tribunaux.
Il existe en Indonésie de nombreux cas graves de discrimination, qui ne sont évoqués que superficiellement par les médias, quitte à tomber rapidement dans l'oubli. On pense au cas de l'Ahmadiyya, cette communauté qui croit que le second avènement du Christ a déjà eu lieu. Les mosquées de cette communauté ont été récemment vandalisées par des groupes qui les accusent de déviation de la doctrine islamique. La police ayant emmené les adeptes de l'Ahmadiyya «en sécurité», les agresseurs ont pu tranquillement vandaliser leurs biens.
Pensez-vous que le problème de la protection des droits des minorités fait partie du conflit des civilisations?
Pour moi, il ne s'agit pas de conflit de civilisations. Il s'agit d'un phénomène qui se produit fréquemment dans les pays où coexistent distinctement une majorité et des minorités. En Indonésie, ce genre de racisme ou de discrimination se manifeste parfois subconsciemment, au-delà des différences ethniques et sociales.
Cela dit, en Australie, l'immigration est issue de nombreux pays et cultures différents: d'Europe, d'Asie, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'ailleurs. L'intégration suit son rythme et ne se fait pas toujours en douceur. Pourtant, en Australie, tous les citoyens jouissent d'une protection juridique contre la discrimination, d'où qu'ils viennent ou quelle que soit la couleur de leur peau. A mon avis, l'Australie peut servir de modèle multiculturel.
On dirait qu'en Australie les minorités musulmanes sont mieux protégées qu'en Indonésie. Pourquoi?
C'est peut-être parce que la démocratie est profondément ancrée dans le système de gouvernement. Par ailleurs, les minorités australiennes sont tout à fait conscientes de leurs droits. Ainsi, dans certains Etats où l'immigration est très présente, la police a créé des unités multiculturelles qui, non seulement transmettent à la justice les conflits provenant de différences culturelles, mais sont également responsables de la construction d'une harmonie interculturelle. Ces unités travaillent en phase avec les minorités religieuses et les dirigeants communautaires.
La démocratie est-elle le meilleur moyen de protéger les droits des minorités?
C'est certainement un des meilleurs moyens, mais pas le seul. N'oublions pas non plus que la démocratie comporte des droits, mais aussi des obligations. Dans la mesure où les deux sont équilibrés, je pense que la fréquence des conflits peut reculer.
De plus, la démocratisation, les valeurs, comme les croyances religieuses profondément enracinées dans l'esprit de l'individu, jouent certainement un rôle primordial dans l'atténuation des conflits entre majorité et minorités. Aucune religion ne préconise l'agression des minorités qui vivent en son sein.
Lorsque vous vous êtes rendue en Israël et en Palestine sur invitation de l'Australian-Israeli Jewish Affairs Council (AIJAC), avez-vous constaté l'existence d'un phénomène semblable à ce que vous voyez en Australie ou en Indonésie?
Il n'y a aucun rapport entre ce qui se passe en Israël et en Palestine et la situation en Australie. Mais ce qui a excité ma curiosité en Israël et en Palestine, c'est de voir que, au niveau de la base, juifs et musulmans ont besoin les uns des autres et dépendent les uns des autres. Les maisons israéliennes sont souvent construites par des ouvriers palestiniens. Plusieurs journalistes palestiniens que j'ai rencontrés préfèrent vivre et travailler à Tel-Aviv. Lors d'un dialogue entre dirigeants politiques (Shimon Perez, ex-Premier ministre israélien, et le maire de Ramallah), j'ai senti de façon tangible qu'ils désiraient tous les deux créer la paix.
Tant au Moyen-Orient qu'en Asie du Sud-Est, comment voyez-vous les relations entre le monde musulman et l'Occident?
La rupture entre le monde musulman et l'Occident provient de malentendus entre les deux communautés. A mon avis, ce que nous voyons est un conflit créé intentionnellement de part et d'autre par des groupes très précis, animés par des arrière-pensées secrètes. J'encourage vivement le dialogue entre les civilisations, les cultures, les religions et les croyances. Nous devons apprendre à nous connaître, accepter nos différences et replacer ces différences dans le contexte de nos histoires distinctes et de nos points communs. Les médias doivent jouer un rôle de premier plan en diffusant une information plus exacte et plus impartiale sur les deux parties, ménageant un espace au rapprochement et à l'appréciation, offrant ainsi une alternative au proverbe «loin des yeux, loin du cœur».
Qu'avez-vous fait pendant votre séjour en Australie?
Comme chacun le sait, l'Australie est un pays doté d'une société complexe et multiculturelle issue de l'émigration. Pendant mon séjour, j'ai noué le dialogue avec des minorités juives et musulmanes, comme aussi avec certaines minorités raciales.
Comment se présente la vie des groupes minoritaires en Australie, plus particulièrement celle des musulmans?
Structurellement et officiellement, les minorités bénéficient du même traitement. Socialement, cependant, elles sont l'objet d'une discrimination de la part des groupes minoritaires. Ainsi, les musulmanes australiennes sont parfois en butte aux insultes et à la moquerie lorsqu'elles portent le «hijab». Toutefois, les groupes minoritaires ont le droit de présenter leurs griefs en débat public, ou devant un Conseil des droits de l'Homme, où les solutions sont soit le règlement à l'amiable soit le recours aux tribunaux.
Il existe en Indonésie de nombreux cas graves de discrimination, qui ne sont évoqués que superficiellement par les médias, quitte à tomber rapidement dans l'oubli. On pense au cas de l'Ahmadiyya, cette communauté qui croit que le second avènement du Christ a déjà eu lieu. Les mosquées de cette communauté ont été récemment vandalisées par des groupes qui les accusent de déviation de la doctrine islamique. La police ayant emmené les adeptes de l'Ahmadiyya «en sécurité», les agresseurs ont pu tranquillement vandaliser leurs biens.
Pensez-vous que le problème de la protection des droits des minorités fait partie du conflit des civilisations?
Pour moi, il ne s'agit pas de conflit de civilisations. Il s'agit d'un phénomène qui se produit fréquemment dans les pays où coexistent distinctement une majorité et des minorités. En Indonésie, ce genre de racisme ou de discrimination se manifeste parfois subconsciemment, au-delà des différences ethniques et sociales.
Cela dit, en Australie, l'immigration est issue de nombreux pays et cultures différents: d'Europe, d'Asie, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'ailleurs. L'intégration suit son rythme et ne se fait pas toujours en douceur. Pourtant, en Australie, tous les citoyens jouissent d'une protection juridique contre la discrimination, d'où qu'ils viennent ou quelle que soit la couleur de leur peau. A mon avis, l'Australie peut servir de modèle multiculturel.
On dirait qu'en Australie les minorités musulmanes sont mieux protégées qu'en Indonésie. Pourquoi?
C'est peut-être parce que la démocratie est profondément ancrée dans le système de gouvernement. Par ailleurs, les minorités australiennes sont tout à fait conscientes de leurs droits. Ainsi, dans certains Etats où l'immigration est très présente, la police a créé des unités multiculturelles qui, non seulement transmettent à la justice les conflits provenant de différences culturelles, mais sont également responsables de la construction d'une harmonie interculturelle. Ces unités travaillent en phase avec les minorités religieuses et les dirigeants communautaires.
La démocratie est-elle le meilleur moyen de protéger les droits des minorités?
C'est certainement un des meilleurs moyens, mais pas le seul. N'oublions pas non plus que la démocratie comporte des droits, mais aussi des obligations. Dans la mesure où les deux sont équilibrés, je pense que la fréquence des conflits peut reculer.
De plus, la démocratisation, les valeurs, comme les croyances religieuses profondément enracinées dans l'esprit de l'individu, jouent certainement un rôle primordial dans l'atténuation des conflits entre majorité et minorités. Aucune religion ne préconise l'agression des minorités qui vivent en son sein.
Lorsque vous vous êtes rendue en Israël et en Palestine sur invitation de l'Australian-Israeli Jewish Affairs Council (AIJAC), avez-vous constaté l'existence d'un phénomène semblable à ce que vous voyez en Australie ou en Indonésie?
Il n'y a aucun rapport entre ce qui se passe en Israël et en Palestine et la situation en Australie. Mais ce qui a excité ma curiosité en Israël et en Palestine, c'est de voir que, au niveau de la base, juifs et musulmans ont besoin les uns des autres et dépendent les uns des autres. Les maisons israéliennes sont souvent construites par des ouvriers palestiniens. Plusieurs journalistes palestiniens que j'ai rencontrés préfèrent vivre et travailler à Tel-Aviv. Lors d'un dialogue entre dirigeants politiques (Shimon Perez, ex-Premier ministre israélien, et le maire de Ramallah), j'ai senti de façon tangible qu'ils désiraient tous les deux créer la paix.
Tant au Moyen-Orient qu'en Asie du Sud-Est, comment voyez-vous les relations entre le monde musulman et l'Occident?
La rupture entre le monde musulman et l'Occident provient de malentendus entre les deux communautés. A mon avis, ce que nous voyons est un conflit créé intentionnellement de part et d'autre par des groupes très précis, animés par des arrière-pensées secrètes. J'encourage vivement le dialogue entre les civilisations, les cultures, les religions et les croyances. Nous devons apprendre à nous connaître, accepter nos différences et replacer ces différences dans le contexte de nos histoires distinctes et de nos points communs. Les médias doivent jouer un rôle de premier plan en diffusant une information plus exacte et plus impartiale sur les deux parties, ménageant un espace au rapprochement et à l'appréciation, offrant ainsi une alternative au proverbe «loin des yeux, loin du cœur».
